L’année dernière, environ 5,7 millions de foyer achetaient un sapin de Noël naturel. Certaines sociétés avaient coutume de décorer leurs demeures par des ossements d’animaux jugés nobles. Chez nous, la fête se célèbre en décorant le cadavre d’un arbre.
L’histoire d’une étrange coutume
La coutume telle que nous la pratiquons aujourd’hui est issue d’un syncrétisme culturel venu de plusieurs traditions : dans l’Antiquité, le solstice d’hiver était célébré par les populations nordiques (celtes, germaniques, romaines) par des journées de festivité, lors desquelles on décorait les demeures avec des branches de connifères.

L’importance de la lumière de Noël vient du fait qu’à partir du 21 décembre, le soleil commence à réapparaître, et les jours à se rallonger. Le calendrier chrétien ayant fixé la naissance de Jésus à cette période, Noël a été intégré à ce moment déjà célébré.
La première trace écrite d’un arbre entier date de 1521 en Alsace, et réfère à des familles protestantes qui voulaient ainsi se distinguer de la crèche catholique. Le premier sapin décoré fut celui de l’épouse du roi Louis XV, Marie Leszcynska.
Depuis un siècle, cette pratique est devenue un enjeu commercial majeur, l’enfant consommateur étant mis au centre d’un processus où la magie, l’émerveillement et l’amour sont démontrés par l’achat et l’accumulation de biens de consommation.
La (mono)culture du sapin de Noël
Dans le Morvan, en Rhônes-Alpes, en Bretagne ou dans la Loire, ce sont des milliers d’hectares de terrains agricoles qui sont entièrement dédiés à la culture du sapin. Quand ces cultures sont faites sur des terrains agricoles délaissés ou des friches non exploitables, le sapin permet de rendre le sol moins acide, donc de le revitaliser. Mais dans ces milliers d’hectares de “forêts”, vous n’entendrez aucun oiseau. Car la monoculture fait disparaître la biodiversité, et nécessite des engrais qui polluent les nappes phréatiques. Si d’aventure les chevreuils, de moins en moins craintifs des hommes et qui voient leurs territoires diminuer, s’aventureraient là, ils connaîtront les clôtures électrifiées.

Les deux espèces les plus vendues sont l’épicéa et le Nordmann. Cela prend plusieurs années pour que le sapin pousse, entre 9 et 15 ans, selon les entreprises. Les sapins haut de gammes doivent répondre à l’exigence esthétique de nos sociétés : harmonie, équilibre, symétrie des formes.
Sauf label, bio, les producteurs utilisent des pesticides pour désherber les premières années. Certains, très rares encore, utilisent des moutons, mais c’est une alternative qui demande la surveillance d’un éleveur.
Après avoir “vécu” quelques semaines dans un salon, l’arbre est composté et son bois réutilisé pour de l’engrais végétal entre autres. En France, 15 % des arbres ne sont pas recyclés. Les municipalités organisent des collectes… mais pour les acheminer, c’est encore de l’essence qui est dépensé. Des arbres artificiels ont vu le jour aussi, pouvant être réutilisés d’une année sur l’autre. Ils sont le plus souvent fabriqués avec des dérivés de pétrole donc polluants à fabriquer et non recyclables.

Des initiatives voient le jour pour proposer aux consommateurs des arbres en pot qui pourraient avoir plus de chance d’être replantés dans des jardins. Mais les résultats sont encore timides : en fait, la place d’un sapin est bien dans la forêt, entouré d’autres espèces, d’oiseaux et de chevreuils.
Voir la fête autrement ?
Des efforts sont faits pour rendre la coutume du sapin de Noël plus écologiquement acceptable. Mais à chaque proposition, on se rend compte qu’un nouvel élément de pollution est introduit. Le sapin de Noël est un symbole puissant d’une tendance que les industriels adoptent et qui rassure les consommateurs : chercher d’autres manières moins polluantes de poursuivre une pratique qui en soi met à mal le vivant. La remise en question de la pratique elle-même semble bien difficile.
Ne pouvons-nous nous interroger sur la possibilité de nous émerveiller autrement qu’autour d’un arbre mort ? Pouvons-nous envisager de décorer le vivant autour de nous ? Et les enfants, si pleins d’imagination, ne sont-ils pas les meilleurs agents pour nous montrer que la magie n’a pas besoin d’un arbre mort ?