Alors que la mobilisation populaire contre le pass sanitaire grossit de samedi en samedi dans les rues, 53 991 citoyens viennent de déposer un mémoire pour mettre la pression sur le Conseil constitutionnel et accompagner la saisine déposée par plus de 60 députés, 120 sénateurs mais aussi le Premier ministre, Jean Castex. Le Conseil Constitutionnel a jusqu’au 5 août pour rendre sa décision, la loi étant censée entrer en vigueur le 9 août.
Une restriction grave des libertés
Contre le pass sanitaire, la population s’organise dans la rue mais aussi dans les tribunaux. Face à des états d’urgence sanitaires répétés puis aggravés, nombre de citoyens choisissent la voie du droit. Ils sont donc plus de 50 000 à saisir ce jour le Conseil constitutionnel d’un mémoire au soutien de l’inconstitutionnalité du « pass sanitaire ».
Défendus par un collectif d’avocats, ils invoquent « le caractère disproportionné des atteintes causées aux libertés individuelles. Le collectif entend poser les limites entre impératif sanitaire et garantie démocratique. » expliquent-ils dans leur communiqué
En saisissant le Conseil constitutionnel de nombreux arguments d’inconstitutionnalité, les citoyens veulent voir la loi sur le « pass sanitaire » annulée ou, à tout le moins, fortement retoquée. Pour le collectif d’avocats qui soutient leur démarche, ce dépôt est le début d’une « véritable guerre juridique » et annonce une « saisine massive » de toutes les juridictions françaises.
« Si les sages ne jouent pas leur rôle de gardiens des libertés, cela signera le début d’une bataille massive devant les tribunaux. Quelles que soient les crises que notre société aura à affronter, le devoir des avocats est de préserver l’équilibre entre les libertés de chacun et l’intérêt de tous. » précise ainsi Me Jade DOUSSELIN, avocat au Barreau de Paris et porte-parole du collectif d’avocats
Le pass sanitaire est obligatoire depuis le 21 juillet dans les lieux de loisirs et de culture (cinémas, musées…) qui rassemblent plus de 50 personnes. En août, avec le projet de loi, il doit être étendu aux cafés, restaurants, foires et salons professionnels, ainsi qu’aux avions, trains, cars longs trajets et aux centres commerciaux sur décision des préfets.
Pour les députés ayant déposé un recours devant le Conseil constitutionnel, cette mesure « porte atteinte à la liberté d’aller et venir, mais également à la liberté de mener une vie sociale et familiale normale ».
Autre mesure ayant fait couler de l’encre : l’extension du pass sanitaire aux établissements médicaux, sauf urgence. Cette mesure risque de priver des personnes ayant besoin de soins d’accès aux infrastructures adéquates, faute de pouvoir déterminer une situation d’urgence de son état sans un examen médical préalable.
« L’Ordre des médecins rappelle que la mission de service public assumée par tous les soignants est de garantir l’accès aux soins pour tous. » peut-on lire dans un communiqué
L’Ordre des médecins a ainsi rappelé que les professionnels de santé ont l’obligation déontologique de prodiguer des soins à tous les patients en ayant besoin. Une patiente a ainsi déjà vu son examen du cœur repoussé faute de pouvoir présenter un pass sanitaire à jour, malgré les deux doses de vaccin qu’elle avait reçu.
Un manque de moyens pour le système hospitalier
Le manque de moyens dédiés au système hospitalier, en pleine crise sanitaire, est d’ailleurs fermement dénoncé dans le mémoire des 50 000 citoyens.
« Cette crise sanitaire révèlera à la population l’existence de 5.000 lits de réanimation pour la France entière, c’est-à-dire une population de 70 millions d’habitants tandis que l’Allemagne pourra accueillir 20.000 personnes en réanimation. (…) La presse se fera le relai des déclarations discrètes mais existantes des professionnels de santé lesquels se voyaient contraints, « pour faire face », de déprogrammer des interventions et soins pour accueillir, dans des services non dédiés, les patients du COVID-19. Sur l’ensemble de la période 2020-2021, la France fermera des lits supplémentaires et maintiendra ses numerus clausus pour les professionnels de santé. Le SEGUR de la santé n’y a rien fait. » dénoncent-ils
De fait, sur l’année 2020, en dépit de la pénurie des moyens médicaux et malgré la persistance de la pandémie, la France a fermé 1.800 lits d’hôpitaux selon un décompte de FO-Santé. Le 21 juillet 2020, les accords du « Ségur de la Santé » débouchaient sur 33 mesures, dont des augmentations de salaires des professionnels de santé, à raison de 183 euros net par an. Cela faisait dix ans que leurs salaires étaient gelés, et cette hausse n’a pas réussi à compenser le retard sur le reste des pays européens.
« C’est un rattrapage qui n’est pas suffisant : avant cette augmentation, les infirmiers étaient payés moins de 20% par rapport au salaire moyen européen de la profession. Leur rémunération est maintenant inférieure de 10% à cette moyenne. Ce n’est pas suffisant. » explique Thierry Amouroux, porte-parole du syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), pour L’Express
Résultat, dans les établissements publics comme dans les cliniques, les vagues de départ du personnel soignant, à bout après un an de pandémie, continuent de se multiplier. La France est passée de 7 500 postes d’infirmiers vacants en juin de l’année dernière à 34 000 en septembre.
La suspension des contrats de travail
Dans la rue, plus de 200 000 personnes ont défilé ce samedi dans toute la France contre l’extension du pass sanitaire, selon le décompte du ministère de l’Intérieur. Des foules hétéroclites, de l’extrême droite à l’extrême gauche en passant par d’anciens « gilets jaunes », mais aussi « des personnes vaccinées qui estiment que le pass sanitaire est à la fois injuste et oppressif ».
En effet, le droit du travail est rudement malmené par le projet de loi puisque les salariés des secteurs concernés par l’extension du pass sanitaire devront en avoir un à partir du 30 août. Un salarié sans justificatif sera suspendu, sans salaire. Également, les CDD et contrats intérimaires pourront être rompus par les employeurs.
« La loi introduit dans le Code du travail une différentiation entre les salariés en CDD ou intérimaires et les autres, a dénoncé l’élu communiste Stéphane Peu à franceinfo, avec une menace de perte sèche d’emploi sans possibilité d’allocation chômage. C’est là aussi une rupture d’égalité et une modification profonde du Code du travail, qui met encore plus en instabilité des publics précaires. »
Les parlementaires ayant saisi le Conseil Constitutionnel dénoncent aussi la rapidité de l’agenda législatif imposé par la majorité présidentielle sur un sujet aussi crucial en terme de libertés publiques. Les députés n’ont ainsi eu que 48 heures pour déposer leurs amendements, alors que le gouvernement a pris une semaine pour écrire son texte.
Surtout, lorsqu’il y avait eu un premier vote le 31 mai dernier, lors de l’évaluation parlementaire de la loi relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, le passe sanitaire était proposé pour les grands rassemblements, mais le gouvernement jurait alors qu’il ne serait « jamais appliqué dans la vie quotidienne ».
« Le pass sanitaire touche les droits les plus fondamentaux. Annoncé comme provisoire, il s’aggrave et perdure. Les citoyens entrés en résistance légaliste appellent le Conseil constitutionnel à la raison avant d’élargir leur offensive juridique. » conclut l’avocat Arnaud DURAND, avocat au Barreau de Paris et fondateur du collectif
Face aux mensonges du gouvernement et en parallèle à cette saisine du Conseil constitutionnel, le collectif de citoyens a recueilli plus de 200 000 signatures sur une pétition en ligne pour la transparence des vaccins.
Après avoir lancé une « requête amiable en communication de documents » ayant pour but d’obtenir les dossiers d’autorisation conditionnelle de mise sur le marché ainsi que les contrats passés avec les fabricants de vaccins, le collectif prévoit une action collective en justice dès la barre des 250 000 signataires franchie.
Crédit photo couv : Nicolas Billiaux / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP