En cette période de restriction de libertés, s’emparer de son rôle politique citoyen et participer à la vie de son territoire n’est pas chose facile. Mais face à la bétonisation à outrance et à l’accaparement des ressources communes en faveur de quelques intérêts privés, des milliers de citoyens se sont levés partout en France pour agir contre la ré-intoxication du monde. Ce samedi 17 avril, tou.te.s partageaient un même objectif : « traduire en actions de terrain la nécessité de rompre avec la destruction du vivant et le nihilisme marchand. »
40 actions dans toute la France
Ce samedi 17 avril a eu lieu la 3e vague d’actions contre la réintoxication du monde. Idée lancée durant le premier confinement, ce mouvement national « contre la réintoxication du monde » permet à de multiples petites actions collectives de devenir visibles en formant une grande constellation de luttes locales, partout en France.
Après le 17 juin et le 17 novembre, ce 17 avril a été couronné de succès pour les coordinateurs du mouvement. Plus de 40 mobilisations se sont déroulées dans toute la France avec une grande diversité d’actions : manifestations, blocages, de l’art’ivisme comme à Bordeaux et Dijon avec du sabotage publicitaire, des vélorutions « revendicatives contre l’urbanisation agressive et la destruction de plusieurs lieux collectifs en ville » à Grenoble et Montpellier, et de nombreuses plantations militantes.

immobiliers et zones d’activités économiques ont été détournés pour interpeller les
habitant.es de la métropole sur la destruction programmée de centaines d’hectares
d’espaces naturels et cultivables, promise par le plan local d’urbanisme (PLUi-HD).
« Il y a eu des pressions sur un certain nombre de collectifs par la Préfecture et/ou par la Mairie alors même qu’on avait bien épluché le droit avec un avocat spécialisé qui nous a confirmé que le droit de manifester prévaut devant les restrictions sanitaires, peu importe la limite kilométrique. Et pourtant certaines préfectures et mairies ont carrément interdit les événements sous prétexte sanitaire… » explique Nicolu pour La Relève et La Peste
Pas de quoi décourager les manifestants bien décidés à se faire entendre et à ne pas laisser leurs combats sombrer dans l’oubli, au risque de voir leur territoire radicalement transformé par des projets d’urbanisation écocidaires.

golf de Crots, un projet trou de balle dans les Hautes Alpes, et y ont déployé une
banderole géante « la guerre du golf ! »
Une prise de pouvoir citoyenne
Ainsi, à Saint Colomban (Loire Atlantique), plusieurs centaines de personnes se sont mobilisées contre l’extension des carrières de sable par Lafarge et GSM, et contre le maraîchage industriel qui utilise ce sable, et ce malgré l’interdiction du maire de manifester.
Le collectif « La Tête dans le Sable » a tenu bon face aux pressions du maire et son interdiction de manifester, une trentaine de tracteurs ont défilé dans le bourg et devant la Mairie en chantant « on est là ! »
« Notre objectif était de re-rencontrer la population car, avec le covid, tout a été fait par voie de presse entre la Mairie et notre collectif « la tête dans le sable ». On nous faisait passer pour des casseurs/extrémistes alors qu’on veut simplement préserver notre territoire. Moi je suis paysan, prêt à laisser des terres saines pour d’autres. On ne veut pas que le patrimoine agricole serve à l’agrandissement de carrières, car on va utiliser ce sable pour le maraîchage industriel ! Extraire du sable pour faire pousser de la mâche et en jeter 30% parce qu’il y en a de trop n’a aucun sens. Ici, on confronte deux mondes agricoles : le monde paysan en diversifié et les maraîchers en agriculture industrielle. Pour nous, le maraîchage industrielle n’est pas de l’agriculture paysanne. » explique Martin Boileau, paysan et membre du collectif La Tête dans Le Sable, pour La Relève et La Peste

A Saint-Sulpice-La-Pointe (Tarn), l’interdiction de la mairie n’a pas refroidi les 400-et-quelques-manifestants, forts de l’autorisation de la préfecture, qui se sont réunis contre l’implantation d’une plateforme de 70.000 m2 destinée au e-commerce : Terra2.
Toujours dans les projets de plateforme logistique, à Salles (Gironde), de gros colis ont été livrés devant la porte de la mairie, et beaucoup de personnes se sont mobilisées pour préserver une zone humide dans le Val de l’Eyre.

plateforme de 70.000 m2 destinée au e-commerce à faire plus de bruits que la déferlante
de camions annoncés. »
Lire aussi : « Les zones humides sont essentielles pour limiter les inondations et protéger la biodiversité »
« Le risque sanitaire dans nos actions me semble vraiment modéré car il s’agit toujours de rassemblements en plein air, et qu’un grand nombre d’entre elles ont vraiment appuyé le respect des règles sanitaires. Ensuite, je pense qu’il faut aussi savoir peser le pour et le contre avec ce qui compte le plus : prendre un risque contrôlé et modéré, ou laisser faire une machine qui détruit le Vivant, humains et non-humains. Le Covid a un effet très fort sur la santé psychologique et mentale des gens, il y a une vague de dépression et d’angoisse. Le fait de pouvoir se retrouver et de profiter du droit de manifester qui est légalement acquis permet de rendre du sens à ce qu’on fait. »
A Montreuil-sur-Mer, commune de 2133 habitants, le village n’avait jamais vu une aussi grande manifestation de mémoire d’ancien. 398 personnes « ont défilé sous le soleil et en musique avec la chorale et la batucada lilloise » pour protester contre Tropicalia, la serre tropicale géante. « On sent que c’est des gens qui étaient heureux d’être dans la rue ce jour-là » a ainsi précisé un habitant.

Cette journée de lutte contre la ré-intoxication du monde a aussi été l’occasion de belles solidarités, comme aux Jardins des Vaîtes où de courageux volontaires ont reconstruit l’une des cabanes des jardins populaires qui avait été brûlée par des opposants aux écologistes.
Les militants ont également planté un champ de patates et inaugurer un verger conservatoire pour l’occasion et ré-affirmer leur volonté de sauver les jardins et terres agricoles face à la bétonisation d’un « écoquartier ».
« Face au désastre en cours, on ne peut pas s’arrêter à quelques restrictions et il faut inventer de nouvelles façons de lutter. Les collectifs qu’on met en valeur sont des luttes de long terme. Les personnes engagées dans ces combats savent qu’il y a besoin de détermination, d’entêtement et d’action continue. Je pourrais en citer plein mais Stocamine est un bon exemple. Maintenant, on prépare déjà la suite. » conclut Nicolu dans un sourire
plus d’infos sur la journée du 17 avril et les nombreux collectifs qui ont lutté, ici