La quantité de surface boisée progresse en France. Mais toutes les forêts se valent-elles ? Le Temps des Forêts, réalisé par François-Xavier Drouet pose avec force cette interrogation.
Offrant une plongée dans le monde de la sylviculture industrielle, il donne la parole aux acteurs de l’exploitation de la forêt et à ceux de sa préservation. Du Limousin aux Landes, des Vosges au Morvan, le film offre à voir l’intense industrialisation actuellement subie par les forêts de l’Hexagone.
La malforestation
« Le problème en France, ce n’est pas la déforestation, c’est la malforestation. »
Dans les bois monotypes du Limousin, les pins Douglas s’alignent en rangée serrée. Au sol, ni feuilles ni mousse mais un tapis d’aiguilles sous lequel ne se cache aucun animal, pas même quelques lombrics. Et un silence anormal : aucun oiseau ne chante. Ces forêts sans vie apparaissent comme « des usines à bois », des champs d’arbres artificiels menaçant directement la biodiversité.
« La forêt naturelle s’enveloppe, elle se protège, elle forme un intérieur et un extérieur. C’est quelque chose comme une matrice dans laquelle la régénération naturelle prend place. Cette forêt a un autre climat à l’intérieur qu’à l’extérieur. » explique le réalisateur.
« Et ça on le remplace par une forêt artificielle d’arbres alignés, que le vent va traverser. En hiver cette forêt est plus froide et en été elle va se dessécher. C’est un très mauvais calcul de créer des forêts de ce genre-là parce que maintenant ça va être très difficile avec le réchauffement climatique. Ces forêts plantées ouvertes à tous les vents vont avoir énormément de difficultés. »

Une gestion productiviste
Soumis à un devoir de réserve, les agents de l’Office National des Forêts n’ont pu s’exprimer devant la caméra que dans le cadre de leur mandat syndical. Cette gestion productiviste des forêts heurte leurs convictions autant qu’elle porte atteinte aux écosystèmes. Beaucoup ressentent « une perte de sens », refusant de devenir de « simples récoltants de bois ». Pour le conducteur de l’abatteuse, la cadence exigée pour rentabiliser les engins, qui entassent comme des déchets les arbres non calibrés et ensevelissent les cours d’eau, est infernale. « On est un peu esclaves de nos machines », confie l’un d’eux.

Dessiner les paysages de demain
Les mouvements de résistance ont déjà émergé, comme ces groupements où les citoyens rachètent des parcelles, afin de laisser pousser librement les feuillus. « Que voulons-nous ? » interroge François-Xavier Drouet, « Une forêt vivante ou un désert boisé ? Les choix d’aujourd’hui dessineront les paysages de demain. »
La forêt durable est non seulement souhaitable, mais compatible avec les enjeux économiques, affirment certains forestiers, qui voient la forêt « plutôt comme une continuité que comme une plantation qui doit être coupée. » « Les logiques viennent de l’industrie du plastique, du pétrole, de la finance. À un moment donné il faut percevoir que ce n’est pas mariable, ces deux logiques-là. »