La criminalisation des protecteurs de l’environnement continue de se répandre. Aux Etats-Unis, le Département de la sécurité intérieure a fiché des activistes climat comme terroristes domestiques, au même niveau de danger que des suprémacistes blancs et des meurtriers de masse.
Les Valveturners, la plus grande initiative coordonnée sur des infrastructures énergétiques
Le 11 octobre 2016, un groupe de neuf personnes a réalisé l’une des actions directes les plus efficaces et les plus impressionnantes pour le climat. En solidarité avec Standing Rock, ils et elles ont fermé les vannes de pipelines de pétrole issu des sables bitumineux simultanément dans quatre Etats des USA, provoquant l’arrêt du flux de 2,8 millions de barils de pétrole pendant plusieurs heures, soit 15 % de la consommation quotidienne nord-américaine.
L’agence de presse Reuters a qualifié l’acte de « plus grande initiative coordonnée sur les infrastructures énergétiques nord-américaines jamais entreprise par des manifestants écologistes », une action directe qui « a ébranlé l’industrie nord-américaine de l’énergie ». Ce jour-là, les #Valveturners sont entrés dans l’Histoire mais aussi sous la surveillance du Département de la Sécurité Intérieure des Etats-Unis (DHS).
L’ONG « Property of the People » a transmis à The Guardian un récent bulletin de renseignement évaluant les menaces de terrorisme domestique entre 2018 et 2020, dans lequel le DHS décrit le groupe des Valve Turners comme « des extrémistes présumés des droits environnementaux ».
Le document inclue également deux des membres du groupe aux côtés de suprémacistes blancs violents et d’autres terroristes qui se sont livrés à des tueries de masse, tels que Dylann Roof, le meurtrier raciste qui a tué neuf chrétiens afro-américains à Charleston, en Caroline du Sud, en 2015.
En 2016, les Valve Turners sont Michael Foster (53 ans), Ken Ward (61 ans), Emily Johnston (51 ans), Annette Klapstein (65 ans), et Leonard Higgins (66 ans). A l’image d’Henry David Thoreau, ils étaient tous prêts à être arrêtés suite à leur action directe. Accusés de complot de crime, les charges ont depuis été abandonnées pour trois d’entre eux. Foster, qui a fermé une valve dans le Dakota du Nord, a passé six mois en prison et purge actuellement une peine de probation. Au cours de son procès, les procureurs ont comparé Foster à l’Unabomber et aux assaillants du 11 septembre.

La criminalisation des militants écolo
Les Valve Turners ont utilisé le motif de l’état de nécessité en expliquant avoir enfreint la loi parce qu’ils avaient épuisé tous les moyens légaux pour réduire ou éliminer un danger clair et présent : la crise climatique. Le pétrole brut dont ils ont fermé le flux provient des sables bitumineux du Canada. Il a été qualifié d’un des « plus sales du monde » par les protecteurs de l’environnement, à cause de la pollution de l’air et de l’intoxication des communautés autour des pipelines qu’il provoque.
Au cours des trois années qui se sont écoulées depuis l’action, plusieurs États nord-américains ont adopté une législation plus stricte qui érige en infraction le fait de pénétrer sur des propriétés contenant des infrastructures critiques, à l’image de la cellule Déméter en France. L’administration Trump a également plaidé pour des sanctions plus sévères contre les militants qui se livrent à une action directe non violente ciblant les infrastructures de combustibles fossiles.
« Je pense qu’il y a une stratégie que la droite utilise pour criminaliser les dissidents politiques. Ce bulletin montre cette main sale. Les mouvements de libération savent que cela se produit et nous nous battons contre cela. Ils le font parce qu’ils ont peur du pouvoir de ces mouvements. » a ainsi déclaré Carl Williams, directeur exécutif du Water Protector Legal Collective, à The Guardian
Cette montée en puissance de la criminalisation des militants écolo et sociaux se traduit par un nombre grandissant d’affaires en justice comme les décrocheurs de Macron en France ou tout récemment, les 12 activistes qui viennent d’être acquittés en Suisse. Ils étaient jugés pour avoir investi les locaux du Crédit Suisse déguisés en joueurs de tennis afin d’interpeller Roger Federer, l’un des ambassadeurs de la banque, sur les investissements de l’établissement financier dans les énergies fossiles. En Suisse, le tribunal a tranché en faveur de la préservation du vivant en estimant que le réchauffement climatique est un danger réel pour les populations, et que l’action des militants était donc justifiée.
Le durcissement de la législation concernant les manifestations va envoyer de plus en plus de monde devant les tribunaux où se régleront alors des questions de choix de civilisation. Mais pour Michael Foster, « la seule façon de forcer une société à changer assez rapidement est de refuser d’y participer et de saturer les prisons. »