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Derrière l’image du militantisme, Carrefour joue avec les mots !

Carrefour lance un « Marché Interdit » Cette semaine, Carrefour a créé le buzz avec le lancement de son « Marché Interdit » : spot publicitaire digne d’un film d’espion, vidéo pédagogique, visuels léchés pour présenter du « jamais-vu » en grande surface, et même lancement d’une pétition en ligne. Ne tremblez plus consommateurs français, Carrefour est là pour sauver notre terroir. […]

Carrefour lance un « Marché Interdit »

Cette semaine, Carrefour a créé le buzz avec le lancement de son « Marché Interdit » : spot publicitaire digne d’un film d’espion, vidéo pédagogique, visuels léchés pour présenter du « jamais-vu » en grande surface, et même lancement d’une pétition en ligne. Ne tremblez plus consommateurs français, Carrefour est là pour sauver notre terroir. Leur engagement ? Vendre dans une quarantaine de magasins des fruits et légumes issus de semences paysannes jusqu’alors jamais commercialisés en grande surface.

Engagement réel ou coup de com’ ?

Derrière cette communication tape-à-l’œil, une vraie problématique : la Guerre des Graines dont nous vous avions déjà parlé. Pour la commercialisation de graines ou plants, le décret n°81-605 du 18 mai 1981 impose l’inscription des variétés au catalogue officiel des espèces et variétés végétales. Cette inscription est non seulement payante, entre 1 000 et 10 000 euros, mais la variété de semence doit également subir une série de tests.

Ces derniers sont conçus pour des semences chimiques uniformisées appartenant aux grands groupes semenciers Bayer, Monsanto et consorts. Deux vrais obstacles aux producteurs de semences qui n’ont pas forcément les ressources financières pour payer ce droit, et proposent des variétés anciennes par essence instables. Elles poussent différemment selon les régions, types de sol et conditions climatiques.

La première nuance est dans ce décret : c’est bien la commercialisation des semences, et non des fruits et légumes qui en sont issus, qui est interdite. Carrefour se permet donc un bel abus de langage lorsqu’il parle de marché interdit, agissant en fait en toute légalité.

Par ailleurs, s’il a fallu dans un premier temps uniformiser nos fruits et légumes, c’est pour répondre aux besoins de la grande distribution ironiquement énumérés dans la pétition en ligne de Carrefour :

« L’agriculture intensive et la consommation de masse ont fait la part belle aux variétés qui assurent un meilleur rendement, qui sont plus résistantes aux transports et dépendantes des pesticides. Ainsi des fruits et légumes toujours plus standardisés ont pris le pas sur toutes les autres variétés. »

 Et de fait, 75% de variétés comestibles ont ainsi disparu en moins d’un siècle.

Les vrais héros de notre patrimoine semencier

Heureusement, nos paysans n’ont pas attendu Carrefour pour s’engager dans la lutte pour préserver notre patrimoine semencier. De nombreux particuliers, associations et collectifs se battent depuis des dizaines d’années : Semences Paysannes, Kokopelli, le mouvement Femmes Semencières, le Potager d’un curieux, etc.

Leurs réactions ont ainsi été mitigées face à cette appropriation idéologique par l’un des leaders de la grande distribution. Si la Confédération Paysanne IDF reconnaît l’engagement de Carrefour comme une « avancée dans ce combat », le réseau Semences Paysannes ne soutient en aucun cas cette campagne. Il « tient à rappeler que le renouveau actuel des semences paysannes est dû à un travail collectif et patient, issu d’une complémentarité des regards et d’une mutualisation des savoir-faire : une démarche à l’opposé des stratégies marketing et de l’agro-business. » Carrefour évoque lui-même cette différence dans sa pétition en précisant :

« Ainsi, le modèle standard et le modèle paysan pourront coexister, différents mais égaux dans la loi. »

Les lignes bougent, au consommateur de choisir

Concernant cette initiative, nous resterons donc attentifs aux engagements et actions plus concrètes de Carrefour sur le long terme. Qu’adviendra-t-il du partenariat avec les producteurs bretons une fois le contrat de 5 ans arrivé à son terme ? Philippe Bernard, Directeur des partenariats avec le monde agricole chez Carrefour, a confirmé l’intérêt économique du groupe dans cette démarche : « Nous voulons élargir notre offre car nos clients sont demandeurs de produits sains et bio. »

Finalement, cela montre à quel point la demande a éclaté ces dernières années sur l’achat de fruits et légumes bio. Et c’est surtout le vrai point positif de cette histoire : oui, Carrefour lance son « marché interdit » parce que la demande est là, mais cela prouve que le choix des consommateurs est à-même de faire bouger les lignes. Si les réseaux de grande distribution restent nécessaires pour de nombreux citadins, nous sommes très nombreux à pouvoir consommer autrement. Si l’on veut vraiment soutenir les héros semenciers, privilégions les filières courtes, les fruits et légumes locaux et de saison. Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne, La Ruche qui dit Oui, et même applis smartphones, les moyens ne manquent pas pour être un vrai « consomm’acteur ».

Crédits photos : Carrefour

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Laurie Debove

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