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Les députés européens souhaitent le retour de la surpêche

Alors que la surpêche dépeuple les océans et menace la survie de nombreuses espèces maritimes, le Parlement européen vient de se prononcer en faveur d’un retour aux subventions à la filière de la pêche, malgré l’avis négatif des Nations unies. La décision du Parlement européen Comme un air de retour en arrière : ce jeudi, le […]

Alors que la surpêche dépeuple les océans et menace la survie de nombreuses espèces maritimes, le Parlement européen vient de se prononcer en faveur d’un retour aux subventions à la filière de la pêche, malgré l’avis négatif des Nations unies.

La décision du Parlement européen

Comme un air de retour en arrière : ce jeudi, le Parlement européen a voté à 358 voix contre 240 un amendement au rapport sur la gestion des flottes de pêche se prononçant en faveur de l’autorisation des aides publiques (européennes, nationales ou régionales) à la construction et l’achat de nouveaux bateaux de pêche dans les régions ultrapériphériques (par exemple, les territoires d’outre-mer). Pour rappel, de telles subventions sont interdites en Europe depuis la réforme de la politique commune de la pêche de 2002.

Si le texte n’a pas de valeur législative (c’est une recommandation du Parlement à la Commission européenne), il envoie cependant un signal politique fort : la volonté de réintroduire les subventions à la pêche comme un coup de pouce à des régions en difficulté. Ses défenseurs y voient un effort louable : pour la députée européenne Isabelle Thomas (PS), « il s’agit juste de remplacer un bateau vétuste par un bateau neuf (…) pas d’augmenter la capacité de pêche ».

Pourtant, des inquiétudes s’élèvent quant aux dérives possibles d’une telle autorisation. Selon l’ONG Bloom, qui lutte pour la préservation des océans et la pêche durable, cette recommandation est « dangereuse », car elle risque de favoriser la surpêche. Claire Nouvian, fondatrice de Bloom, redoute que les lobbies de l’industrie de la pêche s’engouffrent dans cette brèche pour combattre l’interdiction des subventions néfastes qui s’est « imposée comme l’une des façons les plus efficace de lutter contre le fléau de la surexploitation des ressources marines ».

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La surpêche et son financement

La possibilité d’un tel retour en arrière est en effet préoccupante, quand on sait la mauvaise gestion dont a été victime le secteur de la pêche à l’échelle européenne jusqu’à récemment : maintenu dans une illusion de rentabilité par un flot d’aides et de compensations financières, le secteur avait échoué à atteindre ses objectifs de pêche durable pour 2015, selon un rapport accablant de la Cour des Comptes.

Encore subventionnée, par d’autres voies, à plus de 100%, la filière de la pêche puise à une vitesse alarmante dans les stocks mondiaux. Selon WWF, le tonnage annuel a été multiplié par quatre depuis 50 ans, conduisant 31% des stocks mondiaux actuellement exploités à être surpêchés (un chiffre qui s’élève à 93% des stocks recensés en Méditerranée). En pêchant toujours plus, et toujours plus profond, nous mettons en danger la survie des espèces, en particulier celles dont le taux de reproduction est bas (comme la baudroie ou l’empereur) ou la maturité sexuelle tardive.

Déjà, l’océan est à la peine : selon une étude menée par des chercheurs canadiens, la pêche mondiale a connu un pic en 1996, avec 130 millions de tonnes de poissons pêchés, mais connaît depuis un déclin stable (0,38 tonne par an), alors que les techniques de pêche s’améliorent et que les pêcheurs s’aventurent de plus en plus loin et de plus en plus profond. Il y a donc de moins en moins de poissons dans l’océan.

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Recenser les populations plutôt que de financer la pêche

Rappelons qu’en septembre 2015, l’ONU avait adopté des objectifs de développement durables (ODD) concernant le secteur de la pêche, « afin de conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines ». Parmi ces objectifs, une mention claire : « les subventions à la pêche contribuent à l’épuisement rapide de nombreuses espèces de poissons et empêchent les efforts de sauvetage et de restauration de la pêche mondiale (…) générant une perte de 50 milliards de dollars par an pour le secteur de la pêche ». Alors qu’une conférence sur l’océan doit s’ouvrir aux Nations unies en juin prochain, espérons que les signataires de ces objectifs, en premier lieu l’Union européenne, se souviennent de leurs engagements.

« Les subventions à la pêche contribuent à l’épuisement rapide de nombreuses espèces de poissons et empêchent les efforts de sauvetage et de restauration de la pêche mondiale (…) générant une perte de 50 milliards de dollars par an pour le secteur de la pêche »

Il faudra ici encore compter avec les efforts acharnés des lobbies industriels pour maintenir les rendements actuels, à l’image des efforts déployés par l’association Blue Fish (lobby soutenu par la filière industrielle) pour combattre la volonté de Ségolène Royal de mettre fin au chalutage profond en 2014. A l’époque, les efforts citoyens pour soutenir le projet avaient fait date, avec notamment une BD de Pénélope Bagieu en faveur de l’ONG Bloom, devenue virale. En vain, le vote avait échoué, et aujourd’hui Intermarché tente même de faire certifier sa pêche en profondeur comme « pêche durable ».

Aujourd’hui, l’ONG Bloom appelle l’Union Européenne à consacrer l’argent public à « l’évaluation scientifique des stocks halieutiques (…) et à la surveillance des eaux où sévit la pêche illégale ». En effet, le phénomène de la surpêche, bien qu’avéré, est encore mal connu ; une idée plus précise de la situation permettrait de mieux la combattre. Du côté des consommateurs, la WWF suggère un changement de comportement : manger moins de poisson en général, diversifier la consommation (se pencher par exemple sur des espèces moins connues et moins menacées comme le chinchard), et opter pour des produits certifiés MSC (le label de la pêche durable).

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Antoine Puig

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