Après les manifestations de Bordeaux et de Lyon, les « bikers » de Deliveroo manifestent aujourd’hui à Paris. Cette mobilisation est une réaction aux changements de tarification des coursiers imposés par l’entreprise.

© Tim Douet pour Lyon Capitale
(Manifestation des livreurs à vélo, le 15 mars 2017, place des Terreaux.)
A la fin du mois de juillet l’entreprise britannique Deliveroo, spécialisée dans la livraison de repas à domicile, a annoncé que tous ses « partenaires » (comprendre les coursiers ayant le statut d’autoentrepreneur) seraient désormais rémunérés à la tâche : 5 € par course (et 5,75 € à Paris). S’il s’agissait déjà du moyen de rémunération des coursiers inscrits depuis septembre 2016, les « anciens », inscrits avant septembre 2016, étaient quant à eux payés 7,50 € de l’heure plus 2 à 4 € de bonus par course.
Les cyclistes Deliveroo concernés (c’est-à-dire les « anciens » soit environ 10% des quelques 7 500 coursiers actuellement en France) ont ainsi reçu un appel de l’entreprise leur indiquant qu’ils devraient signer un avenant avant la fin du mois d’août, sans quoi leur contrat serait rompu. Or, pour ces livreurs qui percevaient un salaire horaire, cette nouvelle tarification se traduirait par une chute de 18 à 30% de leur revenu, d’après La Tribune.
L’entreprise quant à elle justifie ce changement d’une part par l’augmentation de la demande, nécessitant davantage de « flexibilité » et d’autre part par la modification de leur algorithme de répartition des commandes (baptisé « Frank ») qui serait plus performant et aurait déjà permis d’après eux une augmentation de 7% des revenus des livreurs payés à la tâche. Mais il est permis de douter de ces chiffres qui traduisent peut-être aussi l’augmentation de prises de risques sur la route des chauffeurs, qui espérant maximiser le nombre de courses par heure, adoptent une conduite dangereuse (on soulignera d’ailleurs qu’en cas d’accident, les autoentrepreneurs ne sont pas couverts par l’entreprise qui les emploie).
Mais quand bien même le manque à gagner pourrait être compensé par l’amélioration des algorithmes, le procédé utilisé par l’entreprise britannique est « d’une brutalité inouïe », comme le souligne la CGT. En effet, en imposant aux livreurs une modification de leur rémunération sous peine de rupture du contrat, Deliveroo profite d’un « abus de position dominante » qui repose essentiellement sur les libertés que permettent le statut d’autoentrepreneur.
Car en effet, si Deliveroo parle d’un contrat entre « partenaires » ou encore entre sociétés partenaires, c’est en réalité une situation de salariat déguisé dont il s’agit. Quelques aspects de cette relation ne trahissent pas : l’imposition de l’uniforme, l’impossibilité de négocier les modalités du contrat, mais aussi et surtout le fait que Deliveroo ait pu attirer des coursiers en vendant des revenus pouvant aller jusqu’à 3 000€. Ainsi, même si les livreurs sont constitués à 53% d’étudiants, qui cherchent pour la plupart effectivement un complément de revenu et donc dont la rémunération à la tâche ne posera sans doute pas un réel problème, pour tous ceux qui y voyaient possiblement une solution pérenne, la nouvelle est rude.

Mais reconnaissons-le, cette nouvelle mesure était un passage obligé pour ce type d’entreprise dans la survie repose sur une logique économique de flexibilisation à outrance. Le véritable problème réside alors dans l’inadéquation entre le droit actuel et les conditions salariales et sociales de ces travailleurs. La mobilisation permettra peut-être de faire évoluer les choses, même s’il y a bien des risques pour qu’il ne s’agisse en vérité que des prémisses des transformations annoncés par la loi Travail…

Pour commander notre Manifeste, cliquez sur l’image !