En 2018, de nombreux préfets avaient été pointés du doigt par les associations de protection de l’environnement pour avoir rayés certains cours d’eau des cartes, les exposant à l’épandage de pesticides, une pollution majeure pour la faune et la flore. Deux ans plus tard, la justice donne raison aux associations pour rétablir leur présence sur les cartes et les protéger. France Nature Environnement demande maintenant un cadre national pour que la situation ne se reproduise plus.
La disparition des cours d’eau des cartes de France
Présents dans la plupart des milieux naturels en France, les pesticides ont des conséquences graves sur la qualité de l’eau. Dans le but de réduire cette pollution, un arrêté ministériel datant de 2017 impose une zone de non-traitement à proximité des milieux aquatiques. À moins de 5 mètres des cours d’eau, les pesticides sont interdits, afin d’empêcher leur ruissellement.
Pour identifier les cours d’eau, cet arrêté se base sur 2 référentiels. D’une part, le référentiel juridique. Cela signifie que l’on prend en compte les cours d’eau correspondant à la définition juridique établie par la loi sur la biodiversité de 2016 : un lit naturel d’origine, l’alimentation par une source et un débit suffisant une majeure partie de l’année.
Néanmoins, cette définition n’englobe pas toute la diversité des milieux aquatiques français – à titre d’exemple, le Marais poitevin, un réseau de canaux construits par l’homme, n’a pas de lit naturel d’origine. L’arrêté se base donc également sur un second référentiel, celui des cartes IGN. Il concerne ainsi tous les milieux aquatiques identifiés en bleu sur les cartes IGN.
Cependant, dans de nombreux départements, les préfets ont interprété cet arrêté en optant uniquement pour le référentiel juridique ou pour le référentiel des cartes IGN. Or, en omettant de prendre en compte les milieux aquatiques identifiés par l’un ou l’autre de ces référentiels, les préfets privent de protection de nombreux points d’eau.
Simple mais terrible : un cours d’eau qui n’apparaît pas sur les cartes est un cours d’eau qu’il n’est pas nécessaire de protéger des pesticides.
Résultat : alors que 95% des cours d’eau français surveillés sont pollués, de nombreux préfets, sous la pression des syndicats agricoles, ont tout de même diminué la protection des milieux aquatiques.

Les victoires juridiques de 2020
Cette situation, principalement due aux pressions exercées par la profession agricole, n’a pas manqué d’interpeller France Nature Environnement.
La fédération française des associations de protection de la nature a d’abord demandé par courrier aux préfets de conformer leurs arrêtés à l’arrêté ministériel. Tous ont refusé. FNE a alors lancé des actions en justice.
Vingt dossiers ont été jugés devant le tribunal administratif, qui ont tous abouti à une victoire.
Dans cette affaire, la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles) se pose comme le principal adversaire de FNE en pratiquant un important lobbying auprès des autorités.
« Vouloir, comme le fait la FNSEA aujourd’hui, mettre en danger les cours d’eau en cultivant jusqu’à leurs berges, obtenir des préfectures des possibilités d’épandre des pesticides pendant le confinement en réduisant les distances réglementaires, prélever un maximum d’eau pour une minorité d’agriculteurs irrigants : toutes ces fausses solutions envoient l’agriculture vers le passé, plutôt que de lui permettre de préparer l’avenir », soutient Florence Denier-Pasquier, vice-présidente de FNE.
Actuellement, d’autres dossiers sont en cours. Neuf départements, principalement en Occitanie et dans les Pays de la Loire, ont un recours en cours d’instruction devant le tribunal administratif.
« Le gouvernement doit rapidement réagir et donner instruction à tous les préfets de réviser l’identification des points d’eau pour les protéger réellement d’une exposition aux épandages de pesticides », martèle FNE.
« Un cadre national est indispensable pour protéger tous les milieux naturels qui alimentent nos rivières et nos nappes phréatiques des dégâts avérés des pesticides. Les préfets, soumis aux pressions locales, ne doivent pas avoir la possibilité de restreindre le champ de la protection ». conclut l’association