Jeudi dernier, Stéphane Troussel, président socialiste du département de la Seine-Saint-Denis, a bloqué les fonds nécessaires au versement du Revenu de Solidarité Active (RSA) à la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) pour la fin de l’année. Une forme de coup de semonce pour tirer la sonnette d’alarme et appeler le président de la République à un nouveau contrat avec les territoires en difficulté.
Avec son conseil départemental, le président de la Seine-Saint-Denis estime que ce n’est pas à son département de payer la somme excédant le budget initial de 490 millions d’euros. Entre l’augmentation du nombre d’allocataires et la baisse des prises en charge de l’Etat, la collectivité se retrouve en effet avec un surcoût de 179 millions d’euros à assumer. Difficile à supporter quand on est l’une des collectivités les plus pauvres du pays et que l’on ne peut être tenu pour responsable de politiques nationales austères et libérales qui ont accru les inégalités.
Avec plus de 100 000 allocataires du RSA (103 311 en 2015 d’après le ministère des Solidarités et de la Santé), et une hausse exponentielle du taux de pauvreté (24,4% d’augmentation entre 2009 et 2016), la Seine-Saint-Denis est en proie à une précarité massive et grandissante. En refusant de verser les financements nécessaires à la CAF, Stéphane Troussel veut braquer les projecteurs sur cette misère croissante et rappeler à l’Etat son devoir de lutte contre la pauvreté.

Source : Twitter @StephanTroussel
Dénonçant l’abandon des conseils départementaux, livrés à eux-mêmes dans le combat contre les exclusions, le président de la Seine-Saint-Denis interpelle directement le nouveau président de la République. Pointant du doigt « une série de décisions qui pénalisent les milieux populaires » alors qu’en parallèle, « la crise économique continue et que nous avons de plus en plus de travailleurs pauvres », il en appelle « à la responsabilité de l’Etat » et interpelle directement le président de la République.
Interpellation qui intervient au moment où l’étiquette de « président des riches » est plus que jamais épinglée au dos du costume trois pièces d’Emmanuel Macron. Sa politique libérale assumée de réduction des dépenses, avec la réduction de cinq euros des Aides Personnalisées au Logement (APL), la fin des contrats aidés ou encore la baisse des crédits alloués à la politique des villes, passent mal dans les territoires les plus fragiles. D’autant plus qu’elle s’accompagne de gestes largement favorables aux plus aisés, à l’image de la suppression de l’Impôt Sur la Fortune (ISF) pour les valeurs et placements mobiliers.
C’est bien cela que veut dénoncer Stéphane Troussel : une politique inégalitaire ne prenant pas en considération les réalités sociales d’une précarité galopante.

Emmanuel Macron, en visite à Clichy-sous-Bois le 13 novembre 2017, fait un baise-main à une jeune résidente. Crédit : Ludovic MARIN / POOL / AFP
Son raisonnement est simple et mathématique : si on peut renoncer à près de 3,2 milliards de recettes (selon les chiffres de Bercy sur le coût de la réforme de l’IFS) aux bénéfices des riches, on doit pouvoir rapidement débloquer les 200 millions d’euros du fonds d’urgence pour les collectivités en difficulté promis par Edouard Philippe lors du congrès de l’Association des départements de France. Le gouvernement devrait ainsi, toujours selon ses termes, faire preuve de « courage politique en changeant la loi », loi qu’il décrit comme « injuste ». Bloquer les fonds est ainsi une manière de mettre la pression, afin que ce fonds ne reste pas un énième effet d’annonce…
Le bras de fer est donc lancé entre le gouvernement et le département. Le Premier ministre, Edouard Philippe a ainsi rappelé que le règlement des allocations « n’était pas une option ». Emmanuel Macron se déplace quant à lui en Seine-Saint Denis aujourd’hui. Il rencontrera Stéphane Troussel pour tenter de régler ce qu’on appelle déjà le « dossier RSA ». S’il accepte la demande du président départemental de verser le surcoût engendré par l’augmentation du nombre d’allocataires du RSA et la baisse des prises en charge de l’Etat (179 millions d’euros) ce serait la première fois du quinquennat qu’il cède sous une pression autre que patronale. Et ça ne peut pas faire de mal !
Crédits photo de couverture : Ludovic MARIN / POOL / AFP

Pour commander notre Manifeste, cliquez sur l’image !