En octobre dernier, l’association britannique Victim Support, qui vient en aide aux victimes en tout genre à travers le monde, lançait une campagne de sensibilisation pour dénoncer les violences conjugales. Dans une vidéo à la symbolique puissante, deux danseurs interprètent l’escalade physique que représente l’installation de la violence dans un couple. Reprise récemment par la page Facebook de aufeminin.com, la vidéo compte déjà 2,6 millions de vues ; l’occasion d’évoquer le fléau que sont les violences conjugales pour les femmes en France et dans le monde.
Un phénomène généralisé
Les coups sont mimés, les mouvements gracieux, mais le message est glaçant. Dans une chorégraphie aussi belle que tragique, les danseurs de l’agence créative J. Walter Thompson dénoncent sur une chanson exclusive d’Ellie Goulding les violences faites aux femmes à l’abri des regards, au sein des foyers. Le message véhiculé est double.
Tout d’abord, la campagne se veut un signal d’alarme : selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 30% des femmes (de tous les pays) sont victimes de violences au cours de leur vie, ce qui fait de ce type de violences la « forme la plus courante » d’agression envers les femmes. Ces violences, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne sont pas à prendre à la légère : en France, une femme décède tous les trois jours sous les coups de son conjoint, tandis que la Statistique policière de la criminalité (SPC) suisse indique que 55% des homicides sur le territoire se produisent dans la sphère domestique. Ces chiffres accablants ne prennent en compte que les victimes directes des violences domestiques, auxquelles il faut souvent ajouter des enfants traumatisés à la vue des coups distribués à leur mère.
Ensuite, et surtout, la campagne enjoint aux victimes de violences conjugales, mêmes minimes, de ne pas se taire. Les chiffres avancés par l’ONG indiquent que les victimes attendent en moyenne 2 à 3 ans avant de signaler les violences dont elles sont victimes. Dans une métaphore heureuse, la campagne appelle donc les victimes à « briser la routine » (grâce au hashtag #breaktheroutine), faisant ainsi écho au terme « routine » anglais, qui désigne aussi une chorégraphie. Les témoignages qui accompagnent la vidéo insistent sur l’aspect « normal » trompeur qui peut se dégager de ses violences, souvent excusées ou mises sur le compte de l’alcool : « j’avais peur, je ne savais pas quoi faire. Ce genre de relation était nouveau pour moi et j’ai pensé que c’était peut-être un acte isolé, qu’il était désolé », témoigne Sophie, rescapée de quatre ans de relation violente.
En France, ces chiffres sont corroborés par les données du ministère de l’Intérieur, qui indiquent que dans 89% des cas de violences conjugales « ordinaires » (qui n’entraînent pas la mort), la victime est une femme. De plus, parmi celles-ci, seulement 14% portent plainte (chiffre de 2014 ; un autre chiffre estime la proportion à moins de 9%). C’est pourquoi le gouvernement a mis en place en 2012 un site dédié et un numéro vert pour guider les victimes sans entrer dans le processus lourd et culpabilisant de la plainte ; en 2014, ce numéro a traité 50 000 appels. Selon Lucy Hastings, de l’ONG Victim Support, un soutien neutre est crucial : « les victimes d’abus se sentent souvent en faute, mais ce n’est pas le cas. Nous offrons une aide dépourvue de jugement, gratuite et confidentielle, que la police soit impliquée ou non », indique-t-elle.
« Ne restez pas silencieux. Lorsque vous êtes témoin de violence à l’égard de femme ou de fille, ne restez pas sans rien faire, agissez »
Un symptôme d’inégalités
Les violences conjugales ne sont qu’une des nombreuses formes de violences dirigées envers les femmes à travers le monde. Selon les Nations unies, 70% des femmes doivent faire face à des violences à un moment de leur existence. Cette situation dénote un problème encore trop présent dans nos sociétés modernes. Dans un reportage, parmi les auteurs de violence conjugales, Le Monde insiste sur le manque d’éducation des « bourreaux » – même lorsqu’ils sont repentis – sur les notions d’égalité et sur le recours trop systématique à la violence : « je me suis toujours débrouillé par la violence », témoigne ainsi Kevin, 26 ans.
La réduction des violences passe donc par deux choses : dans le fond, sur un changement des mentalités, une meilleure éducation des hommes à la notion d’égalité entre les sexes ; et dans la forme, sur une amélioration du système de dénonciation et de pénalisation : celui-ci soit doit être léger et indolore pour les victimes. Cela passe aussi par une mobilisation des entourages et de la société civile, suivant les conseils de Ban Ki-moon, ancien secrétaire général des Nations unies : « ne restez pas silencieux. Lorsque vous êtes témoin de violence à l’égard de femme ou de fille, ne restez pas sans rien faire, agissez ».

Pour commander notre Manifeste, cliquez sur l’image !