40 000 menaces et insultes proférées contre Marion Seclin, une vague de haine à l’encontre de Caroline de Haas sur les réseaux sociaux, le cyber-harcèlement n’a pas fini de frapper. Protégés par leurs écrans et leur nombre, cachés sous des pseudonymes, le droit français peine encore à punir les auteurs de cyber-harcèlement.
Le cyber-harcèlement, le fléau 2.0
Chaque jour, ils vivent un calvaire : insultes, diffamations, menaces, usurpations d’identité, divulgations de leurs informations personnelles. Chaque jour, des milliers d’individus, de toutes origines, situations professionnelles et âges, sont victimes de cyber-harcèlement.
Selon Bill Belsey, un éducateur qui a travaillé sur le cyber-harcèlement :
« Le cyber-harcèlement se rapporte à l’utilisation de technologies de communication et d’information comme l’e-mail, les téléphones mobiles, les SMS, la messagerie instantanée, les pages web personnelles, pour nuire délibérément, de manière répétée, de manière agressive aux autres ».
L’augmentation du nombre d’utilisateurs des réseaux sociaux a grandement participé à l’amplification du phénomène. Le cyber-harcèlement sévit dans le monde entier : aux États-Unis, selon une étude du Pew Research Center publiée en 2017, 41 % des adultes auraient subi certaines formes de harcèlement en ligne.
La France n’est pas en reste. S’il n’existe pas encore de données exactes sur le nombre de victimes sur le territoire français, les cas médiatisés de personnalités révèlent l’ampleur du phénomène et la détermination des cyber-harceleurs à atteindre leur victime. Qu’ils ou elles soient acteur(rice)s, militant(e)s, youtubers ou journalistes, les personnalités présentes sur le Net, et en particulier les femmes, sont des cibles de choix pour les cyber-harceleurs.
Des utilisateurs du forum 18-25 de jeuxvideo.com sont tristement connus pour mener de véritables campagnes de haine, la plupart du temps contre les féministes. Selon un rapport du Haut Conseil à l’Egalité entre les hommes et les femmes (HCE), en dépit des campagnes numériques de sensibilisation #Metoo ou #Balancetonporc, Internet n’est pas toujours un espace de liberté et de sécurité pour les femmes : 73% des femmes déclarent être victimes de cyber-harcèlement, et pour 18% d’entre elles sous une forme grave.
Crédit : TEDx Talks – Championne de France de cyber-harcèlement | Marion Seclin
Quand le virtuel rend le réel insupportable
Caroline de Haas a décidé de quitter les réseaux sociaux après avoir subi un lynchage en ligne qui ne semblait plus finir.
« Je suis fatiguée de ces violences. Je suis fatiguée de savoir que mes ami.e.s, ma famille et mes collègues voient des messages haineux à mon encontre. Je suis fatiguée de ces espaces sur lesquels des agresseurs, par milliers, me harcèlent et m’insultent en toute impunité. » (Caroline de Haas)
Pour la journaliste Nadia Daam, qui avait dénoncé les méthodes de trolls dans une chronique sur Europe 1, la vie virtuelle a fini par devenir le réel. Les insultes pleuvent d’abord via Twitter, réseau social le plus utilisé pour attaquer les journalistes. Loin de retomber, la campagne de harcèlement prend de l’ampleur. Après les insultes, Nadia Daam reçoit des menaces de mort et de violence ainsi qu’à l’encontre de sa fille, parfois teintées de racisme. Les harceleurs l’inscrivent même sur des sites pornographiques et pédophiles avec son adresse personnelle.
Lorsque des individus viendront tambouriner à la porte de son domicile une nuit, Nadia Daam décide alors de porter plainte conjointe avec Europe 1 pour « menace de crimes contre personne ». Pourquoi pas pour « cyber harcèlement » ? Car les multiples attaques ont été perpétrées par des auteurs différents, « le critère de répétition » tel que prévu par la loi n’était donc pas appliqué. Relevant cette incohérence, le rapport du HCE recommande donc de modifier la définition de l’infraction.
Les plus jeunes sont les plus exposés
Les adultes ne sont malheureusement pas les plus touchés par ce fléau 2.0. En France, 1 élève sur 5 est victime de cyber-harcèlement !
Pour les plus jeunes, le cyber-harcèlement est souvent le prolongement de violences subies durant la journée à l’école. La vie virtuelle et la vie réelle deviennent étroitement imbriquées, les victimes n’ayant plus un instant de répit pour se protéger des attaques extérieures. En pleine construction d’identité, le cyber-harcèlement peut s’avérer mortel pour ceux qui se retrouvent désemparés, isolés. L’an dernier, Juliette, lycéenne de 16 ans, s’est suicidée après qu’une photo intime d’elle ait circulé dans tout son lycée.
Bedtime stories
Depuis 2015, le gouvernement français a lancé une ligne d’écoute : Net Ecoute au 0800 200 000, une ligne gratuite, anonyme, confidentielle. Net Ecoute permet aux enfants et aux adolescents d’avoir de l’aide pour lutter contre le cyber-harcèlement dont eux, ou leurs proches, peuvent être victimes. Et depuis la rentrée 2017, des groupes académiques « climat scolaire » ont été créés pour une meilleure coordination des actions sur les territoires et des stratégies de prévention des violences.
Mais lorsque les cyber-harceleurs sont anonymes, il est bien plus dur de protéger les enfants et adolescents. Au Canada, le suicide d’Amanda Todd avait fait la lumière sur la vulnérabilité des plus jeunes face aux cyber-prédateurs. Le 20 février, un homme de 29 ans a été condamné à 18 mois d’emprisonnement pour cyber-harcèlement sur des mineures de 13 à 15 ans.
Le cyber-harcèlement est puni jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. À condition d’identifier les coupables… En premier recours, les utilisateurs doivent se regrouper pour signaler tout contenu suspect, et se rapprocher des associations susceptibles de les aider. Ne pas hésiter à en parler, en ligne et IRL (in real life) pour lutter contre le phénomène. Et comme le dit Marion Seclin : « Si j’ai un conseil à donner à toutes les personnes qui se font harceler en ligne : continuez à faire exactement ce que vous voulez ».
Photo de couverture : UNICEF Chile’s « One Shot » campaign

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