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Croatie : catastrophe naturelle déclarée après la mort subite de 50 millions d’abeilles

L’hypothèse la plus plausible est bien connue de tous : ce sont les pesticides, herbicides et insecticides, dont les agriculteurs du comté de Medjimurje pulvérisent un grand nombre en méthode intensive, dans leurs champs de colza et de pommes de terre situés à proximité des ruches où les abeilles ont été retrouvées mortes. Un empoisonnement massif, donc.

Très mauvaise nouvelle en Croatie, grand producteur de miel comptant 10 000 apiculteurs et 500 000 ruches sur son territoire. Lundi 9 juin, des apiculteurs du comté de Medjimurje, la région la plus au nord du pays, à la frontière de la Slovénie et de la Hongrie, ont découvert des dizaines de millions d’abeilles mortes, sur le sol, terrassées par un mal inconnu.

Le présumé coupable : les pesticides

L’hécatombe a eu lieu dans une zone située au nord-est de la région, entre Podturen et Gardinovec, deux communes à 6 kilomètres de distance et toutes proches de la frontière hongroise. Selon le décompte effectué par les associations, ce sont plus de 50 millions d’abeilles domestiques qui auraient été anéanties au même moment.

Elles logeaient dans quelque 1 150 ruches, appartenant à une vingtaine d’apiculteurs spécialisés dans la production de miel destiné à la consommation. Les abeilles gisaient au sol, décimées juste devant leur ruche.

Le 15 juin, une semaine plus tard, Matija Posavec, le préfet de ce comté rural de la Croatie a déclaré l’état de catastrophe naturelle, qui lui permet de prendre une série de mesures exceptionnelles. Outre l’aide financière d’urgence adressée aux propriétaires des ruches sinistrées, la préfecture a diligenté une enquête aux inspecteurs vétérinaires du centre d’examen, de recherche et d’expertise médico-légale « Ivan Vučetić » de Zagreb, la capitale du pays.

À partir d’échantillons relevés sur les abeilles, dans les ruches et dans le miel, les experts sont chargés de déterminer la cause de cette mortalité soudaine et catastrophique des butineuses. Plusieurs hypothèses sont envisagées.

Les abeilles domestiques sont régulièrement victimes de maladies, bactéries, virus ou parasites, qui peuvent décimer des ruches entières, puisque les espèces mellifères que nous élevons sont des êtres sociaux entretenant des contacts extrêmement intenses et rapprochés. Les ruches de cette partie de la région peuvent avoir été touchées par un virus hautement létal, bien que l’hypothèse paraisse douteuse, étant donné que les ruches ont été ravagées dans un temps très limité.

Les journaux croates évoquent également une vague de stress provoquée par le changement climatique, ainsi que la contamination d’une rivière, la Sava, à des médicaments comme les antibiotiques… Autant d’explications qui font douter jusqu’au lecteur non initié aux arcanes de la science.

L’hypothèse la plus plausible est bien connue de tous : ce sont les pesticides, herbicides et insecticides, dont les agriculteurs du comté de Medjimurje pulvérisent un grand nombre en méthode intensive, dans leurs champs de colza et de pommes de terre situés à proximité des ruches où les abeilles ont été retrouvées mortes. Un empoisonnement massif, donc.

SHOT

Un phénomène récurrent dans le monde

Un tel phénomène a été constaté plus d’une fois à travers le monde. En 2014, par exemple, un apiculteur de l’Ontario (Canada) a perdu en quelques mois 37 millions d’abeilles (600 ruches), parce qu’on venait d’implanter un champ de maïs génétiquement modifié près de son exploitation. Dès l’ensemencement et les premières pulvérisations d’herbicides, les colonies de butineuses se sont effondrées.

Au Brésil, durant les trois premiers mois de l’année 2019, les apiculteurs de quatre régions du sud du pays ont dû assister, impuissants, à la mort de plus d’un demi-milliard d’abeilles domestiques.

Des analyses menées dans la ville de Mata (au cœur de la région Rio Grande do Sul, qui comporte d’immenses fermes de soja) ont relevé par la suite des traces de cinq pesticides différents dans l’organisme des abeilles, dont le « friponil », l’un des pesticides les plus utilisés dans le monde, mais aussi l’un des plus dangereux.

Le Brésil est le plus gros consommateur mondial de pesticides : 500 000 tonnes de produits chimiques sont déversées chaque année dans ses champs et 2 300 substances sont autorisées dans ses cultures.

À l’autre bout du monde, la situation est la même. En août 2019, à 200 kilomètres de Moscou (Russie), trois millions d’abeilles, soit 80 colonies, sont décimées par des pulvérisations intempestives de « friponil ». Une fois contaminées par une pulvérisation, les butineuses deviennent folles ou malades et contaminent à leur tour leurs congénères saines en revenant dans les ruches. Toute une colonie peut être décimée en quelques heures.

Skinkie

En France, des scénarios identiques ont plusieurs fois défrayé l’actualité. En mai 2018, un apiculteur de l’Ariège a perdu 24 ruches (2 millions de butineuses), après la pulvérisation, dans des champs contigus à son exploitation, de fongicides pourtant autorisés par les organismes sanitaires.

Dans la Creuse, un apiculteur implanté depuis 70 ans sur son territoire témoigne : 80 % de ses colonies d’abeilles se sont effondrées entre l’hiver et le printemps 2018, une hécatombe inédite, qui ne cesse d’augmenter depuis 25 ans et atteint aujourd’hui sa limite absolue. En cause : les traitements chimiques, et plus particulièrement les pesticides néonicotinoïdes.

Les « néonicotinoïdes », aussi nommés « pesticides tueurs d’abeilles », sont une famille de produits chimiques introduite dans les années 1990 à travers le monde et censée protéger les cultures des insectes ravageurs. Seulement, au lieu d’enrayer la propagation d’espèces d’insectes parfois endémiques, ces pesticides agissent directement sur le système nerveux central de toutes espèces volantes, butineuses et pollinisateurs en tête, provoquant un déclin prodigieux de toutes les populations.

En 2018, alertée par les agriculteurs et les associations, l’Union européenne a interdit trois de ces substances (imidaclopride, clothianidine, thiaméthoxame) et la France en a ajouté deux autres à l’index (thiaclopride et acétamipride), dans l’espoir de freiner le déclin d’espèces vitales pour une très grande partie de nos cultures.

Cependant, des études ont prouvé que l’effet délétère des néonicotinoïdes pouvait persister dans la nature des années après leur interdiction, à des niveaux parfois dix fois supérieurs que le seuil de tolérance des insectes.

Ce n’est donc pas une hécatombe, c’est un véritable génocide qui s’accomplit sous nos yeux. Et le drame croate n’en est qu’un épisode parmi d’autres.

Augustin Langlade

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