Alors que certains gouvernements misent uniquement sur la vaccination face à l’arrivée du variant Omicron, une tribune publiée le 3 janvier par une centaine d’experts en santé publique vient appuyer les propos du directeur de l’Organisation Mondiale de la Santé tenus mi-décembre. Les doses de rappel ne suffiront pas pour sortir de la pandémie, sans une politique de santé complète et équitable, permettant l’accès au vaccin dans tous les pays du monde.
Efficacité et limite des vaccins
Plus de deux ans après le début de la pandémie, le SRAS-CoV-2 a infecté plus de 278 millions de personnes dans le monde, avec au moins 5,4 millions de décès enregistrés par l’Organisation mondiale de la santé au 26 décembre 2021.
La propagation rapide et la contagiosité du variant Omicron ont entraîné différentes stratégies des gouvernements pour y faire face, dont certains privilégient une approche exclusivement vaccinale en étant « disposés à tolérer des niveaux élevés d’infection à condition que leurs systèmes de santé puissent y faire face ».
Pour cette centaine d’experts en santé publique, la politique du tout-vaccin serait non seulement inefficace, mais risquerait surtout d’être contre-productive à l’échelle planétaire, rejoignant l’avertissement donné par Tedros Adhanom Ghebreyesus, patron de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), lors d’une conférence de presse tenue à Genève mi-décembre.
« Des programmes de rappel sans discernement ont toutes les chances de prolonger la pandémie, plutôt que d’y mettre fin, en détournant les doses disponibles vers les pays qui ont déjà des taux de vaccination élevés, offrant ainsi au virus plus de possibilités de se répandre et de muter », expliquait ainsi Tedros Adhanom Ghebreyesus, patron de l’Organisation Mondiale de la Santé
Selon le comité des experts de l’OMS en matière de politique vaccinale (SAGE), 126 pays veulent lancer l’injection d’une dose de rappel ou d’une vaccination supplémentaire (concernant les enfants par exemple). La grande majorité de ces pays sont des pays riches ou à revenu moyen tandis que la couverture vaccinale reste très faible dans les pays pauvres, en raison d’un manque d’approvisionnement.
Selon un rapport publié le 15 septembre 2021 par le PNUD, l’OMS et l’Université d’Oxford, seuls 3,07 % des populations de pays à revenu faible ou moyen avaient bénéficié d’une première dose de vaccin.
Ainsi, alors que près de 8 milliards de doses ont été administrées dans le monde depuis près d’un an, une très large partie de la population mondiale n’en a, elle, pas bénéficié.
Quant aux complications redoutées par les personnes réticentes à se faire vacciner, d’autres chercheurs encouragent les autorités à conserver leur vigilance sur les effets indésirables rares qui peuvent exister de différentes façons selon les vaccins et des profils à risque spécifiques.

Une politique de santé complète
Si les vaccins permettent bien de réduire considérablement les risques de forme grave et de décès liés au covid-19, « la transmission élevée et le degré d’échappement immunitaire des variants delta et omicron signifient qu’une immunité protectrice durable de la population est peu susceptible d’être obtenue avec les vaccins actuels basés sur la souche d’origine. »
Pour ces experts de santé comme pour l’OMS, à l’heure actuelle il n’est donc pas prioritaire de multiplier les rappels de vaccins pour chaque adulte des pays riches, mais de permettre un accès équitable aux vaccins à travers le monde ainsi que de limiter les niveaux de transmission du virus par un meilleur dépistage et un soutien aux patients malades.
En effet, une transmission généralisée du virus décroît les possibilités d’adaptation du Sars-COV-2, et donc les variants plus contagieux (comme Omicron) ou plus dangereux (comme Delta). Plus de malades implique également de plus nombreux décès et la saturation des services hospitaliers.
Surtout, les confinements successifs liés aux différentes vagues du virus ont des répercussions psychologiques et sanitaires durables sur le bien-être des citoyens et notamment des plus jeunes.
En plus d’une coordination internationale sur la campagne de vaccination, les auteurs de l’article rappellent l’importance primordiale d’utiliser des masques FFP2 pour les profils à risque et dans les environnements à haute transmission, d’aérer les espaces clos voire d’installer des purificateurs d’air, le SRAS-CoV-2 étant un agent pathogène aéroporté, et que les gouvernements communiquent mieux sur cet dernier état de fait.
Pour faciliter l’accès au vaccin aux pays qui en ont été privés jusqu’ici, les experts exhortent les gouvernements à suspendre les brevets sur vaccins, supprimer les obstacles au transfert de technologie, et établir des centres de production régionaux pour créer un approvisionnement local abondant de vaccins de haute qualité partout.
« Le déploiement mondial des vaccins devrait inclure efforts pour lutter contre la désinformation afin de garantir que les gens ont accès à des données précises et en temps opportun sur l’efficacité et la protection des vaccins. » rappellent les spécialistes
Enfin, le dernier rapport de l’IPBES rappelle à quel point santé environnementale et santé humaine sont interdépendantes, et comment les activités humaines sont à l’origine de la pandémie actuelle, notamment la déforestation et le commerce des animaux sauvages.
« Le risque de pandémie peut être considérablement réduit en diminuant les activités humaines entraînant la perte de biodiversité, par une plus grande conservation des zones protégées et par des mesures réduisant l’exploitation non durable dans les régions riches en biodiversité. Cela permettra de réduire les contacts entre les animaux sauvages, le bétail et les êtres humains, et aidera à prévenir la propagation de nouvelles maladies. » expliquent les scientifiques
Entre 631.000 et 827.000 virus présents dans la nature pourraient infecter les êtres humains. Pour les chercheurs de l’IPBES, des pandémies plus fréquentes, plus mortelles et plus coûteuses sont donc à prévoir à moins d’un changement de paradigme. L’impact économique actuel des pandémies est 100 fois supérieur au coût estimé de leur prévention.
Face aux maladies, il nous est impossible de nous protéger sans protéger ceux qui nous entourent et notre environnement.
Pour aller plus loin : « One Health » : allier santé humaine, animale et environnementale pour limiter les pandémies