Le phénomène a été observé aux États-Unis et au Canada. Aujourd’hui, c’est en France que trois foyers d’infections du covid-19 sont identifiés dans des abattoirs : 20 cas en Vendée, 69 dans les Côtes-d’Armor et 34 dans le Loiret.
C’est l’Agence régionale de la santé du Pays-de-la-Loire qui a donné l’alerte, en annonçant le 10 mai dernier que dans une usine d’abattage de volaille, 20 salariés avaient été testés positifs. En Allemagne, 109 cas ont été recensés dans un abattoir du Länder du Schleswig-Holstein. Aux États-Unis, c’est 10 000 cas qui ont été signalés sur une centaine de sites.
L’abattage d’animaux ne s’est pas interrompu ni ralenti durant les confinements. Dans les abattoirs, les employés partagent des espaces restreints, notamment les vestiaires. Les préconisations en termes de port du masque, de vitres de séparations ou de distances barrières, sont arrivées trop tard.
En Allemagne, ce sont les catégories sociales des employés qui sont dénoncées comme étant les principales causes de la propagation du virus. Les employés viennent principalement d’Europe de l’est, vivent dans des logements de masse et prennent des bus bondés pour se rendre au travail. Leur mauvaise protection sociale les inciterait à travailler même s’ils présentent des symptômes. Ce sont donc dans les transports, les vestiaires, les parkings que le virus se serait propagé.
Aucune preuve d’une contamination par la nature même du travail n’est prouvée, les animaux d’élevage ne présentant pas de signes du covid, et les infections par alimentation sont à ce jour hors de cause. On s’interroge toutefois sur la dispersion des particules via les aérosols qui servent à désinfecter les lieux, et sur les ventilations, qui font tourner l’air de l’intérieur au lieu de ramener celui de l’extérieur.
On comprend alors que derrière le phénomène des abattoirs, il n’y a pas seulement la souffrance animale, l’utilisation massive d’eau pour produire un steak, ou encore la santé : il y a aussi des enjeux sociaux.
Encourager la viande industrielle, c’est encourager des conditions de travail souvent indignes pour des ouvriers.

Derrière chaque mode de production agro-industriel – les serres de fruits et légumes en Espagne, le café, l’huile de palme, ce sont aussi les reproductions d’injustice sociale que nous encourageons.
Ce phénomène nous rappelle aussi que si le virus touche de la même manière riches et pauvres, l’ensemble plus complexe que nous appelons la crise sanitaire, elle, touche en priorité les plus vulnérables : ceux qui ne peuvent pas télétravailler et exercent des métiers de service à la personne, de soin, des travaux manuels, de transport ou dans les industries, travaillent dans des conditions plus difficiles, avec plus de promiscuité, qui prennent les transports en commun ou encore qui n’ont pas les moyens de s’acheter beaucoup de masques, que tous les employeurs ne fournissent pas.
Les familles qui ne peuvent pas se payer de gardes d’enfants vont prendre plus de risques. On sait que les catégories sociales les moins aisées consultent moins souvent les médecins. Ceux avec des contrats précaires craignent de ne pas se faire renouveler s’ils prennent des congés maladie.
Plus que jamais, la crise que nous vivons nous interroge sur nos modes de vie et de consommation, mais aussi sur nos conditions de travail. Tant que nous ne les remettrons pas en question, les futures crises, sanitaire ou climatique, vont toucher les plus vulnérables. De quoi nous rappeler que les enjeux écologiques sanitaires climatiques et sociaux sont tous liés.
crédit photo couverture : Suzanne Tucker