Comme de nombreuses entreprises, la SNCF a été durement touchée par la mise à l’arrêt du confinement. Pourtant, la compagnie ferroviaire reste dans l’attente d’aides financières de l’Etat, alors que celui-ci a déjà pris des mesures en faveur du secteur aérien et automobile. Au sein de la société civile, des voix s’élèvent pour rappeler l’importance du réseau ferroviaire dans un contexte de crise climatique et sociale.
2 milliards d’euros de perte pour la SNCF
Parmi les 20 milliards d’euros accordés aux « grandes entreprises stratégique », Air France-KLM avait été particulièrement choyé par l’Etat français en recevant une aide de 7 milliards d’euros sans contrepartie environnementale ou sociale contraignante. Face à cette annonce, la SNCF a elle aussi sollicité l’aide de l’Etat, pour compenser les 2 milliards d’euros de pertes causées par la crise sanitaire liée au Covid-19.
De plus, les règles de distanciation physique et la limitation des déplacements à moins de 100km ne permettent pas de relancer les ventes de la SNCF de sitôt. Pour l’heure, seul un train sur deux circule et la compagnie doit se limiter à proposer un siège sur deux. Alors que dans l’aviation, les compagnies aériennes ne sont pas soumises au respect des distanciations physiques. Même si le gouvernement a « demandé » à Air France de n’avoir des taux de remplissage que de 45% à 50%, la décision finale est entre les mains de la compagnie aérienne.
« Les récentes déclarations concernant une exemption des mesures de distanciation physique dans les avions illustrent une différence de traitement d’autant plus incompréhensible qu’elle se fait au détriment de la sécurité sanitaire des passagers et semble aller à l’encontre de l’article 1er du décret n° 2020-545 du 11 mai 2020(1) qui précise que “la distanciation physique d’au moins un mètre entre deux personnes […] [doit être observée] en tout lieu et en toute circonstance. » explique Réseau Action Climat
Aujourd’hui, le groupe ferroviaire et ses salariés attendent donc une aide de l’Etat qui est plus frileux d’aider « à l’euro près » la SNCF que l’aviation ou le secteur automobile (5 milliards d’euros ont été accordés à Renault). Parmi ses explications, le gouvernement français argumente qu’opposer secteur aérien et ferroviaire est une « erreur stratégique » en raison de la concurrence à laquelle est soumise l’aviation par rapport au ferroviaire.

Des investissements suspendus
Face aux polémiques pointant les différences de traitement, le gouvernement français s’est tout de même dit prêt à secourir la SNCF mais attendre avant une « trajectoire financière à jour » pour se prononcer sur les aides financières qu’il pourrait accorder, ou non, au groupe ferroviaire.
La SNCF, devenue le 1er janvier une société anonyme à capitaux publics, traversait déjà une crise profonde avant l’apparition du covid-19 sur le territoire en commençant l’année 2020 avec une dette d’environ 35 milliards d’euros, après la reprise de 25 milliards par l’Etat. Cette capitalisation conséquente avait permis à la SNCF de prévoir des plans d’investissement importants pour ouvrir de nouvelles lignes, qui risquent d’être gelés sans cette aide attendue par l’Etat pour pallier aux conséquences du covid-19 sur l’activité du groupe.
« Plutôt que de soutenir le secteur ferroviaire, essentiel pour faire face au défi climatique, le Secrétaire d’État aux transports Jean-Baptiste Djebbari évoquait à la mi-avril de potentiels reports des travaux prévus sur le réseau ferroviaire, pourtant indispensables. De plus, les annonces du Gouvernement sur le report modal de l’avion vers le train restent floues et insuffisantes et n’ont pour le moment pas été mises en œuvre. De même que le renforcement des connexions intermodales pour la desserte des hubs aéroportuaires qui n’a pas été abordé. » dénonce Réseau Action Climat
En effet, les aides publiques financières doivent s’accorder de mesures environnementales et sociales contraignantes pour s’assurer que les entreprises respectent bien leurs engagements. Pour l’instant, c’est loin d’être le cas.

Rétablir un équilibre pour des transports plus vertueux
Si l’avion, grâce à une exonération fiscale sur le kéronèse, peut proposer des places moins chères que le train, il n’en reste pas moins un moyen de transport utilisé par une minorité de français, tout comme c’est le cas concernant l’achat d’une voiture neuve. Le maintien et le déploiement du secteur ferroviaire constitue donc un enjeu stratégique dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans la réduction des inégalités sociales.
« À l’image des mesures prises en faveur du vélo, qu’il faudra confirmer, cette sortie de crise appelle à réorienter les investissements en faveur de la transition écologique. Sans soutien de la part de l’Etat, la crise financière que traverse la SNCF risque d’accentuer la dégradation d’un réseau ferroviaire déjà mal en point. Les trains sont pourtant un allié essentiel pour le climat et la qualité de l’air. En moyenne, un déplacement en train émet au moins 10 fois moins de CO2 que le même trajet en voiture et jusqu’à 50 fois moins de CO2 que l’avion. À l’instar des propositions faites par la Convention Citoyenne pour le Climat, il est urgent de soutenir le train et d’engager un grand plan d’investissement dans les infrastructures ferroviaires, pour une mobilité plus propre, plus inclusive et pour la transition écologique. » exhorte le Réseau Action Climat
En effet, la mobilité en France ne pourra pas être équitable sans un changement de paradigme : en finir avec l’usage individuel de la voiture, électrique ou pas, et rendre les transports publics gratuits seraient des éléments fondateurs de cette stratégie. Malgré les problèmes structurels, ce serait une grave erreur de la part du gouvernement français de laisser son réseau ferroviaire continuer à se dégrader.
Si l’on peut se réjouir de l’engouement pour le vélo par les collectivités et l’Etat dans le déconfinement de la société, la route est encore longue avant d’obtenir une stratégie multimodale écologique et sociale cohérente. Affaire à suivre.
Crédit photo couverture : Nelso Silva