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COP26 : la société civile dénonce l’hypocrisie politique et le greenwashing de l’événement

Surtout, la société civile a largement protesté contre l’opacité et le manque d’accès dans lesquelles se tiennent les négociations des dirigeants politiques. Pire, selon une enquête de l'ONG Global Witness dévoilé ce lundi, l'industrie des énergies fossiles possède la plus large délégation présente à la COP26, avec 503 participants.

Ce 6 novembre, plus de 100 000 personnes ont convergé à Glasgow pour faire pression sur les négociateurs de la conférence sur le climat (COP26). Débutée le 31 octobre, cette « COP de la dernière chance » est vivement décriée pour son hypocrisie politique et le greenwashing scandaleux qui s’affiche de partout, au détriment des voix de celles et ceux qui sont le plus touché.e.s par la crise climatique. Face à un échec annoncé, mitant.e.s et citoyenn.e.s ont bravé la pluie pour réaffirmer leur exigence d’actes réels pour minimiser la crise climatique.

Stop au blablabla

Ce samedi 6 novembre était une journée spéciale pour les militants climats du monde entier. De Glasgow à Sydney, en passant par Paris, Londres, Nairobi, ou encore Mexico, plus de 200 événements étaient prévus dans le monde entierpour exiger la justice climatique avec des mesures immédiates pour les communautés déjà affectées par le dérèglement climatique.

Un mot d’ordre : « Stop au blablabla des politiques », en référence à une tirade saillante de la jeune écologiste Greta Thunberg. Les citoyens et citoyennes en ont assez des promesses non-tenues, ils exigent désormais des mesures concrètes pour limiter le réchauffement climatique. Une crise sans précédent où chaque dixième de degré supplémentaire peut avoir un impact immense sur l’équilibre du système Terre.

Lire aussi : La crise climatique s’accélère et s’intensifie à un rythme sans précédent, alerte le GIEC

Or, selon les dernières estimations de l’ONU, le monde se dirige actuellement vers un réchauffement catastrophique de +2,7°C. Autant dire que les personnes un minimum informées sur le sujet ont l’urgence rivée au cœur.

C’est ce qui explique aussi pourquoi, face à la gravité de la situation, plus de 100 000 personnes n’ont pas hésité une seconde à braver la pluie pour exhorter les politiques à ne pas faire de la COP26 l’échec qui est annoncé.

En effet, si la première semaine a bien résonné de quelques annonces grandiloquentes, les citoyens ne sont plus dupes face aux « engagements jamais contraignants » des pays signataires des traités. Ainsi, l’un des objectifs de cette COP26 pour les pays est de revoir et traduire en acte concrets les engagements déjà pris à la COP21 en… 2015.

Parmi les annonces faites durant cette première semaine à la COP26 :
– le renforcement des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Inde, du Brésil ou de l’Argentine
– une centaine de pays a promis de réduire de 30% les émissions de méthane d’ici 2030
– 24 pays (mais pas la France) se sont engagés à cesser de soutenir les projets de centrales au charbon à l’international d’ici fin 2022 
– un accord d’une centaine de pays a été pris pour enrayer la déforestation d’ici 2030

Décortiqués par les experts du climat, ces engagements ont beau être encourageants ils n’en restent par moins insuffisants pour rester en-dessous de 1,5°C de réchauffement. Cruelle continuité de l’attentisme politique : en 26 ans de COP, les émissions de GES ont augmenté de 60% dans le monde.

« Si tous les engagements en matière de climat annoncés à ce jour à la COP26 étaient respectés intégralement et à temps, ils suffiraient à maintenir la hausse des températures mondiales à 1,8 °C d’ici 2100. » a ainsi commenté le directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol.

Des chercheurs australiens du Climate Resource ont calculé pour leur part une trajectoire à +1,9 °C de réchauffement. Simon Kofé, ministre tuvaluan et l’un des représentants de l’Alliance des petits Etats insulaires (AOSIS), a ainsi marqué l’opinion publique en faisant son allocution immergé dans l’eau de mer.

Enregistrement d’une déclaration vidéo pour la COP26 – Crédit : Anish Chand

La responsabilité des pays du Nord

De fait, les îles et atolls sont particulièrement menacés par la crise climatique, c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les pays s’étaient engagés à ne pas dépasser +1,5°C de réchauffement en 2015 lors de la COP21. Les Iles Fiji, premier pays ayant ratifié l’accord de Paris, ne pouvait pas signer un engagement moins ambitieux sous peine d’officialiser sa propre mort, ayant de fortes chances d’être rayé de la carte à +2°C.

Le pays subit déjà de plein fouet les affres du changement climatique (catastrophes naturelles, montée du niveau des eaux, réchauffement de la température de l’océan entre autres). La montée du niveau de la mer, de 14,4 cm depuis 1993, a déjà obligé le gouvernement à relocaliser 80 villages.

Figurant parmi les Etats les moins pollueurs au monde, les îles Fidji sont également et injustement l’un des plus menacés par le réchauffement climatique. Et c’est un cas classique. La responsabilité des pays du Nord envers ceux du Sud a été vivement pointée du doigt lors de la COP26, notamment par la jeune activiste Vanessa Nakate, d’Ouganda.

A plusieurs occasions, elle a rappelé que les Etats développés s’étaient engagés en 2009 à porter à 100 milliards de dollars par an en 2020 l’aide aux pays du Sud pour la lutte contre les changements climatiques. En 2019, il manquait encore plus de 20 milliards, et les pays du Nord comptent désormais y parvenir en 2023.

« Ce manque de financements coûte des vies et des moyens d’existence, souligne dans une déclaration Sonam P. Wangdi, président du groupe des Pays les moins avancés. « Tenir cet engagement vieux de dix ans des pays développés sera crucial pour établir la confiance et accélérer la réponse mondiale au changement climatique. »

Le festival du greenwashing

Surtout, la société civile a largement protesté contre l’opacité et le manque d’accès dans lesquelles se tiennent les négociations des dirigeants politiques. Pire, selon une enquête de l’ONG Global Witness dévoilé ce lundi, l’industrie des énergies fossiles possède la plus large délégation présente à la COP26, avec 503 participants.

Par comparaison : le Brésil est l’Etat qui dispose de la plus grande délégation avec 479 délégués, toujours moins que l’industrie des fossiles. Fait extraordinaire, cette dernière a le même nombre de représentants que la somme des délégations du Porto Rico, Birmanie, Haïti, Philippines, Mozambique, Bahamas, Bangladesh, Pakistan.

Un non-sens absurde pour un événement principalement destiné à mieux réguler… l’industrie des énergies fossiles.

« La COP26 est la plus excluante des COP jamais conçues. Ce n’est plus une conférence sur le climat, c’est le festival du greenwashing des pays du Nord. Deux semaines de business as usual et de bla bla bla », a twitté jeudi 4 novembre la militante environnementale Greta Thunberg.

En réaction, les jeunes activistes européens pour le climat ont fait la part belle à leurs homologues représentant les communautés autochtones afin qu’ils puissent porter leur message le plus largement possible comme ceux de la Kényane Elizabeth Wathuti, ou de l’Equatorienne Nina Gualinga.

En plus de vivre de plein fouet les premières conséquences de la crise climatique, les populations autochtones sont également grandement menacées par l’expropriation et le vol de terres au profit de l’industrie minière ou l’agro-industrie, la destruction de leurs forêts ancestrales, mais aussi des meurtres et tentatives d’intimidation pour les faire taire quand elles osent résister.

Lire aussi : Nouveau record de la honte : 227 protecteurs du vivant ont été assassinés en 2020

Parmi les faits qui ont fait grincer des dents les activistes pour le climat, relevés par le collectif Désobéissance Ecolo Paris :

  • 400 jets privés ont atterri à Glasgow, soit l’équivalent de 13 000 Tonnes de CO2. Un français.e moyen.ne émet 11,2 T de CO2 par an et il faudrait une empreinte carbone de 2 tonnes par habitant par an pour tenir l’objectif climatique.
  • Des mercedes font la navette depuis le centre-ville de Glasgow, alors que le trajet à pied dure 20 minutes.
  • Jeff Bezos a été invité à parler à la COP, alors qu’il émet 50 millions de tonnes de CO2 par an avec Amazon. Il est arrivé en jet privé et a défrayé la chronique en proposant de verser 2 milliards pour le climat.

« L’ironie est donc au rendez-vous lorsque l’on laisse Jeff Bezos prendre la place d’un chef d’Etat à la tribune alors qu’il est le stratège d’une multinationale spécialisée dans l’évasion fiscale depuis sa création, qui ne payait 0€ d’impôt sur les sociétés aux USA en 2019, 0 euro d’impôts pour ses ventes en Europ, et qui est même responsable d’une fraude à la TVA qui dépasse le milliard d’euros dans l’Hexagone ! » a réagi l’association les Amis de la Terre dans un communiqué

De la même façon, le Qatar a pu faire la promotion de ses stades pour la Coupe du Monde de Football de 2022 alors que des centaines de personnes sont mortes en construisant ces stades, souvent des migrants exploités à mort par le pays.

Les 11 entreprises sélectionnées comme « partenaires principaux » du sommet sur le climat COP26 ont causé plus de pollution par les gaz à effet de serre au niveau mondial en 2020 que ce qui a été produit dans l’ensemble du Royaume-Uni. L’évènement est sponsorisé par JP Morgan, la plus grosse banque de financement de combustibles fossiles. Elle finance 56 des 75 plus grosses entreprises qui utilisent des énergies fossiles.

« Bref, les COP ne sont que des rendez vous annuels bourrés de contradictions, où des puissant.es hypocrites s’auto congratulent sans prendre de véritables décisions pour préserver le vivant. » s’agace le collectif Désobéissance Ecolo Paris, qui était présent lors de la marche parisienne du samedi 6 novembre

Ce samedi 6 novembre, ils étaient ainsi des centaines de milliers partout dans le monde pour dénoncer l’absurdité de la COP26, et rappeler au monde entier qu’il est vital que de véritables décisions soient prises pour préserver le vivant, avec des actes forts. Les politiques ont encore une semaine pour montrer qu’ils ont entendu, ou pas, la société civile.

crédit photo couv : DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Laurie Debove

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