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Le Conseil constitutionnel protège corps et âme les intérêts des grandes entreprises

Le Conseil constitutionnel est l’étape ultime pour un rendu de décisions souveraines des lois françaises. Supposés être imperméables aux tentatives d’influences extérieures et aux intérêts privés et particuliers, il semblerait que les Sages aient la censure facile. Blocage Ces dernières années, de nombreuses mesures législatives bénéfiques à l’intérêt public ont été bloquées lors de leur […]

Le Conseil constitutionnel est l’étape ultime pour un rendu de décisions souveraines des lois françaises. Supposés être imperméables aux tentatives d’influences extérieures et aux intérêts privés et particuliers, il semblerait que les Sages aient la censure facile.

Blocage

Ces dernières années, de nombreuses mesures législatives bénéfiques à l’intérêt public ont été bloquées lors de leur dernier passage sous le rouleau du Conseil constitutionnel. Les soupçons de proximité avec des lobbies économiques se multiplient et l’opacité de son mode de fonctionnement fait grincer des dents. Ne serait-il pas temps de promouvoir une vraie transparence dans l’intérêt de la démocratie ?

Le cas de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales

La mondialisation a ses avantages et ses inconvénients, il est cependant possible de lisser certaines aspérités. Par « aspérités », on entend « atteintes graves aux droits humains et à l’environnement », car oui, de nombreuses multinationales et leurs filiales voient les derrières de rideaux se dévoiler au grand public. Notamment dans le monde du textile, de l’informatique ou de l’exploitation des ressources minières, les scandales s’amoncèlent et les lois peinent à changer. Le 21 février, les députés français adoptaient la loi sur le devoir de vigilance des multinationales dans le but d’ouvrir la possibilité de poursuivre une entreprise pour ses écarts de grande ampleur. Cela fait plus de 4 ans que les porteurs de cette loi salvatrice se battent contre un lobbying intensif ; aujourd’hui, la décision est entre les mains du Conseil constitutionnel. Seulement, la proximité critiquable de ses membres avec le milieu patronal et les grandes entreprises pourrait faire échouer le passage de cette loi.

Décisions récentes floues

Les neuf « Sages » composés d’éminents juristes et d’anciens politiciens ont censuré fin 2016 deux dispositions adoptées par les députés dans la lignée de la lutte contre l’évasion fiscale des multinationales. L’amendement « Google » visait à permettre aux institutions fiscales de taxer les géants du net pour des profits réalisés en France avant d’être redirigés vers des territoires plus souples fiscalement tels que l’Irlande ou le Luxembourg. Le Conseil a asséné un coup final à deux dispositions de cet amendement en jugeant qu’il portait atteinte au principe d’égalité devant la loi. De même, le reporting public pays par pays qui contraindrait les multinationales françaises à plus de transparence, dont des informations complètes sur leurs filiales, mènerait à un vrai contrôle et renforcerait la responsabilité de l’entreprise pour chaque maillon de la chaîne de production ainsi que pour ses manœuvres fiscales. Mais une fois de plus, le Conseil constitutionnel a coupé court en jugeant cette motion contraire à la liberté d’entreprendre car nombreuses de ces informations pourraient profiter à des firmes concurrentes.

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Liberté d’entreprendre ou liberté de camoufler ?

La proposition de François Hollande de taxer les très hauts revenus à 75% sur la dernière tranche ou encore la loi Florange imposant des pénalités aux entreprises qui fermeraient des sites rentables se sont vus accusés d’entrave à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété car cela aurait privé « l’entreprise de sa capacité d’anticiper des difficultés et de procéder à des arbitrages économiques ». De nombreuses tentatives de régulation ou des demandes en termes de transparence se voient refoulées – seulement, à qui cela profite-t-il ? Aux citoyens français, votants et consommateurs, ou aux intérêts privés des grandes entreprises ? Les grands groupes profitent de la non-réécriture du droit conservateur et de son obsolescence pour faire appel à des vices de forme.

Portes étroites

Les « portes étroites » sont des contributions informelles envoyées au Conseil pour tenter d’influencer sa décision. Ces « portes étroites » sont légalement opaques voire secrètes, car non communiquées au gouvernement et aux parlementaires. Mathilde Mathieu a mené l’enquête pour le média indépendant Médiapart et a fait la lumière sur ces pratiques ancestrales et élitistes ; commandées à d’éminents professeurs de droit constitutionnel ou à des cabinets d’avocats spécialisés, ces contributions ont pour but de défendre celui qui les commande. Lectures entre les lignes, vices de forme et mesures prises au pied de la lettre sont chassés par leur rédacteurs. En somme, une grande partie se joue sur les mots et les exceptions. Il est important de rappeler à ce stade que les particuliers ou associations ne peuvent s’offrir de telles contributions, étant donné que leurs émetteurs font partie d’un cercle exclusif et que le montant de ces prestations s’élève à plusieurs dizaines de milliers d’euros. La messe est donc dite.

Jean-Louis Debré, ancien président du Conseil constitutionnel avait par ailleurs dévoilé certains chiffres : l’année 2014 a connu 47 portes étroites et l’année 2015 a été encore plus florissante avec 21 sur la loi sur le renseignement et 24 sur la loi Macron. L’AFEP (Association française des entreprises privées) en est friande et est à l’origine de nombre de ces contributions. Malgré le coût et la complexité d’atteindre les hautes sphères, certaines ONG, associations ainsi que la société civile ont su se frayer un chemin jusqu’à ce grand bureau : les associations de défense des migrants durant la présidence de Nicolas Sarkozy, La Quadrature du Net – French Data Network et la Fédération des fournisseurs d’accès à Internet associatifs pour la loi Renseignement etc. Seulement, une fois sur le bureau, malgré la véracité de leur contenu, les Sages ne sont pas contraints de les lire et de les prendre en considération.

Quid de la transparence

Nous sommes en 2017, nous sommes une démocratie et pourtant, nos lois sont encore régies par un groupe d’élite de 9 « Sages » qui ont le droit de décision ultime. Ne semble-t-il pas évident que ces seules 9 personnes sont en proie à des pratiques de lobbying, plus ou moins assumées. Ces élites font partie de groupes fermés et extrêmement exclusifs, la connaissance de la réalité du terrain et des citoyens français dans une salle du Conseil aux moulures dorées semble extrêmement limitée. L’opacité employée par cette haute entité de l’Etat permet aux lobbies de laisser passer des lois par toutes les étapes sans encombre avant de les cueillir à l’arrivée grâce à un savant jeu d’influence. Cette unité intouchable de l’Etat français doit être remise en question pour l’instauration d’un nouvel ordre alternatif plus démocratique, plus juste et surtout plus transparent – seulement, son opacité et sa complexité en fait un sujet compliqué à soumettre à l’influence de l’opinion publique.

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Diane Scaya

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