« Goëlo Autrement », c’est l’histoire d’un village breton qui résiste encore et toujours à… l’étalement urbain ! Après des mois de mobilisation, les habitants ont obtenu gain de cause : le Super U n’aura pas le droit de s’agrandir sur une zone communale historiquement agricole.
Lutter pour le mieux vivre ensemble
Déjà en 2002, le conseil municipal d’Etables-sur-mer s’était prononcé contre le déplacement du Super U existant à cause de « la difficulté de revitaliser le centre-bourg en raison de la présence de grandes surfaces. » 16 ans plus tard, Etables-sur-Mer a fusionné avec Binic, et le projet de déplacement s’est transformé en projet d’agrandissement : le Super U de
5 500m2 souhaite devenir un Hyper U de 11 400m2 !
Au milieu de ce projet d’agrandissement se trouve une parcelle communale historiquement destinée à l’agriculture. Si la Mairie acceptait de la vendre au porteur de projet, cette parcelle arable aurait alors été bétonnée pour faire partie de l’hypermarché. C’était sans compter sur la détermination des habitants de différents collectifs locaux, dont Goëlo Autrement, qui ont lancé une mobilisation citoyenne pour empêcher le projet de voir le jour.
« On sait aujourd’hui qu’un emploi créé en grande surface, le plus souvent précaire et à temps partiel non choisi, conduit à la destruction de trois à cinq emplois stables et durables ailleurs. Et cet ailleurs c’est ici, dans les commerces des centres bourg de Binic, d’Étables-sur-mer, à Lantic, à Plourhan… et j’en passe. Ces commerces qui font vivre nos villes ; qui font que l’on peut encore se croiser, se parler, se confronter… en deux mots, vivre ensemble. » Paul Rosner, Président de Goelo Autrement


Organisation de rassemblements citoyens, échanges avec les habitants sur les marchés, rencontre des petits commerçants du territoire, les associations se sont mobilisées pour faire connaître à tou-te-s les conséquences négatives du projet : survie des centre-bourgs et des petits commerces qui risqueraient de faire faillite, question du lien social, captation des richesses par une seule personne, impact environnemental avec la perte d’un sol fertile… En trois mois, leur pétition a recueilli 600 signatures avec plus de 90 % des commerçants du territoire du Sud Goëlo qui s’opposaient à ce projet.
Et leur détermination a porté ses fruits ! Le 16 Juin 2018, le conseil municipal a viré de bord et finalement décidé de voter CONTRE le projet !
Alors qu’une grande majorité des élus (42 sur 47 conseillers municipaux) s’étaient regroupés pour soutenir l’HyperU, ce vote du mois de juin est le premier où ce groupe d’élus s’est délité et a rejeté le projet (27 contre et 14 pour, les autres s’étant abstenus).
Pour Goëlo Autrement, ce changement de décision est dû à plusieurs raisons : d’abord le souci d’écouter les revendications des habitants, mais surtout les nouvelles informations portées par les collectifs citoyens à la connaissance des élus, quand ils n’avaient jusque-là entendu qu’un seul argumentaire, celui du porteur de projet d’HyperU.
« Le porteur de projet avait été invité plusieurs fois pour défendre son initiative alors que Goëlo Autrement n’avait pu intervenir qu’une seule fois dans un conseil municipal. Nous avons donc fait tout le travail d’argumentaire sur les impacts du projet sur le territoire en créant un dossier qu’on a posté dans la boîte aux lettres des conseillers municipaux. Notre action a très vite été diabolisée quand ils ont vu qu’on avait leur adresse. Nous avons donc fait très attention à éviter toute radicalité pour empêcher les débordements et ne pas leur faire peur en leur montrant que nous sommes une association bienveillante, ouverte au dialogue et axée sur le collectif. » Paul Rosner, Président de Goelo Autrement
En effet, outre le maintien d’emploi locaux, l’une des conséquences les plus positives de cette action est la réappropriation par les habitants de leur rôle citoyen au sens politique du terme. La victoire remportée en juin 2018 leur a appris qu’ils pouvaient s’impliquer dans la vie politique de leur territoire, que leur parole comptait, et qu’ils étaient capables de faire changer d’avis leurs élus.
« Finalement, même une si petite échelle locale peut fonctionner comme à l’échelle nationale. Entre deux élections, l’habitant est à peine informé de ce que décide le conseil municipal. Il y a cette posture de sachant du conseiller municipal, souvent déconnecté du quotidien des gens, alors que les habitants ont eux aussi le droit de débattre et voter pour l’aménagement de leur lieu de vie. » Paul Rosner, Président de Goelo Autrement
L’association Goëlo Autrement et les autres collectifs veulent donc transformer cette mobilisation populaire en échange collectif pour décider du futur visage du terrain communal. Bien qu’il soit maintenant considéré comme une zone commerciale, devant donc accueillir un magasin d’au moins 1 000m2, les associations espèrent lui rendre son rôle originel : une parcelle agricole. En Bretagne, 4 800 hectares de terres agricoles sont perdus chaque année à cause de l’artificialisation des sols.
La première consultation citoyenne aura lieu début novembre pour que les habitants puissent faire part de leurs idées et leurs envies. Pourquoi pas une activité de maraîchage pour les cantines scolaires ? Paul précise : « Tout se décidera collectivement, on veut vraiment qu’un nouveau projet émerge de la part de tou-te-s ceux qui participeront à la réflexion autour de ce terrain commun. »