L’information paraît tellement surprenante qu’on pourrait croire à un article du Gorafi : l’Union Européenne est sponsorisée par Coca-Cola à travers la présidence de la Roumanie. Dénoncée par l’ONG Foodwatch comme un flagrant conflit d’intérêt, cette polémique remet la lumière sur une pratique légale qui concerne de nombreuses marques.
Dès la bannière d’accueil, le malaise est palpable : « The coca cola system welcomes you to beautiful Romania ! ». La multinationale ne se définit donc plus comme une entreprise mais comme « un système » avec ses objectifs, ses interactions avec son environnement ou ses fonctions. Dans le système Coca-Cola, les députés européens peuvent boire la fameuse boisson, charger leurs téléphones sur des bornes aux couleurs de la marque, discuter assis sur des poufs floqués du logo…

Si Coca-Cola a pu être omniprésent lors de cet événement public, c’est grâce au « partenariat platine » qu’il a conclu avec la Roumanie, pays présidant l’Union Européenne de janvier à juin 2019. En échange de 40 000 euros, l’entreprise peut apposer couleurs et logos un peu partout pour afficher qu’elle sponsorise l’UE. Dans une pétition lancée en Allemagne, en France et aux Pays-Bas, l’ONG Foodwatch demande au président du Conseil européen, Donald Tusk, de mettre fin à ce sponsor pour éviter un conflit d’intérêt flagrant.
« Au cours des prochains mois, les responsables politiques de l’Union européenne examineront la révision de la législation alimentaire, ainsi que l’importante question de l’étiquetage nutritionnel sur les emballages des denrées alimentaires (NutriScore), ou encore le marketing de produits alimentaires trop gras, trop sucrés, trop salés ciblant les enfants. La stratégie de Coca-Cola, qui a fait l’objet d’une fuite en 2016, montre aussi qu’elle a l’intention de « riposter » à une éventuelle taxe sur le sucre. Ce type de parrainage s’inscrit dans une approche de lobbying pour contrer la mise en œuvre de telles mesures. Ces questions qui affectent la santé et le droit à l’information de tous les citoyens de l’UE méritent l’attention impartiale des responsables politiques. » L’ONG Foodwatch
Coca-Cola n’est pas le seul partenaire de la présidence de la Roumanie à l’Union Européenne, c’est également le cas des constructeurs automobiles Renault et Mercedes-Benz, le fournisseur d’accès à Internet Digi, la compagnie d’électricité Enel et le géant pétrolier OMV Petrom. L’argent apporté par ces acteurs privés permettrait aux pays présidents de régler les coûts générés par leur mission publique. En effet, le Conseil Européen n’avancerait aucun fonds pour le faire.

Interrogé par le Figaro, le ministère des Affaires étrangères roumain a nié toute accusation de conflit d’intérêts en expliquant avoir respecté le « guide de sélection et de passation de marchés pour la formation et l’exercice du mandat de la présidence roumaine » publié l’an dernier. Ce document donne un cadre dans lequel le parrainage est approprié : cartes de carburant, nourriture et boisson, cadeaux, souvenirs et « événements de diplomatie publique et culturelle ».
Si la pratique est donc bien connue, certains députés européens commencent eux aussi à la dénoncer, à l’image de Philippe Lamberts, eurodéputé écologiste, qui a déclaré à France2 : « Demander à des entreprises privées de sponsoriser vos événements vous met dans une position de quémandeur, et ça c’est évidemment renforcer le pouvoir de lobbying des multinationales ».