Dans la zone intertropicale de la planète, il pleut principalement de décembre à mai. Les vents poussent les nuages formés au-dessus de l’océan jusqu’au continent, où ils viennent arroser la végétation. Cependant, la forêt amazonienne a la particularité de connaître une autre période de pluie moins intense entre septembre et décembre, alors que le système des vents ne permet pas encore d’apporter les nuages depuis l’océan.
L’évapotranspiration des plantes
Ce phénomène intrigue les scientifiques depuis plusieurs décennies. Ils ont très tôt constaté une accumulation d’humidité dans l’atmosphère en septembre, sans pouvoir discerner d’où elle venait. Ils ont aussi remarqué que cette période humide de septembre à décembre coïncidait avec celle de la croissance des feuilles des arbres. Or, les plantes relâchant de l’humidité lors de leur photosynthèse, les pluies pouvaient être liées à l’augmentation de l’évapotranspiration.
Rong Fu, climatologue de l’Université de Californie Los Angeles (UCLA), a confirmé cette hypothèse en utilisant l’imagerie d’Aura, un satellite dédié à l’étude de la chimie de l’atmosphère de la Terre.
Dans un article des PNAS, elle livre les données fournies par l’engin spatial de la Nasa. L’humidité s’accumulant au-dessus de la forêt tropicale de septembre à décembre possède une teneur en deutérium (un isotope naturel de l’hydrogène composé d’un proton et d’un neutron) bien supérieure à celle provenant des océans.
Des pluies provoquées
En effet, durant l’évaporation, les molécules d’eau provenant de l’océan se débarrassent de leur deutérium. En revanche, lors de l’évapotranspiration, les plantes rejettent l’eau du sol dans l’atmosphère sans en changer la composition isotopique.

Les pluies de septembre à décembre sont donc provoquées par les plantes elles-mêmes.
« Les averses produisent de l’énergie, à travers la condensation de la vapeur, entraînant ainsi la circulation de la mousson. Ceci accroît l’apport d’humidité à la forêt et alimente les pluies. C’est ce processus qui provoque le début de la mousson » explique Rong Fu.
Forêt et climat
Cette découverte vient renforcer l’idée du rôle essentiel des plantes dans la régulation du climat. Ces pluies précédant la mousson de décembre réchauffent en effet l’atmosphère et provoquent l’ascension d’un air devenu chaud. Ceci déclenche l’inversion de la circulation des vents, qui permettent d’apporter ensuite les pluies depuis l’Océan.
Ainsi, dans les zones où la forêt est détruite, les plantes trop peu nombreuses seraient incapables de générer la pluie dont elles ont besoin pour vivre, accentuant les sécheresses. Une conséquence encore mal évaluée de la déforestation, dont l’effet de rétroaction se révèlerait redoutable pour l’ensemble des mécanismes climatiques.