Chine, Philippines et Malaisie : les décharges sont pleines. L’Asie du Sud-Est refuse de continuer à servir de poubelle aux pays riches et renvoie désormais leurs déchets aux pays qui les produisent, créant une véritable crise mondiale du recyclage et traitement des déchets.
L’Asie du Sud-Est, le dépotoir historique de l’Occident
Pendant des dizaines et des dizaines d’années, les pays de l’Ouest se sont débarrassés d’une grande partie de leurs déchets en les vendant à l’Asie, et notamment la Chine, qui les utilisait pour les revaloriser. Dans un rapport, Greenpeace a listé les 21 plus grands exportateurs. Les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne sont les trois premiers, tandis que la France occupe la 16ème position.
Parmi les déchets envoyés à l’étranger, on peut trouver des cartons, des métaux, des textiles mais surtout… du plastique. En 2016, la France a ainsi expédié 700 000 tonnes de déchets en plastique dans le monde entier, d’après le ministère de la Transition écologique et solidaire. Il faut en avoir conscience : les images désastreuses que l’on peut voir de décharges à ciel ouvert dans les pays plus pauvres, ou de continents de plastique au milieu des océans, sont bien les déchets que les pays riches ont jeté sans scrupules à l’autre bout du monde.

En juillet 2017, la Chine a pris une décision historique : elle refuse désormais d’accepter les poubelles des autres. En vigueur dès la fin de l’année 2017, cette décision a ébranlé la gestion des déchets dans le monde entier. Dans un premier temps, les pays exportateurs se sont repliés vers d’autres destinations : Malaisie, Philippines, Vietnam, Thaïlande, Inde. Pendant le premier semestre 2018, l’arrivée de déchets plastiques a augmenté de 56 % en Indonésie, 50% au Vietnam et de 1 370 % en Thaïlande ! selon une analyse de données commerciales détaillées par le Financial Times.
Face à cet afflux massif de déchets, les pays d’Asie du Sud-Est ont alors décidé de suivre l’exemple de la Chine et ferment à leur tour leurs décharges. Début Juin, les Philippines ont ainsi renvoyé 69 conteneurs de déchets au Canada. Arrivés dans le pays asiatique en 2013 et 2014, ils avaient été présentés comme du « plastique à recycler » alors qu’ils contenaient des ordures ménagères, des bouteilles, des sacs en plastique, des journaux, des déchets électroniques et des couches souillées. De la même façon, la Malaisie va retourner à leurs envoyeurs, notamment la France et les Etats-Unis, 3 000 tonnes de déchets.
La France, pire pays européen sur le recyclage des déchets
La décision de Pékin a créé une situation sans précédent aux Etats-Unis dont les villes peinent à financer le recyclage des déchets, préférant alors les brûler avec son lot de conséquences désastreuses sur la qualité de l’air. Pour la France, la situation est également très compliquée. Alors qu’il exportait plus de 75% de ses déchets vers la Chine, l’Hexagone se retrouve lui aussi avec des montagnes de déchets à traiter.

Problème, la France est le plus mauvais élève des pays européens concernant le recyclage, selon PlasticsEurope. Sur 3,5 millions de tonnes de déchets plastiques produits en France en 2016, seulement 758 000 tonnes ont été valorisés ou recyclés. En 2018, le gouvernement français s’est engagé à recycler 100% des plastiques d’ici 2025, contre 20 % aujourd’hui.
« C’est une fausse bonne idée. Le plastique recyclé est un paradoxe, dans le sens où l’on ne peut pas recycler le plastique à l’infini. Il faut plutôt se passer de plastique quand on peut le faire, avec du verre ou du métal par exemple, qui, eux, sont vraiment recyclables ». explique à franceinfo Nathalie Gontard, chercheuse à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra)
Car il n’y a pas « du » plastique mais bien plusieurs types de plastique différents, tels que le PET qui sert pour la fabrication des bouteilles, ou le PVC, beaucoup utilisé dans le bâtiment, pour les revêtements de sol et de murs, les fenêtres ou l’ameublement. Chaque plastique a une façon différente d’être recyclé, ou pas. Dans « Plastique, la grande intox », l’équipe de Cash Investigation montre ainsi que les polluants organiques persistants (POP) que l’on retrouve dans la composition de certains plastiques sont des « perturbateurs endocriniens, cancérogènes probables et neurotoxiques ». Ces molécules réussissent bien trop souvent à passer les tests de sécurité des filières de recyclage, et se retrouvent alors dans nos objets du quotidien.
« La décision des pays d’Asie du Sud-Est est un message d’alerte. Ce que l’interdiction de la Chine a dit au monde, c’est que nous devons repenser l’utilisation du plastique à l’échelle mondiale et que notre génération doit résoudre ce problème. D’ici 2050, notre monde comptera plus de 10 milliards d’habitants. Pouvez-vous imaginer la quantité de plastique accumulée d’ici là ? » Yeo Bee Yin, Ministre de l’Energie, des Sciences, de la Technologie et du changement climatique de Malaisie
En refusant de contribuer plus longtemps au mode de surproduction des pays occidentaux, l’Asie du Sud-Est donne le ton : l’avenir sera zéro déchet, ou nous finirons tous par crouler sous nos déchets.