Rapace insectivore commun en France, la bondrée apivore s’attaque également aux nids de frelon asiatiques. Une étude espagnole a observé des couples de bondrées décimer jusqu’à 83 nids durant la saison de reproduction. Les chercheurs préconisent des bonnes pratiques pour favoriser l’habitat de ces rapaces, qui pourraient devenir des alliés très importants dans la lutte contre ces envahisseurs.
La bondrée apivore, prédateur des frelons asiatiques
Nous assistons à une prolifération sans précédent d’espèces exotiques envahissantes dans pratiquement tous les écosystèmes du monde. Celle des frelons asiatiques change la donne dans les jardins et menace la biodiversité. Il a été classé Espèce Exotique Envahissante par l’Union Européenne en raison de la pression qu’il exerce sur les populations d’Abeilles domestiques (Apis mellifera) et sur celles de certains insectes sauvages endémiques.
Les oiseaux insectivores, tel le magnifique Guêpier d’Europe, sont donc particulièrement scrutés pour trouver un allié capable d’aider les humains à lutter contre le frelon asiatique. Un prédateur particulièrement redoutable a été révélé en Galice, sous les traits de la Bondrée apivore (Pernis apivorus).
La Bondrée apivore est l’un des rapaces les moins connus d’Europe. Elle appartient au genre Pernis, un groupe d’espèces spécialisées dans la consommation de nids de guêpes pendant la période de reproduction. La bondrée apivore ne se nourrit pas de guêpes adultes, mais des larves et des nymphes. Elle repère les nids et les détruit, ramenant les rayons de miel chargés de larves et de nymphes à son nid pour nourrir ses petits.
Une bondrée apivore ramène un nid de frelon asiatique à ses petits – Crédit : Universidad de Alcalà
La Bondrée apivore est protégée des dards acérés de ses proies grâce à de toutes petites plumes très dures sur sa tête, et des paupières imperméables. Ses petites narines empêchent également les guêpes d’y rentrer, et le rapace serait probablement immunisé contre leur venin. Voici qu’elle s’attaque désormais aux frelons asiatiques.
Une étude menée dans le nord-ouest de l’Espagne a montré que la densité des aires de Bondrées apivore avait augmenté dans les plantations d’eucalyptus depuis l’arrivée du Frelon asiatique en 2014. Et pour cause, le frelon asiatique est devenu la seconde proie la plus importante de la Bondrée apivore (Pernis apivorus) dans la péninsule ibérique.
Intitulée « Le rôle de la bondrée apivore européenne dans la lutte contre le frelon asiatique », l’étude a été supervisée par les professeurs et ornithologues Salvador Rebollo et Luisa M. Díaz Aranda, du Département des sciences de la vie de l’Université d’Alcalá de Henares.
Leurs travaux révèlent que chaque couple de bondrées apivores étudiés dans la région élimine entre 67 et 83 colonies de frelons asiatiques par an.
Une régulation à protéger
Tout comme ils le font avec les guêpes, les rapaces s’attaquent aux nids et à leurs larves, et ce au début du printemps, moment où les reines ne sont pas encore parties du nid. Ce qui pourrait donc contribuer à limiter la propagation de l’espèce invasive. Les résultats des chercheurs démontrent ainsi que la prédation des rapaces réduit l’abondance des ouvrières dans un rayon d’au moins 1 000 mètres autour de chaque aire.
Les rapaces attaquent particulièrement les nids souterrains situés dans des zones forestières moins accessibles, où ils éliminent les nids cachés qui serviraient autrement de refuge au frelon invasif.
Cette ressource alimentaire abondante a favorisé l’essor de la population de bondrées apivores reproductrices à Pontevedra. Le nombre de rapaces a triplé dans la province depuis l’apparition du frelon asiatique en 2014.
Encore mieux, les chercheurs n’ont détecté aucune attaque de bondrée apivore sur les ruches d’abeilles mellifères. « L’augmentation des populations reproductrices de bondrées apivores ne représente donc aucune menace pour les apiculteurs », précise le chercheur Salvador Rebollo.
Le rapace ne permettra pas à lui seul d’éradiquer totalement cet envahisseur. Pour les scientifiques à l’origine de l’étude, il s’agit désormais d’intégrer la bondrée apivore européenne à un système de lutte contre le frelon asiatique.
Ils préconisent donc de bannir les insecticides susceptibles de nuire au rapace, d’améliorer la diversité des essences et des âges des arbres dans les plantations d’eucalyptus, et d’adopter une gestion de sylviculture sur le long terme (au moins 35 ans) afin que certains arbres atteignent une hauteur suffisante pour accueillir les aires de rapaces.
En effet, la Bondrée apivore sélectionne pour nicher de grands arbres (des eucalyptus dont le diamètre du tronc dépasse les 50 cm, mais aussi des pins ou des chênes dont le diamètre du tronc atteint au moins 35 cm) situés au sein de plantations mâtures avec des essences variées.
En France, on estime qu’il y aurait 20 000 couples de bondrées apivores dans l’Hexagone. Ce rapace migrateur revient dans nos forêts chaque début de printemps, et part pour l’Afrique fin septembre.
Un autre monde est possible. Tout comme vivre en harmonie avec le reste du Vivant. Notre équipe de journalistes œuvre partout en France et en Europe pour mettre en lumière celles et ceux qui incarnent leur utopie. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.