La vie du chauffeur lanceur d’alerte qui avait fait état de l’acide déversé par ArcelorMittal dans un crassier de la région Lorraine, s’est transformée en cauchemar depuis ses accusations. Licencié puis boudé par les agences d’intérim, celui qui avait voulu dénoncer ces pratiques pour nos enfants peine désormais à subsister aux besoins des siens…

Le témoignage de ce chauffeur travaillant pour un sous-traitant d’ArcelorMittal Florange avait fait un scandale. Images à l’appui, il montrait les quantités impressionnantes d’acide qui étaient déversées illégalement en pleine nature par son employeur, une filiale de Suez Environnement spécialisée dans le transport de déchets toxiques et sous-traitante d’ArcelorMittal. Le scandale a été largement relayé par les médias et a permis l’ouverture d’une enquête par le parquet de Thionville le 4 juillet pour « atteinte à l’environnement. »

Pourtant, loin d’avoir été protégé et reconnu pour son rôle crucial de lanceur d’alerte, il se retrouve aujourd’hui sans emploi et persona non grata dans toutes les agences d’intérim de la région où il vit avec sa femme et ses trois enfants (dont un en bas-âge). Mardi 12 juillet il a expliqué sa situation auprès de Franceinfo : « Je ne trouve plus de boulot. Je vis avec le chômage. Ce mois-ci, j’ai reçu 700 euros. Je galère de plus en plus. Mes enfants en ont pâti, mon couple a pris un coup. J’aurais dû me taire et continuer ma vie. » Licencié pour « rupture de discrétion commerciale », il en vient à douter aujourd’hui d’avoir fait le bon choix en lançant l’alerte.

« Mes enfants en ont pâti, mon couple a pris un coup. J’aurais dû me taire et continuer ma vie. »

Et pourtant, le chauffeur est catégorique : c’est bien un acide dangereux pour la santé et pour l’environnement qu’il a déversé tous les jours pendant plusieurs mois dans cette espace naturel, réservé en principe aux boues industrielles. « Je sais ce que je chargeais dans mon camion, affirme-t-il. J’étais le seul intérimaire à transporter l’acide. Et je sais aussi que de tels produits chimiques n’ont rien à faire dans un crassier. » Si le chauffeur n’a pas immédiatement dénoncé l’entreprise ou du moins refusé de déverser l’acide, c’est justement parce que ce boulot semblait « tombé du ciel ». Il déplore : « Ce que je faisais, je savais que c’était illégal. Mais je faisais comme tous les autres moutons. J’étais le dernier maillon de la chaîne. » Une bien triste réalité trop peu visible…

Qu’attendent les pouvoirs publics pour réagir ? Combien de lanceurs d’alerte désespérés, auxquels tout le monde a tourné le dos, faudra-t-il avant que l’on se décide enfin à les protéger ? Non, ce lanceur d’alerte n’aurait pas dû « se taire », comme il le regrette aujourd’hui ; nous devrions tous et toutes être encouragés à dénoncer les pratiques dangereuses et destructrices d’une poignée d’entrepreneurs aveuglés par l’odeur de l’argent.

Crédits photo : Reuters

Pour commander notre Manifeste, cliquez sur l’image !