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En Calabre, l’arrivée de migrants donne un second souffle à un village déserté

A l’extrême pointe de la botte italienne, un modeste village de montagne montre l’exemple au pays en offrant depuis trois ans un foyer à un groupe de demandeurs d’asile ; cette initiative, aujourd’hui reproduite dans plusieurs villages en Europe, permet à la fois de dynamiser des campagnes victimes de l’exode rural et d’offrir aux migrants un […]

A l’extrême pointe de la botte italienne, un modeste village de montagne montre l’exemple au pays en offrant depuis trois ans un foyer à un groupe de demandeurs d’asile ; cette initiative, aujourd’hui reproduite dans plusieurs villages en Europe, permet à la fois de dynamiser des campagnes victimes de l’exode rural et d’offrir aux migrants un cadre de vie plus digne que celui des centres d’accueil.

Sous le soleil de Calabre, un village exemplaire

Sant’Alessio in Aspromonte, 330 habitants, de la place et de la générosité à revendre. Dans huit appartements délaissés par leurs propriétaires et mis à disposition par la mairie, se succèdent depuis 2014 des familles de demandeurs d’asile venues d’Irak, du Sénégal ou encore du Mali. Ce dispositif s’inscrit dans le cadre du programme SPRAR (Système de Protection des Demandeurs d’asile et des Réfugiés), initié par le Ministère de l’Intérieur italien afin de

« Créer une vie normale dans le but de soutenir et d’intégrer sur le territoire les demandeurs d’asile et les réfugiés, en leur cherchant un emploi et une maison ».

Les bienfaits de ce programme vont dans les deux sens : d’un côté, les familles de réfugiés et de demandeurs d’asile bénéficient d’un toit, mais aussi et surtout d’un soutien psychologique pour les aider à démarrer une nouvelle vie : en pratiquant de nombreuses activités (football sur le terrain municipal, jardinage, cuisine, menuiserie) et en apprenant l’italien, ils font ici leurs premiers pas dans un nouveau pays, pour ensuite aller construire leur vie plus loin. Certains font aussi le choix de rester auprès de ceux qui les ont accueillis : c’est le cas de Salifu, originaire du Ghana, qui vit aujourd’hui de petits boulots à Sant’Alessio, « nous sommes ici avec eux, nous n’irons nulle part », dit-il.

Du côté du village, l’arrivée des migrants est une manne : cette nouvelle vie redonne son souffle au village : « Le village était en train de se vider, alors s’il y a un peu de mouvement, ça fait du bien », remarque Celestina Borrello, tenant le bar local ; en accueillant ces familles, les habitants ont le sentiment d’être engagés dans une « action humaine, humanitaire ». Mais le bénéfice économique est aussi à souligner : en plus d’apporter de l’emploi et de la vie dans le village – en tout, le projet emploie 16 jeunes de la région (travailleurs sociaux, infirmier, médecin, professeur d’italien, psychologue), dont sept viennent de Sant’Alessio même – le programme SPRAR octroie au village jusqu’à 45€ par jour et par personne pour l’accueil, parmi lesquels 4 € sont donnés quotidiennement aux demandeurs d’asile pour se nourrir.

Un modèle répandu

Aujourd’hui, Sant’Alessio ne fait plus cavalier seul, que ce soit en Italie ou dans le reste de l’Europe : en effet, les initiatives du genre fleurissent les campagnes. En Italie, le réseau SPRAR compte désormais plus de 380 communes accueillant des migrants, et le modèle fait aussi école en France. A Pouilly-en-Auxois (Bourgogne), par exemple, les 1 550 habitants de la commune accueillent une soixantaine de demandeurs d’asile issus du désengorgement du camp de Calais.

De nombreux autres exemples témoignent de la volonté des Européens à venir en aide à ceux qu’ils considèrent comme leurs prochains, en dépit des préjugés que leur inspire parfois le traitement médiatique de la crise migratoire : « cela a créé beaucoup d’inquiétude au démarrage. (…) Ils [les migrants] sont arrivés un peu craintifs par rapport à l’accueil qui allait leur être réservé. Très vite, ils se sont acclimatés au pays catalan et ils ont trouvé des habitants qui leur tendaient la main », témoigne Christophe Carol, maire de Campôme, qui a accueilli l’année dernière 18 migrants.

L’immigration en Europe, un problème aux mille facettes

Au regard du dispositif migratoire européen, la situation de l’Italie est particulière puisque c’est une porte sur la Méditerranée, depuis laquelle les flux doivent être redistribués sur l’ensemble du territoire. Avec plus de 200 000 migrants arrivés sur le sol italien dans les douze derniers mois, le gouvernement est parfois dépassé, et pas toujours disposé à ouvrir grands les bras. D’un point de vue national, le ton s’est durci envers les migrants illégaux, que 65% des Italiens souhaitent renvoyer chez eux ; en témoigne l’ouverture prochaine en Italie de seize Centres d’Identification et d’Expulsion (CIE).

En conséquence, la situation migratoire européenne n’est pas rose. Au 10 avril 2017, l’Union Européenne était considérablement en deçà de ses objectifs de relocalisation des migrants dans les pays membres. Sur un objectif initial de 160 000 personnes relocalisées depuis l’Italie et la Grèce, seuls 16 340 l’ont effectivement été, soit à peine 10 %. « Il est temps à présent que les Etats membres tiennent leurs engagements et intensifient leurs efforts. Ils ont le devoir politique, moral et juridique de le faire », a déclaré la semaine dernière le commissaire européen chargé des migrations, Dimítris Avramópoulos.

D’un point de vue national, le ton s’est durci envers les migrants illégaux, que 65% des Italiens souhaitent renvoyer chez eux ; en témoigne l’ouverture prochaine en Italie de seize Centres d’Identification et d’Expulsion (CIE).

De l’histoire exemplaire de Sant’Alessio au cauchemar de certains centres d’accueil de masse comme celui de Mineo (4000 réfugiés vivant dans des conditions à peine humaines, sur fond de détournement de l’aide d’Etat par la mafia locale), le tableau de la situation migratoire est extrêmement varié et complexe. Ainsi, il faut bien comprendre que les irrégularités que nous percevons dans le traitement des migrants ne viennent pas toujours d’une mauvaise volonté politique ou idéologique, mais aussi des différences de statut entre les migrants (un demandeur d’asile n’est, dans 60% des cas, pas éligible au statut de réfugié politique ou humanitaire), ou de la multitude de dispositifs existant pour leur accueil, certains louables, d’autres regrettables.

Sources : Pratomigranti / Bloomberg /  Euronews

Crédit Photo : Andreas Solaro / AFP

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Antoine Puig

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