En voulant aborder le boycott de la Coupe du Monde de façon ludique, l’équipe du fanzine Climax a eu une idée géniale : organiser des ateliers pour fabriquer une télécommande pirate permettant d’éteindre à distance la TV de 160 marques différentes. L’objectif : inciter les gens à faire des contre-soirées festives et bricolo, permettant à chacun.e de reprendre la main sur les images publicitaires dont nous sommes matraqués chaque jour.
Un boycott festif et participatif
Tout a commencé avec la soirée de lancement du fanzine Climax Numéro Zéro Virgule Cinq « Pas de pitié pour les croissants ». A cette occasion, l’équipe de Climax a invité Thomas, un hacker et designer chez Praticable (alias letrouviste), à animer un atelier do it yourself pour fabriquer des télécommandes magiques permettant d’éteindre toutes les télés.
« On s’est inspirés du hacker superstar Mitch Altman des années 2000 qui s’était fait connaître avec son invention TV-B-Gone, une télécommande universelle qui éteint en quelques secondes toutes les télés qui pourraient se trouver sur votre passage avec une efficacité de 45 mètres !
Mitch Altman partait du principe qu’il y avait toujours des écrans allumés partout dans l’espace urbain et que nous sommes soumis à la publicité en permanence. Il voulait donner aux gens un outil de contre-pouvoir permettant d’éteindre la télé quand ils n’ont pas envie de voir les pubs. On a fait le lien avec la scène d’Amélie Poulain quand elle veut embêter son voisin et triture l’antenne pour couper le match. Il y a vraiment un problème éthique dans cette Coupe du Monde, on voulait permettre aux gens de s’exprimer par rapport à ça » explique Dan Geiselhart, Co-fondateur et Directeur de la publication du fanzine Climax, pour La Relève et La Peste
Grâce à l’expertise de Thomas, chaque participant a pu concevoir sans problème sa télécommande pirate. Le tuto est aussi disponible dans leur dernier fanzine pour ceux qui veulent s’essayer à l’exercice, plutôt facile d’accès. L’ambition de Climax : faire parler de la gabegie de la Coupe autrement qu’avec des débats statistiques sur le nombre de morts. Le résultat : deux contre-soirées festives et participatives autour du foot.
Lors du premier match de la France pendant la Coupe du Monde, l’équipe de Climax a diffusé des vieux matchs, organisé des mini-stands de kermesse avec des stands de « tir au bruts » pour dégommer les sponsors de la coupe du monde, un bingo pour mettre à l’honneur les footballeurs et les professionnels du foot qui boycottaient. Un ballon de foot signé par les boycotteurs était le premier prix du bingo.
« Tout l’ADN de Climax c’est montrer qu’on peut être écolo, punk, cool et subversif. Boycotter c’est bien, mais on défend aussi l’idée que l’écologie n’est pas qu’une question de refus et de renoncement. On peut boycotter la Coupe du Monde sans rester seul chez soi, autant se retrouver, s’éclater et fabriquer un objet décalé » détaille Millie Servant, rédactrice en chef du fanzine Climax, pour La Relève et La Peste
« Lors des soirées, des participants nous disaient qu’ils avaient beaucoup de mal à boycotter, qu’ils étaient un peu à cran car ce sont de vrais fans de football, et la soirée leur permettait de les occuper de façon fun » renchérit Alexandre Leguen, journaliste du fanzine Climax, pour La Relève et La Peste
Reprendre le pouvoir sur la technologie
Un reportage du Parisien sur l’initiative a créé la polémique. Beaucoup de personnes ont réagi en clamant que ce n’est pas aux supporters de payer le prix de décisions dans lesquelles ils n’ont pas voix au chapitre. Dan Geiselhart a même reçu des messages de menaces, preuve que le sujet cristallise de nombreuses tensions.
« L’objectif, c’est plutôt d’éteindre la pub entre les matchs pour pénaliser les sponsors sans pénaliser les fans, tout en créant des espaces de discussion autour des dégâts de la Coupe du Monde au Qatar » rassure Millie Servant, rédactrice en chef du fanzine Climax, pour La Relève et La Peste
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Avec la numérisation de nos vies, les experts estiment que chaque individu est exposé en moyenne à plus de 10 000 messages publicitaires et commerciaux par jour. Renverser le contrôle que la technologie peut avoir sur nous a donc naturellement fait écho auprès de nombreux personnes qui ont sollicité l’équipe du fanzine Climax pour avoir eux aussi leur tuto de télécommande pirate.
« Avec elle, ils se sentent armés face au matraquage publicitaire qui nous suit de partout dans le métro, la rue, ou les bars : finalement ça tient qu’à un clic d’éteindre tout ça » résume Millie Servant, rédactrice en chef du fanzine Climax, pour La Relève et La Peste
A l’image de leur article « les petits gestes vont-ils nous sauver » (spoiler : non), l’équipe de Climax veut en finir avec la culpabilisation des individus et montrer que l’écologie est surtout un problème de système. Voici donc venue l’heure des choix de société.
A l’heure où le gouvernement prépare d’ailleurs la population à des pénuries en tout genre et des coupures d’électricité, il est intéressant de noter que ce soit l’écologie qui continue d’être pointée du doigt comme étant restrictive. Au contraire, le fanzine Climax veut prouver que l’écologie peut rendre nos vies plus désirables et plaisantes qu’avant : un pari qui joue sur les imaginaires et la façon dont on envisage nos vies.
Alors, est-ce qu’on continue à fermer les yeux sur tout ce qu’il se passe ou est-ce qu’on éteint la TV ?
En savoir plus : Le fanzine Climax a été fondé en mai 2021. D’abord sous forme de newsletter hebdomadaire pendant 1 an, le média est a également lancé un fanzine trimestriel papier. Né à la suite de « tech-trash », une newsletter offrant un contre-discours sur la propagande de la start-up nation et la tech, le fanzine Climax dénonce comment « le numérique va nous sauver » est devenu « la croissance verte va nous sauver« . Climax, comme La Relève et La Peste, fait partie du groupe de médias ayant participé à la création d’une charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique.
Crédit photo couv : Capture d’écran du Reportage de Le Parisien