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Bordeaux : 15 jours de prison pour un vol de nourriture…

15 jours de prison pour un paquet de saucisses, des beignets et une brosse à dent ; la nouvelle à de quoi révolter. D’autant plus quand le coupable, comme dans 26,9 % des cas signalés, est sans-papiers. Attention pourtant : la situation du vol à l’étalage en France possède de multiples facettes. L’histoire de Plata Il […]

15 jours de prison pour un paquet de saucisses, des beignets et une brosse à dent ; la nouvelle à de quoi révolter. D’autant plus quand le coupable, comme dans 26,9 % des cas signalés, est sans-papiers. Attention pourtant : la situation du vol à l’étalage en France possède de multiples facettes.

L’histoire de Plata

Il s’appelle Plata ; son visage entre deux âges fermé, il répond évasivement aux questions du procureur. Un message, cependant, est clair : « les droits de l’homme disent que tout individu a le droit de vivre où il se sent en paix. La France est ce pays pour moi ». Lundi dernier, cet homme à l’origine floue comparaissait au tribunal correctionnel de Bordeaux pour le vol « d’un paquet de saucisses de Strasbourg, d’un autre de chaussons aux pommes et d’une brosse à dent électrique ». Valeur estimée du préjudice : environ 20€.

Pourtant, Plata est poursuivi pour vol aggravé ; en effet, il a « dégradé » les produits au moment de son interpellation. En réalité, il a simplement essayé de les manger, preuve qu’il était affamé. Au terme de l’audience, son délit sera requalifié en vol simple, malgré son refus d’expliquer ses motivations au procureur. Il sera condamné à 15 jours de prison, sans poursuite additionnelles pour sa présence illégale sur le territoire français, car il n’a pas de papiers.

Le vol à l’étalage en France

La triste situation de Plata n’est pas isolée. S’il est impossible de recenser exactement les vols constatés (dans beaucoup de cas, la justice n’est pas saisie), le nombre de cas signalés à la police est connu : entre 2006 et 2011, selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, le nombre de vols à l’étalage signalés à la police est passé de 59 242 à 66 354. En réponse, certains supermarchés sont allés jusqu’à poser des antivols sur les produits les plus volés : on connaît le système sur les bouteilles d’alcool, mais il se trouve aussi sur les pièces de viande.

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Difficile pourtant d’identifier une cause unique à cette recrudescence : pour certains, comme Plata, c’est la nécessité qui pousse à voler ; pour d’autres, c’est comme un sport à risque, source d’adrénaline, ou même un simple amusement. Enfin, comme l’explique le sociologue Jean-Pierre Corbeau, une dernière catégorie agit dans une logique de bonus. Le vol de produit à forte valeur symbolique (les marques, ou la viande, marqueur social) est conçu comme un bonus dans un budget alimentaire devenu ajustable – à l’opposé de budgets devenus fixes comme la téléphonie ou l’accès aux produits culturels. Dans un inversement de la pyramide de Maslow, ces foyers décident de rogner sur la justice plutôt que sur leurs budgets.

Du côté des supermarchés, la réponse est tout aussi multiple. D’un magasin à l’autre, le recours à la police n’est pas toujours systématique. Une enquête de Rue89 décrit ces petits arrangements : certains font payer le double de la valeur des produits volés, d’autres établissent un seuil (100€, 300€) à partir duquel ils appellent la police ; d’autres, enfin, signalent le vol quand le coupable ne peut pas présenter de papiers d’identité. Seule constante, la peine encourue en cas d’arrestation : jusqu’à trois ans de prison et 45 000€ d’amende.

Dans les cas où le vol s’effectue par nécessité, il est le symptôme d’une société criblée d’inégalités, où l’image conduit les individus à des comportements extrêmes. Malgré les différences de revenus, nous faisons tous nos courses dans le même supermarché.

Beaucoup de cas par cas, donc, parfois condamnables (dans le cas où le vol est signalé parce que le voleur est étranger), parfois louables (la clémence n’est pas rare dans les cas où le vol relève de l’inattention, ou du réel besoin, et que l’auteur accepte directement de payer le montant dérobé). Fait méconnu, le voleur est dans de nombreux cas un employé du magasin, un phénomène appelé la « démarque inconnue » que l’on voit illustré dans le film La Loi du marché.

Image et inégalités

Dans les cas où le vol s’effectue par nécessité, il est le symptôme d’une société criblée d’inégalités, où l’image conduit les individus à des comportements extrêmes. Malgré les différences de revenus, nous faisons tous nos courses dans le même supermarché. La présentation sur l’étalage, ainsi que le marketing déployé autours de produits, attisent chez les plus démunis l’envie d’accéder aux marques et aux produits de « riches ». Ainsi, ceux qui refusent de demander de l’aide par dignité – trop soucieux de leur image – succombent au règne du symbole de la marque. Ironiquement, souligne Jean-Pierre Corbeau, ce sont les plus pauvres qui « ne consomment pas de manière saisonnière et achètent souvent moins de marques de distributeurs que les gens les plus aisés qui ne ressentent pas le besoin d’acheter des marques alimentaires pour ce qu’elles représentent ». Une constatation grave qui souligne l’importance du regard critique sur ses besoins dans un contexte économique saturé par les stratégies de marque et la création artificielle du besoin.

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Antoine Puig

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