Hier, BNP Paribas a annoncé dans un communiqué de presse qu’elle cessait « ses relations avec les acteurs dont l’activité principale est l’exploration, la production, la distribution, le marketing ou le trading de gaz et de pétrole de schiste et/ou de pétrole issu des sables bitumineux », et « le financement de projets majoritairement dédiés au transport et à l’exportation de gaz et de pétrole de schiste ou de pétrole issu des sables bitumineux ». La banque abandonne également le financement de projets d’exploration et d’exploitation de gaz et de pétrole en Arctique. Ce retrait donne bon espoir de voir d’autres grandes banques lui emboîter le pas.
Les banques, meilleures copines des hydrocarbures
« BNP Paribas, amie des énergies fossiles et sponsor de la COP21 ». C’est ainsi qu’est intitulé un article paru dans Libération en 2015, illustrant les contradictions internes du discours de la BNP et dénonçant le greenwashing dont elle fait massivement usage. En 2015, moins d’un mois avant la COP21, les Amis de la Terre et Oxfam publient un rapport qui met les banques françaises devant leurs responsabilités sous le titre assassin de « Banques françaises : quand le vert vire au noir ».
Ce rapport accuse les « banques fossilisées » de « financer les énergies fossiles dans des proportions bien supérieures et au détriment de leurs soutiens aux énergies renouvelables », preuves à l’appui : entre 2009 et 2014, les 25 premières banques internationales auraient financé les énergies fossiles à hauteur de 847 milliards d’euros (9,5 fois plus que dans les énergies renouvelables). La France est loin d’être en retrait sur cette question puisque les 15 plus grosses banques françaises seraient responsables d’environ 15% de ces investissements soit 129 milliards d’euros ! Sur le banc des accusés, trois banques principales : BNP Paribas, le Crédit Agricole et la Société générale qui à elles seules réunissent 118 milliards d’euros investis dans les énergies fossiles.
La BNP est classée 1ère banque française et 5ème banque mondiale au regard des investissements dans le secteur des énergies fossiles (applaudissements). Et c’était le sponsor officiel de la COP21.

Des ONG comme Oxfam ou les Amis de la Terre ont évidemment fait pression sur ces « banques fossilisées », leur demandant « qu’elles se réveillent et prennent la mesure de l’urgence climatique » selon les propres mots de Lucie Pinson, membre des Amis de la Terre. Et c’est une victoire qu’elles célèbrent aujourd’hui, une victoire qui fait espérer beaucoup plus mais qui est déjà un grand pas en avant. Avant la COP21 elles avaient mené diverses actions afin de dénoncer le greenwashing de la BNP.
En octobre 2015, 53 organisations écrivaient une lettre ouverte à Jean-Laurent Bonnafé, président directeur général de BNP Paribas, réclamant l’arrêt du financement de l’industrie du charbon. Cette demande était restée pour ainsi dire lettre morte.
Vincent Verzat – Partager c’est sympa
Rester vigilant sur l’importance de cette victoire
Un détail peut attirer notre attention à la lecture du communiqué de presse de la BNP. Pour ce qui est de la forme, tout y est : c’est vert, il y a des feuilles, on est copains avec la Terre maintenant, on a pris conscience qu’on avait pas été gentils mais maintenant c’est fini. D’accord. Mais on arrête le financement des acteurs dont « l’activité principale » se situe dans le domaine des hydrocarbures, de « projets majoritairement dédiés au transport et à l’exportation de gaz et de pétrole de schiste ou de pétrole issu des sables bitumineux ». Que cache ce « majoritaire » ? Dans un entretien accordé au Figaro, Jean-Laurent Bonnafé parle de 30%… Oups. Chassez le naturel et il revient au galop : encore du greenwashing ?
Peut-être pas entièrement car la BNP s’engage sans restriction sur certains points comme le non financement de projet d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures en Arctique, la réduction des financements accordés à l’industrie du charbon, l’objectif de financement des énergies renouvelables à hauteur de 15 milliards d’euros pour 2020, et des start-ups innovantes dans le secteur de la transition énergétique à hauteur de 100 milliards.
Un article des Echos alerte sur l’apparence spectaculaire de la nouvelle qui serait davantage de la poudre (d’aucuns diraient de la poudre de perlimpinpin) aux yeux. L’essentiel de la production de gaz de schiste est aujourd’hui concentrée aux Etats-Unis, et ils sont également devenus premier producteur mondial de pétrole. Or, cela fait déjà plusieurs années que la BNP recule dans ses investissements dans le secteur des hydrocarbures nord-américain.
Pour ce qui est du retrait de l’Arctique, qui contiendrait 13% des réserves de pétrole et 30% de gaz naturels mondiales, on ne peut en revanche que s’en féliciter. La prospection dans ce secteur n’est pas sans risques de marées noires et de pollution des eaux dont le coût environnemental serait absolument catastrophique.
Il reste que la BNP est la première banque mondiale à prendre ces engagements, même si le seuil de 30% évoqué par Jean-Laurent Bonnafé met un sérieux bémol à l’enthousiasme que l’on pourrait ressentir, il s’agit déjà d’une grande victoire pour le climat. Un immense merci aux associations qui se sont battues pour l’obtenir ! Et si vous voulez changer de banque ou obtenir des informations sur l’implication de la vôtre dans la protection (ou non) de l’environnement, cliquez ici pour accéder aux informations collectées par les Amis de la Terre.

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