Une plainte a été déposée hier (mercredi 28 juin 2017) à Paris par plusieurs associations mettant en cause le rôle de la banque française « BNP Paribas » pour « complicité de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre ». Selon les informations du journal « Le Monde » et « Radio France », cette dernière aurait financé un achat illégal d’armes au profit du gouvernement génocidaire en juin 1994.
Le génocide rwandais
Le génocide des Tutsis – une des deux ethnies majoritaires du Rwanda – est l’un des génocides les plus rapides et les plus meurtriers de l’histoire de l’humanité. D’avril à juillet 1994, plus de 800 000 personnes, principalement issues de la communauté Tutsi, ont été massacrées par le gouvernement Hutu. L’armée étatique était alors opposée au Front patriotique rwandais (le FPR) qui agissait en défense de l’ethnie Hutu. A l’époque, plusieurs Etats seront alors accusés de fournir des armes au gouvernement, dont l’Israël et la France. Certains tenants du génocide restent à ce jour encore obscurs, notamment en ce qui concerne les institutions ayant participé au financement et à la livraison d’armes pour le compte du gouvernement rwandais.
Un procès sans précédent
Plusieurs associations – l’association Sherpa, le « Collectif des parties civiles pour le Rwanda » et l’association « Ibuka » – ont dénoncé le rôle de la banque « BNP Paribas » dans une vente d’armes au gouvernement rwandais à l’époque du génocide. Ces accusations envers la BNP portent sur des crimes d’une gravité immense : complicité de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, soit les crimes les plus graves prévus par le droit pénal français et international.

De plus, au moment du génocide, le Conseil de sécurité des Nations Unies avait alors décidé la mise en place d’un embargo (résolution du 17 mai 1994) sur la vente d’armes au gouvernement rwandais afin de limiter les massacres des populations civiles. Il semblerait que cela n’ait pas arrêté la banque française qui aurait rendu possible une vente d’armes particulièrement désastreuse. Alors que toutes les autres banques européennes se refusaient à le faire, la BNP aurait autorisé un transfert de fonds complètement illégal et ainsi permis la livraison de plus de 80 tonnes d’armes – kalachnikovs AK-47, mortiers, munitions, grenades et obus – aux forces armées rwandaises. En effet, afin de procéder au payement, il fallait qu’une banque accepte de débloquer les fonds nécessaires – plus d’un million d’euros – et valide l’ordre de paiement du compte de la Banque nationale rwandaise vers celle d’un courtier d’armes suisse. Contrairement à toutes les autres banques européennes, bien conscientes de ce qu’impliquait ce transfert d’argent, la BNP semble être la seule à n’avoir pas pu résister aux sirènes du profit, qu’importent les vies humaines sacrifiées.
Une affaire inédite qui ouvre la voie à la reconnaissance de la responsabilité pénale des institutions financières
Ce procès, unique en son genre, ne vise non pas un responsable politique ou un Etat en particulier mais une société privée internationale (multinationale). Cette accusation est le fruit d’un travail acharné des associations qui se battent depuis des années pour « démêler les maillons d’une chaîne » et révéler tous les mécanismes qui ont permis à ce génocide atroce d’aboutir. Les associations se fondent sur un nombre impressionnant de textes et de rapports, dont des travaux du Tribunal pénal pour le Rwanda et des documents comptables de la Banque nationale du Rwanda. Des rapports de la Commission internationale d’enquête sur la violation de l’embargo sur les armes décidé par les Nations unies en 1994 ont également permis de conclure à la mise en cause de la BNP, ainsi que les travaux de l’ONG « Human Right Watch » datant de 1995.

Ces accusations contre la BNP s’inscrivent dans un contexte très particulier en termes de justice internationale. En effet, ce ne sont plus seulement les responsables directs des génocides et autres exactions commises contre les populations civiles mais également leurs soutiens financiers qui sont susceptibles de se retrouver sur le banc des accusés. Depuis l’avènement de la Cour pénale internationale, tous les acteurs ayant apporté un soutien matériel ou financier aux responsables directs de violence contre les peuples sont susceptibles d’être condamnés pour complicité lors d’un génocide ou de crimes de guerre. Selon un rapport commandé par Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations unies « les grandes entreprises et de leurs dirigeants font face à une responsabilité croissante, tout particulièrement dans les zones de conflits où se commettent les pires crimes internationaux ».
Cette plainte – unique en son genre – a pour but de mettre sur le devant de la scène la possible responsabilité des institutions dans les guerres et génocides les plus meurtriers de la planète. Toutes les guerres, les brutalités commises envers les populations, toutes les violations orchestrées des droits de l’Homme doivent être financées par une personne ou une institution. Il est urgent de reconnaitre la responsabilité de ces institutions et de condamner ceux qui financent les violations de droits de l’Homme.
L’implication française dans le génocide rwandais reste floue…
De manière générale, l’implication française dans le génocide rwandais reste très floue et de nombreuses voix s’élèvent pour que la part de responsabilité de chacun soit mise en lumière. En effet, la revue XXI a récemment publié les révélations d’un haut fonctionnaire de l’Etat français qui affirme que la France aurait livré des armes aux combattants rwandais lors du génocide. Une nouvelle révélation, publiée dans le numéro spécial du journal « Nos crimes en Afrique » qui reprend toutes les casseroles françaises sur le continent africain. En 2004 déjà, des divulgations laissaient planer le doute sur la participation de l’Etat français au génocide rwandais. Dans « L’Inavouable », Patrick de Saint Exupéry (Les Arènes, 2004) mettait en cause le rôle de la France qui aurait livré des armes aux autorités rwandaises et affirme aujourd’hui que la France aurait réarmé les belligérants en toute connaissance de cause.

Pour commander notre Manifeste, cliquez sur l’image !