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Bayer-Monsanto : l’UE enquête face aux dangers d’un monopole sur toute l’alimentation humaine

Annoncée depuis près d’un an, la gigantesque opération de rachat de l’américain Monsanto par le mastodonte de la chimie Bayer attend toujours l’aval de la Commission européenne. Inquiète d’une possible situation de monopole, cette dernière a ouvert mardi dernier une enquête approfondie sur la transaction. Un nouveau casus belli entre l’exécutif européen et le secteur […]

Annoncée depuis près d’un an, la gigantesque opération de rachat de l’américain Monsanto par le mastodonte de la chimie Bayer attend toujours l’aval de la Commission européenne. Inquiète d’une possible situation de monopole, cette dernière a ouvert mardi dernier une enquête approfondie sur la transaction. Un nouveau casus belli entre l’exécutif européen et le secteur de l’agrochimie, véritable cas d’école de la guerre entre pouvoirs publics et influences privées.

Mesure anti-monopole

Officiellement, la Commission européenne s’inquiète de la trop grande concentration dans le secteur des semences et des pesticides, et « craint que la concentration ne réduise la concurrence dans des domaines tels que les pesticides, les semences et les caractères agronomiques ». En effet, l’opération à 66 milliards de dollars, donnerait naissance à « la plus importante entreprise intégrée du monde dans les secteurs des pesticides et des semences », remarque l’instance européenne dans un communiqué.

Possédant la mainmise sur l’intégralité des produits utilisés dans l’agriculture (de manière schématique : les semences à planter et les produits pour les faire pousser), le conglomérat Bayer-Monsanto représente un risque pour le libre-échange en Europe, ainsi qu’un pied-de-nez à l’efficacité de la régulation européenne. Pour la commissaire à la concurrence européenne, Margrethe Vestager, le rachat doit s’effectuer sous le contrôle rigoureux de la Commission, pour que « les agriculteurs et les consommateurs aient le choix entre différentes sortes de semences, qu’ils ne soient pas coincés par un seul producteur et un seul genre de pesticides ».

En effet, de telles opérations s’effectuent en temps normal conformément aux conditions posées par l’exécutif européen, comme cela a notamment été le cas pour deux grosses opérations dans le même secteur : le rachat de l’entreprise Syngenta (tristement célèbre pour des pesticides comme l’atrazine) par le chinois ChemChina (43 milliards de dollars) et le rapprochement entre Dow et Dupont en mars dernier. Dans les deux cas, les entités concernées s’étaient engagées à vendre certaines de leurs activités en Europe pour éviter une situation de monopole.

Tous concernés

Mais derrière le rideau de ces raisons officielles se cachent des risques plus critiques, et bien plus effrayants : en premier lieu, l’avocate et ancienne ministre de l’environnement Corinne Lepage pointe le contrôle de l’alimentation européenne par une seule entreprise aux pratiques parfois douteuses : « c’est une menace pour la communauté des humains parce que cela veut dire que vous mettez les semences dans les mains de 3 grands groupes absolument colossaux. Cela revient à leur confier toute l’alimentation humaine », s’inquiète-t-elle dans un entretien avec RTBF.

S’ajoutent à ce risque des facteurs environnementaux et de santé : bien connu pour son pesticide à base de glyphosate, le Roundup, Monsanto produit et commercialise des substances hautement nocives pour l’homme et la nature, comme nous l’évoquons régulièrement dans nos lignes. En situation de monopole européen, Monsanto pourrait continuer impunément à vendre un produit reconnu dangereux : « on connaît bien tous les aspects environnementaux problématiques du Roundup et d’OGM de Monsanto. Ça fait des années qu’on sait, qu’ils ne sont pas très regardants », témoigne Mme Lepage.

Lobby sans vergogne

Car ici comme dans l’affaire du glyphosate, la puissance du lobby agro-alimentaire est capable d’écraser les institutions européennes. Dans cette affaire, ne reculant devant rien, les industriels comme Monsanto sont parvenus à paralyser la Commission européenne : du fait de l’abstention de sept pays, dont l’Allemagne, le glyphosate est encore autorisé en Europe, et ce jusqu’à fin 2018.

Les pratiques douteuses (faux scientifiques, intimidations) de Monsanto ont été plusieurs fois dénoncées (comme nous l’expliquions dans un article), notamment par un tribunal informel – le tribunal Monsanto – qui s’est tenu en avril à la Haye, soulignant « la non-conformité du comportement de Monsanto par rapport aux règles de droit international public et privé, qu’il s’agisse du droit à la liberté pour les agriculteurs, du droit à la recherche pour les scientifiques ou du droit à la santé et à l’environnement ».

La responsabilité qui pèse sur les épaules de la Commission chargée de l’enquête sur la fusion est donc lourde, car d’elle dépend le sort de l’agriculture européenne, mais aussi la sauvegarde de l’autorité du régulateur public face à des géants privés. Comme le résume le président du PS, Elio Di Rupo, l’enjeu tient en une question : « peut-on accepter que notre alimentation soit ainsi laissée dans les mains d’entreprises privées internationales, plus puissantes que nombre d’États de la planète ? »

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Antoine Puig

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