En 2018, ce seront seulement 200 000 contrats aidés qui seront financés par le gouvernement sur tout le territoire français, soit une baisse conséquente par rapport à 2017, avec un objectif de 320 000 à la fin de l’année. Une mesure qui n’est pas absurde mais ressentie comme « brutale » par les associations et collectivités locales (ainsi que leurs employés), qui bénéficient de ce dispositif.
Vitesse supérieure
« Nous voulons progressivement réduire le nombre des contrats aidés et développer la formation », avait déclaré le premier ministre, Edouard Philippe, lors de l’émission « Questions politiques » du 3 septembre dernier. Depuis, cette tendance a été confirmée avec un « plan social » prévu de près de 150 000 contrats aidés d’ici fin 2018. L’objectif annoncé est de mettre fin à un dispositif « trop coûteux » et « peu efficace » en termes d’insertion professionnelle.
Pour rappel, un contrat aidé est un emploi dont le financement est partagé entre l’employeur et l’Etat (en général à hauteur de 50%), permettant à des organismes aux ressources modestes (associations, établissements scolaires) de maintenir un niveau de personnel efficace. De fait, plus des trois quarts des contrats aidés se trouvent aujourd’hui dans le secteur non marchand, finançant des emplois d’éducateur, de surveillant, d’accompagnateur d’enfants handicapés ou encore d’infirmière.
Prévue par le gouvernement de François Hollande, qui a longtemps reculé sur la question en rallongeant les crédits consacrés au dispositif, la mesure de réduction drastique des contrats ne sera pas retardée par le nouveau gouvernement. Les raisons invoquées par M. Philippe sont simples : le système est trop coûteux par rapport à ses bénéfices en termes d’emploi stable, et il entretient une situation de précarité financière pour ceux qui en bénéficient (un contrat aidé est à durée déterminée, il se veut un tremplin vers un autre emploi régulier) : « ces contrats sont en réalité des contrats précaires subventionnés par l’Etat, donc le contribuable », arguait le premier ministre au micro de Franceinfo au début du mois.
Former plutôt qu’aider
L’intention du gouvernement est de remplacer ce dispositif d’aide à l’embauche par plus de formation, une méthode estimée plus sûre et plus durable que « l’aubaine pour les employeurs » que seraient les contrats aidés. Une logique qui n’a rien d’absurde en ces temps d’embellie économique, selon l’économiste Bertrand Martinot, qui avance que « la reprise est bel et bien là, et le rapport coût-bénéfice penche clairement en faveur du coût. De multiples études ont montré que les personnes qui passaient par des contrats aidés n’étaient pas mieux insérées dans le marché de l’emploi par la suite ». En effet, les chiffres avancés par le gouvernement font état d’un taux d’insertion professionnelle réussie au terme du contrat de 25% pour le secteur marchand, et de 60% pour le secteur non marchand.
C’est aussi pour cela que le gouvernement compte supprimer progressivement les contrats aidés dans le secteur marchand, l’objectif de 200 000 contrats à la fin de l’année 2018 concernant uniquement le secteur non marchand, avec une priorité pour l’accompagnement des enfants handicapés, l’Outre-mer et les secteurs d’urgence sanitaire et sociale. Prudent, le gouvernement ne veut pas toucher à des secteurs d’activité symbolique comme ces derniers ; M. Philippe, interpellé sur le cas des Restos du Cœur à Grenoble, qui ont déclaré ne plus pouvoir servir de repas suite sans leurs emplois aidés, a assuré que cela « ne correspond pas aux orientations fixées par le gouvernement » et sera « réglé le plus vite possible ».

Crédits : MARTINIQUE1ERE / Mobilisation en Martinique le jeudi 14 septembre
Pour qui sonne le glas
Pourtant, dans beaucoup de secteurs d’activité non marchands mais tout de même touchés par les suppressions, la révolte gronde. C’est notamment le cas dans le milieu scolaire, qui a massivement recours aux contrats aidés pour recruter des éducateurs, des surveillants et du personnel de cantine. « On est au bord du précipice », témoigne Camille Moncla, conseillère principale d’éducation d’un lycée de Seine-Saint-Denis, obligée de gérer 1 300 élèves avec seulement deux surveillants suite au non-remplacement de deux démissionnaires.
Sur l’ensemble de l’académie de Créteil (qui regroupe les départements 94 et 93), ce sont 1 000 contrats qui vont disparaître d’ici la fin de l’année, avec pour conséquence un suivi moins rigoureux du parcours scolaire des élèves : « certains se déscolarisent petit à petit, alors que si on prend le temps d’organiser une commission éducative, de trouver un adulte référent, on peut rattraper des élèves », déplore Anaïs Florès, professeure d’histoire-géographie.
Même son de cloche dans le milieu associatif. Charles, 69 ans, qui dirige bénévolement l’association multiloisirs intercommunale à Gouy-sous-Bellonne (Pas-de-Calais), offrant aux habitants de la région services de garderie, colonies de vacances et centres de loisirs, n’y va pas par quatre chemins : « la fin des contrats aidés, c’est la mort de notre association ». En effet, il compte dans ses effectifs trois fois plus de contrats aidés que de CDI classiques ; sans ces derniers, il devra mettre la clé sous la porte, et ses employés devront retourner à Pôle emploi. Car les contrats aidés ne bénéficient pas seulement aux petites structures : pour beaucoup d’employés peu diplômés, c’est un tremplin vers une activité régulière, le graal de la « première expérience professionnelle » si souvent demandée par les employeurs.
A Paris, les contrats aidés marchent
Dans une tribune publiée sur Le Monde, des employés de la ville de Paris prennent l’exemple de la capitale pour souligner l’efficacité du dispositif. Avec plus de 5 500 contrats aidés (tous employeurs confondus) sur le territoire, Paris est une aubaine pour les personnes éloignées de l’emploi (chômeurs de longue durée, seniors, jeunes peu qualifiés, habitants des quartiers prioritaires), qui peuvent retrouver une situation stable après quelques mois en contrat aidé.
Citant ses chiffres, la Ville de Paris déclare que sur les quelques 2 500 contrats aidés signés dans les trois dernières années, 485 personnes ont déjà accédé à l’emploi durable. En conclusion de leur tribune, les auteurs déplorent la soudaineté et la violence de la mesure : « le gouvernement choisit supprimer ces postes immédiatement, sans concertation. Il ne laisse pas aux salariés la possibilité d’anticiper les suites possibles pour leur parcours professionnel, pas plus qu’il ne laisse aux associations le temps nécessaire d’une réorganisation face à un tel choc (…) cette brutalité est inédite ».
Crédit photo couverture : PHILIPPE HUGUEN / AFP

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