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Aux Philippines, une écoville éradique des autochtones et leur territoire

Aux Philippines, la construction d’une ville verte et intelligente est en cours. New Clark City se nommait d’abord dans le projet Clark Green City, mais un changement de nom a été envisagé pour favoriser les investissements.

Quand nous rejoignons une marche pour le climat, quand nous cliquons sur des images montrant les présidents américain, brésilien ou le premier ministre australien nier la réalité, nous sommes bien confortablement assis dans nos certitudes : dans la lutte pour la protection du vivant, il y a d’un côté les gentils qui alertent, qui militent, qui défendent, qui plantent, qui sauvent. Et de l’autre, les fous obsédés par la croissance et le gain, qui appuient sur l’accélérateur de la destruction de la planète. La réalité est bien sûr plus complexe, et certains conflits dont on parle moins nous le rappellent. 

L’écologie n’appartient plus qu’à un groupe de militants. Elle est aussi un projet électoral pour nombre de gouvernants, un nouveau marché à conquérir pour les investisseurs, le nouveau visage du capitalisme de demain pour beaucoup de jeunes entrepreneurs. Alors sur son passage, elle emporte parfois les acteurs qui, depuis la nuit des temps, pratiquent la résilience et le respect du vivant. 

Crédit photo : JAY DIRECTO / AFP – Les Aeta, peuple autochtone des philippines

Aux Philippines, la construction d’une ville verte et intelligente est en cours. New Clark City se nommait d’abord dans le projet Clark Green City, mais un changement de nom a été envisagé pour favoriser les investissements. Presque la moitié des 9 450 hectares prévus seront verts. Les autorités prévoient une capacité d’accueil de 1.2 millions de personnes. Dans ce pays particulièrement exposé aux typhons, inondations et tremblements de terre, cette ville se veut à la pointe des technologies préventives. De grandes parties de la ville seront uniquement piétonnes et un plan massif de transports collectifs est prévu pour limiter l’utilisation de la voiture. Les bâtiments seront conçus pour limiter la consommation d’énergie, et les infrastructures publiques utiliseront de l’énergie renouvelable. De quoi nous faire rêver. Sauf que… 

Dans d’autres colonnes de presse, un autre récit tente de se faire entendre. L’anthropologue Noreen Sapalo, qui travaille sur la contre-cartographie du territoire où va se construire la cité. La contre-cartographie est le processus par lequel des autochtones se réapproprient les techniques utilisées par les États pour revendiquer leurs propres droits à la terre. De nombreuses communautés autochtones sont expulsées ou restent dans l’expectative, voyant leurs repères complètement bouleversés par la bétonisation.

L’anthropologue décrit les centaines d’arbres abattus, les ruisseaux asséchés, une montagne qui s’affaisse à vue d’oeil. Des fermiers ont vu les champs de riz où ils cultivaient devenir des routes. De leur côté les peuples pastoraux comme les Aeta, dont l’existence est basée sur la variation des plantations — ils décident de s’installer ici ou là, de faire des plantations sommaires et d’installer leur bétail selon les variations des saisons — ont un jour vu la montagne devenir « Territoire interdit ». Les autorités leur ont laissé un petit territoire où s’entassent différentes communautés.

Crédit photo : JAY DIRECTO / AFP – Les Aeta, peuple autochtone des philippines

Le géographe Andre Ortega a comparé plusieurs cartes satellites avant le début des travaux et pendant. Il montre entre autres que les espaces verts ont diminué, ce à quoi on ne pouvait échapper dans le cadre de la construction d’une ville, et que deux rivières ont été détournées pour alimenter la rivière qui passera par New Clark City, mettant en péril le fragiles écosystèmes de ces rivières. Red Constantino, directeur de l’Institut pour le Climat et pour les Villes Durables (Institute for Climate and Sustainable Cities), rappelle qu’« une ville véritablement résiliante ne se contente pas de bien gérer ses ressources. Elle inclue les plus vulnérables »

Jane Goodall, dont le programme pour la jeunesse Roots and Shoots encourage les jeunes à lancer des initiatives locales de protection du vivant, a toujours insisté sur la nécessité de travailler en lien avec les populations locales et non contre elles, faisant de cette nécessité un des principes de base de ce programme. Un bon sens où le projet humain sert le vivant et non l’inverse. 

Crédit photo à la une : JAY DIRECTO / AFP

Sarah Roubato

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