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RSI et congé maternité : une mise en précarité ordinaire…

Toutes les mères françaises ont vécu l’ouverture de ce courrier administratif, à la fois banal et réconfortant : celui de l’Assurance Maladie, décrivant le « parcours d’assurée social » que va vivre la future (et !) heureuse maman.  Des recommandations pour prendre soin de soi et pour planifier la venue du nouveau-né à venir.

On y trouve notamment un agenda de la prise en charge du congé maternité. Celle-ci vient donc en relai du salaire ou de l’allocation de chômage de l’assurée et sera donc son unique ressource pendant cette période de « repos ».

Aaah, le congé maternité, cette parenthèse à la fois angoissante et enchantée où de nombreuses étapes et émotions s’enchevêtrent : fatigue, évidemment, allaitement aléatoire, cicatrisations hasardeuses, corps traumatisé, accès dépressifs… et évidemment la joie, suprême, d’accueillir un nouveau-né.

Chaque foyer prépare ce moment avec soin : achats de puériculture, lectures d’ouvrages spécialisés, recueil de conseils plus ou moins désirés… et évidemment, personne ne souhaite se retrouver brutalement privé de ressources lors de ce moment si « magique ».

C’est pourtant l’objet de la mésaventure d’Ambre, 34 ans, qui a reçu ce courrier si rassurant mais qui s’est retrouvée à la naissance de sa petite fille bénéficiaire d’une généreuse allocation de repos maternel de 326,90€ pour 3 mois de repos. Ambre, salariée pendant plus de 10 ans au sein d’agences de communication, Ambre qui quitte un poste prenant de chef de projet en avril 2017 et qui tombe enceinte dans la foulée après une longue attente – un scénario devenu classique pour de nombreuses femmes stressées souhaitant procréer.

Ambre qui a un statut d’auto-entrepreneur dormant depuis 2011 et qui se retrouve affiliée au RSI, régime honni par une grande majorité de ses cotisants, et qui en subira les conséquences.

Nul besoin de se perdre en calculs pour conclure : non, cette somme ne règle pas de quoi se nourrir et se loger décemment. Non, le montant de cette somme peut être vécu comme un camouflet par une femme qui vient de vivre un moment certes extraordinaire, mais qui n’a pas encore trouvé de baguette pour payer ses factures sans revenus. Non, une femme n’a pas forcément un conjoint fortuné pour la soutenir financièrement.

Comment expliquer cette véritable mise en précarité ?

Les experts Ameli bottent en touche (à lire leurs réponses sur leur forum) mais en cherchant un peu, on trouve la réponse : depuis un décret datant de février 2017 et signé par Manuel Valls, les « cotisants » dont les revenus annuels n’excèdent pas 10% du plafond annuel de la Sécurité sociale voient leurs allocations de repos maternel divisées par 10. Tout simplement.

Pour Ambre, l’impact de cette allocation est plutôt massif : un crédit de 6000 euros contracté le mois après l’accouchement, 2 jugements dont un appel, X euros de frais d’avocats et pas mal d’insomnies.

Comment expliquer le manque d’informations sur le sujet, sachant que de nombreuses personnes ont le statut d’auto-entrepreneur en soutien de leurs salaires ? Que l’employabilité des femmes de plus de 30 ans reste toujours aussi incertain ?

Être précarisée à la suite d’un accouchement n’est pas normal. Devoir choisir entre la possibilité d’une mission rémunérée et un congé maternité correctement indemnisé n’est pas normal.

Nous connaissons, ou du moins essayons de connaître toutes nos droits ; mais si ceux-ci sont modifiés à la suite d’un obscur décret, nous nous devons d’être informées ou prévenues. Ambre aurait pu faire valoir son droit d’option, supprimer son statut d’auto-entrepreneur ou tout simplement anticiper ce manque à gagner.

Le projet d’un congé maternité unique, promesse du quinquennat, est reporté à 2019.

Pourtant, il apparaît urgent de combler ce gouffre entre les droits des salariées et les entrepreneuses. Et de mieux accompagner toutes celles qui se trouvent dans cette zone grise, toutes ces femmes qui ont la majeure partie de leur vie à cotiser au régime général et qui ne peuvent bénéficier de leur congé maternité à taux plein à la suite d’une ou deux malheureuses factures d’auto-entrepreneuses.

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