Fondée en 1968 par une gourou française (la Mère), la cité idéale d’Auroville au sud-est de l’Inde est toujours debout mais peine à réaliser pleinement l’idéal rêvé par ses fondateurs. Mais alors qu’en est-il aujourd’hui de cette utopie que la Mère définissait comme « un endroit inaliénable, un endroit qui n’appartiendrait à aucune nation, un lieu où tous les êtres de bonne volonté, sincères dans leurs aspirations, pourraient vivre librement comme citoyens du monde…» ?
Fondations
Pendant les années 60, les mouvements hippies, idéalistes, ou simplement pacifistes battent leur plein en Occident. Cette jeunesse qui ne se reconnaît pas dans la société de ses parents se réfugie dans les pensées orientales mystiques ou encore dans des mouvements politiques ou culturels alternatifs. C’est dans ce mouvement généralisé qu’a pu naître le projet de Mirra Lfassa, qui deviendra plus tard « la Mère ». Avec son compagnon, Sri Aurobindo, qui est un penseur, poète indien et inventeur du yoga intégral, ils ont décidé de créer cette cité idéale qu’avait eu la Mère en vision. Ils posent donc pied à une dizaine de kilomètres de Pondichéry et rédigent la « charte d’Auroville » qui donne deux bases fondamentales à l’utopie : la ville n’appartient à personne sinon à l’humanité toute entière, chacun y est libre mais doit s’engager à servir « la conscience divine ».

Une forme de communisme religieux
La charte donne aussi aux habitants d’Auroville les droits et les devoirs pour vivre dans cette cité idéale. D’abord, bien sûr, l’argent est banni de la cité ou du moins il n’a que très peu d’importance. En effet, l’éducation, la santé, la culture et le sport sont gratuits et les Aurovilliens dispose d’un « compte virtuel » constitué à la fois de la « maintenance » mensuelle de 5 000 roupies (environ 74 euros) donné par l’administration, et du fruit de leur travail. Les résidents doivent s’autofinancer en travaillant au sein de la cinquantaine d’unités de production qui gèrent les produits bio, encens, bougies, poteries ou encore l’hébergement des visiteurs. Ensuite, le plan urbanistique lui-même voulait être au cœur de l’utopie. Conçu par un architecte français, Roger Anger, la cité a été conçue sur le plan (nommé « Galaxie ») d’une spirale galactique constituée de 4 zones de 25km2 réparties par fonction : une zone culturelle, industrielle, internationale et résidentielle. Au centre de cette spirale on trouve le Matmandir, immense sphère recouverte de feuilles d’or qui est le temple dédié à la méditation et à la « conscience divine ».
Apporter à la communauté ce qu’on aime faire
Mais alors quelles sont les conditions pour participer au déploiement de cette cité idéale ? Apparemment rien de bien compliqué : « On fait sa demande en précisant ce que l’on sait et aime faire. La communauté tente de faire matcher ça avec les postes à pourvoir et ils vous font des propositions. En échange de votre travail, vous avez un toit, des repas et des activités gratuites – les cours de yoga et thérapies sont néanmoins à votre charge. » Pour devenir Aurovillien il faut déjà faire une période de volontariat (entre 3 mois et un an) où vous devez vivre pleinement à Auroville pour être sûr de vouloir vous engager définitivement dans la communauté et devenir un « newcomer ». Toutefois, Auroville ne « finance » pas cette période d’essai, et donc vous devez être en mesure de vous payer un logement pendant toute la période avant de pouvoir profiter des avantages de la cité. Environ 20 volontaires deviennent Aurovilliens chaque année, venant se rajouter aux 2 500 habitants de 52 nationalités différentes.

Où est l’aura d’Auroville ?
Si le projet d’Auroville semble en tout point répondre au schéma d’une société idéale, elle a pu également être critiquée pour ses airs de secte ou encore pour ses inégalités prétendues, d’après ce dont témoigne un internaute : « un vrai ghetto où seuls les Indiens bossent dans les champs et les blancs se paradent en scooter ». Difficile de déceler le vrai du faux, puisque la plupart de la ville est inaccessible aux touristes et cachée par une végétation assez dense. De plus, Auroville semble avoir perdu de son aura aujourd’hui puisque les jeunes sont de moins en moins nombreux (ne serait-ce que par rapport aux années 60-70) et que la ville est loin d’avoir atteint les 50 000 habitants que la Mère prédisait ou encore d’avoir réalisé le plan urbanistique.
Peut-être qu’Auroville répond à son temps propre, loin de la course effrénée de nos sociétés modernes, et qu’elle pourrait encore nous surprendre.

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