Francia Márquez vient de recevoir le Goldman Environmental Prize. Figure forte de la communauté afro-colombienne, la jeune femme a organisé un mouvement pour stopper l’orpaillage illégal sur les terres de ses ancêtres.
« J’y ai nagé, pêché, travaillé à la mine. On dit que c’est le seul espace qui nous permet d’être heureux. »
C’est l’histoire d’une jeune femme née dans une communauté de descendants d’esclaves africains. Son village se trouve dans la région du Cauca, en Colombie. Ses habitants tirent une grande partie de leurs ressources de la rivière Ojevas.
À 13 ans, Francia Márquez voit arriver dans ses montagnes des paramilitaires puis des multinationales, attirés par l’exploitation minière à grande échelle. Elle commence à lutter contre eux. Puis le gouvernement demande à la communauté de La Toma de quitter leurs terres. Elle décide alors d’entreprendre des études de Droit et monte un recours en justice auprès de la Cour constitutionnelle colombienne.
« Au nom du développement, la majorité des rivières de ce pays sont contaminées au mercure et au cyanure. »
En 2014, une douzaine de pelleteuses détruisent la montagne où vit Francia, pour extraire de l’or en toute illégalité. À 32 ans, elle organise alors la « Marche des turbans ». 80 femmes de La Toma parcourent à pied les 350 km jusqu’à Bogotá, la capitale, pour porter leur revendication : l’arrêt des exploitations illégales qui détruisent leurs terres. Après de nombreux mois de lutte, le gouvernement accepte de stopper les mines et fait détruire les pelleteuses.
En Colombie, l’orpaillage illégal est un problème majeur. 80 % de l’or y est exploité illégalement, avec des impacts dévastateurs sur l’environnement. Déforestation, contamination des sources d’eau… On estime que 30 tonnes de mercure sont déversées chaque année dans les rivières et les lacs de la région de l’Amazone. Les poissons sont contaminés, et avec eux les populations vivant au bord des fleuves, jusqu’à 400 km en aval.
« On nous a appris que la dignité n’a pas de prix, à aimer et valoriser notre terre comme lieu de vie, à se battre pour cela, quitte à risquer notre propre vie. »
Aujourd’hui, Francia est menacée de mort. Pour protéger ses deux fils, elle a dû fuir son village.
« Je vis dans la crainte permanente. Je regarde toujours derrière moi. J’ai dû me réfugier à Cali, une ville que je n’aime pas, loin de ma famille et de mes montagnes. »
Des accords de paix ont été signés entre le gouvernement et les Farc en novembre 2016. Mais les luttes pour la protection de l’environnement et des territoires autochtones font face à une vague de violence. Les chiffres des autorités colombiennes font état de plus de 282 assassinats de leaders sociaux depuis 2016.
« Nous allons changer ce modèle économique mortel pour construire un modèle économique qui garantisse la vie. »
En 2018, à 36 ans, Francia s’est vu décerner le Goldman Environmental Prize. Elle est un symbole non seulement pour la communauté afro-colombienne, mais pour les militants écologistes du monde entier.
« La lutte est dans mes gènes, la lutte de mes ancêtres, des esclaves. J’ai senti que je devais le faire pour honorer leur mémoire. Ils se sont battus pour cette terre, pour notre liberté. Nous avons la responsabilité de sauvegarder cet héritage, pour ma famille et pour les générations futures, afin qu’elles puissent vivre en paix et dans de meilleures conditions que nous. »