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Arrêtons d’être pessimistes ! Vive l’optimisme réaliste et l’altruisme efficace

Le réflexe commun, pour échapper à la noirceur apparente du quotidien, est de se réfugier dans la fiction : on se nourrit de mondes imaginaires grandioses, ou de scénarios « feel good » à la sauce Intouchables pour atténuer la déprime du réel.

Les messages négatifs nous entourent et nous assaillent : l’humanité part à vau-l’eau. Qu’en est-il en réalité ? Nombreux sont ceux qui veulent croire en l’amélioration de la condition humaine pour fonder une philosophie d’action joyeuse, optimiste mais réaliste.

Un climat négatif

A en croire les gros titres, les scientifiques ou même les bruits de couloir du quotidien, la France – et le monde – va mal, très mal. Sur des sujets aussi variés que la violence, les inégalités, le réchauffement climatique ou la santé, les oiseaux de malheur se multiplient pour annoncer à l’espèce humaine l’avènement de l’apocalypse. Dans le monde occidental, c’est d’ailleurs un avis partagé : en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne, seuls 3 à 4 % de la population pensent que le monde est en bonne voie.

Un progrès indéniable

Pourtant, tout ne va pas mal. Les Français, incorrigibles anxieux, déclarés champions toutes catégories du pessimisme, ont largement tendance à noircir le tableau, selon plusieurs articles du Monde. Plus largement, malgré un climat défaitiste dominant – abondamment entretenu par les candidats à la présidentielle, qui l’utilisent pour gagner des voix – l’état du monde aujourd’hui n’a rien à envier aux décennies, voire aux siècles précédents.

Crédit Photo : MI PHAM

De nombreux scientifiques et essayistes se sont ainsi récemment livrés à un exercice de comparaison. Parmi eux le suédois Johan Norberg, dans son ouvrage Progrès, dix raisons de nous tourner vers le futur (non traduit), démontre que depuis le XVIIIème siècle l’état de l’humanité s’est grandement amélioré : nous vivons indéniablement plus longtemps, nous sommes plus riches, plus éduqués, plus égaux et mieux entendus par nos dirigeants.

Les coulisses du pessimisme

Pourquoi, alors que tout semble aller mieux qu’avant, doutons-nous autant des lendemains ? Les raisons sont multiples.

La première cause, universellement pointée par les défenseurs de l’optimisme, est le prisme réducteur et parfois catastrophiste des médias : analysant le temps court, celui de l’information, et se concentrant sur les « trains qui arrivent en retard » plutôt que sur ceux qui arrivent à l’heure, les médias ont tendance à nourrir un sentiment général négatif, sans témoigner de l’amélioration sur le long terme.

A cela s’ajoute un fort biais cognitif humain : l’homme, par nature, utilise la peur et l’inquiétude comme « outils de survie », comme moyens d’être constamment sur ses gardes – même si ce n’est plus nécessaire dans le monde civilisé. Difficile, de plus, d’échapper à une glorification du passé : le fameux « c’était mieux avant » est en fait issu d’un biais biologique, « l’effet de positivité », qui nous conduit à lisser le passé des mauvais souvenirs pour ne garder que les bons. A l’inverse, les évènements horribles, parce qu’ils nous préoccupent plus au moment où ils surviennent, nous paraissent de plus en plus récurrents.

Les oiseaux de bonheur

Le réflexe commun, pour échapper à la noirceur apparente du quotidien, est de se réfugier dans la fiction : on se nourrit de mondes imaginaires grandioses, ou de scénarios « feel good » à la sauce Intouchables pour atténuer la déprime du réel.

Crédit Photo : Valeria Zoncoll

Pourtant, de nombreux prophètes de bonheur insistent sur le positif qui nous entoure : c’est le cas de Jacques Lecomte, un psychologue français auteur du rassurant Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez ! dans lequel il expose posément les mille et une raisons que nous avons de croire, si ce n’est en l’avenir, du moins en notre présent. Le message est simple, mais très documenté :

« L’humanité va mieux. Deux milliards de personnes ont échappé à la famine, plus d’un milliard ont évité la grande pauvreté, le paludisme a massivement baissé avec une mortalité ayant diminué de 60 % entre 2000 et 2015 ».

Il n’est pas le seul à s’émerveiller du réel. Tandis qu’aux Etats-Unis le psychologue Steven Pinker montre point par point comment la violence a diminué de façon globale (entre les nations, les groupes, les individus), d’incorrigibles optimistes font l’inventaire dans le documentaire Demain des solutions créatives et prometteuses élaborées partout dans le monde pour faire face aux défis environnementaux et sociaux du XXIème siècle.

Un fondement : la psychologie positive

Derrière ces initiatives se cache une façon de penser commune, qui relève de la psychologie positive. Cette branche de la psychologie, dont Jacques Lecomte est le spécialiste français, cherche à dédouaner la discipline du seul champ d’étude des troubles et problèmes humains, pour l’étendre à ce qui rend les hommes « résilients, heureux, optimistes ».

Avec ses trois niveaux d’étude (le niveau personnel, siège des émotions positives et du sens de l’existence ; le niveau interpersonnel, celui de l’empathie et de la gratitude ; et le niveau social, lieu de la justice et de la paix), cette école de la psychologie a donné naissance à la posture optimiste décrite plus haut, qui veut voir le progrès dans son ensemble, et se concentrer sur les solutions plutôt que sur les problèmes.

Gare à l’optimise aveugle

Méfions-nous, pourtant, d’un optimisme aveugle tendant à la naïveté qui occulterait la réalité des problèmes de l’année en invoquant de grandes tendances des siècles précédents. En termes fleuris, ne soyons pas comme Brian, héros des Monty Python qui, crucifié et certain de sa mort prochaine, chante « prenez toujours la vie du bon côté ».

Crédit Photo : Annie Spratt

La troupe comique culte l’a compris, un peu d’ironie et de critique ne fait pas de mal. C’est d’ailleurs une des critiques adressées à la psychologie positive : l’homme ne peut pas fonctionner sur un mode uniquement optimiste car il ne se résume pas à une « dichotomie positif-négatif » ; en réalité, l’entendement humain se décline sur une multitude de niveaux de gris.

Cette complexité est d’ailleurs à l’origine de comportements éminemment utiles, voire indispensables, à la réalisation de chaque individu : comme le montre Voltaire avec ironie dans Candide, la candeur se confond rapidement avec l’ignorance, et l’esprit critique est indispensable à l’éveil intellectuel. Descartes, en fondant l’intégralité de son raisonnement philosophique sur le doute, montre avec encore plus de force l’importance de ne rien prendre pour acquis.

Plus prosaïquement, l’efficace brutalité des plaidoyers environnementaux catastrophistes que sont par exemple Le syndrome du Titanic ou Une vérité qui dérange témoigne de l’intérêt de la méthode inverse : faire face aux problèmes de notre temps, quitte à les exagérer, pour plus vite les régler.

La démarche des optimistes Lecomte, Pinker ou encore Norberg possède en effet quelques écueils : tout d’abord, elle est uniquement rétrospective, s’attachant à démontrer le recul de fléaux des XIXème et XXème siècles qui n’en sont plus aujourd’hui, au risque d’évacuer les problèmes les plus actuels.

Difficile en effet d’être optimiste sur la brûlante question du changement climatique : tous les scientifiques s’accordent sur l’urgence qu’il représente. Même si Lecomte nuance, probablement à raison, l’évidence d’une « sixième extinction » (période de disparition massive d’espèces animales) due à l’activité humaine, on ne peut nier que sa position optimiste ne pourrait exister sans une contrepartie alarmiste.

Crédit Photo : Frank Okay

Dans la lignée de cette critique, on notera également l’utilisation généralisée par ces penseurs de critères très libéraux pour juger de l’état du monde : pouvoir d’achat, alphabétisation, progrès économique, accroissement de l’espérance de vie… 

Il est aisé, en effet, de juger de la réussite de l’humanité avec ces critères établis et bien documentés. Attention cependant à ne pas occulter les nouveaux maux de l’humanité, qui ne sont pas aussi bien chiffrés : nous avons cité le réchauffement climatique, qui dépasse largement l’homme, ajoutons les fléaux modernes – qui découlent d’ailleurs de la résolution de leurs prédécesseurs – comme l’obésité, la dépression, l’ennui au travail, ou encore le terrorisme. La victoire est indéniable sur les combats engagés il y a plusieurs décennies (santé, alimentation, égalité), mais de nombreuses batailles se profilent à l’horizon.

Gardons donc dans notre manche l’atout du scepticisme : il est utile pour considérer le monde, pour dénicher et dénoncer les problèmes. Ce premier travail fait, jouons demain l’optimisme pour chercher des solutions en gardant la tête froide et les pieds sur terre, à l’instar de Jacques Lecomte quand il parle « d’optiréalisme ».

La Relève et La Peste

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