Suspendu depuis l’été 2019, le « train des primeurs » Perpignan-Rungis a été relancé. La liaison avait été stoppée faute de clients et devant la vétusté de ses wagons réfrigérés. Face à l’enjeu économique et écologique, cheminots et élus se sont mobilisés massivement jusqu’à obtenir sa réouverture par le gouvernement cette année. Cette relance permet d’éviter le trafic d’une centaine de camions sur les routes chaque semaine. Avec moitié moins de wagons, le retour du train des primeurs constitue une première étape victorieuse dans le combat pour une réelle réhabilitation du fret ferroviaire.
Le retour du train
Le train des primeurs transportait 400 000 tonnes de fruits et légumes chaque année entre Perpignan et Rungis. Supprimé en 2019 à cause de la vétusté de ses wagons et faute de clients, l’arrêt de son activité mettait plus de 25 000 poids lourds en plus sur les routes par an pour le remplacer, soit 44 tonnes de CO2 rejetés chaque jour dans l’atmosphère contre à peine 3 tonnes, environ, pour la ligne de fret.
La hausse tarifaire (+ 30 %) imposée par la SNCF pour financer la modernisation avait découragé les deux clients historiques, qui n’avaient par renouvelé leur contrat.
« C’était la dure loi du marché qui s’appliquait et elle était très dure, parce que les prix de la route sont imbattables. Le train n’était pas subventionné. » commente Frédéric Delorme pour LeMonde, président de Rail Logistics Europe (filiale de fret ferroviaire de la SNCF)
La mobilisation de tous les acteurs concernés a permis de relancer le train : la SNCF, les élus de la région Occitanie et d’Île-de-France, les clients du train, et bien sûr les cheminots en tête.
Le train, qui a repris les rails ce vendredi, va assurer 5 liaisons par semaine aux mêmes horaires que le premier voyage de vendredi, grâce au transporteur Primeve. Une douzaine de grossistes en fruits et légumes ont décidé de confier une partie de leur transport au train pour permettre son retour.
Cette remise sur rails reste malgré tout timide : le train des primeurs a désormais deux fois moins de wagons frigorifiques, 12 actuellement contre 24 auparavant. Cela représente 10% du volume des fruits et légumes qui transitent par le marché, indique la Semmaris qui précise qu’il s’agit du train de fret le plus rapide d’Europe.
Le train des primeurs circulera de novembre à juillet, et fera une pause durant la saison maraîchère de la France. Sa relance permettra tout de même de retirer l’équivalent d’une centaine de camions par semaine de la route, soit un peu plus de 4 000 par an en tenant compte de l’arrêt estival. Cependant, les trains repartent à vide faute de marchandises dans le sens inverse, phénomène provoqué par la concurrence des camions qui sont beaucoup moins chers sur les trajets Rungis-Perpignan.
Un long chemin à parcourir
La réouverture de cette ligne s’inscrit dans le cadre du plan gouvernemental d’un milliard d’euros d’ici destiné à doubler la part modale du fret ferroviaire, de 9% à 18%, d’ici à 2030 pour se caler sur la moyenne européenne. Pour cause, derrière les effets d’annonce, de nombreux observateurs rappellent que l’Etat français est l’un des premiers responsables du délitement du transport ferroviaire.
Un constat a moitié reconnu par Jean Castex, lors de son allocution de Perpignan au départ du train : « Depuis 2000, les volumes transportés par le train ont diminué de 43 %, ce n’est pas Mathusalem 2000. Le fret ferroviaire français a aujourd’hui une part modale de 9 % tandis que la moyenne européenne est tout simplement au double, 18 %. Mais il y a plus inquiétant : la moyenne européenne augmente encore, il y a des pays qui sont à 30, tandis que nous, on continue de décroître. Façon de dire que nous plombons la moyenne européenne. »
Fut un temps où le Min de Rungis résonnait des sifflets des trains. A sa création dans les années 1960, le Min de Rungis disposait de 7 quais. Encore une vingtaine d’années seulement auparavant, les trains arrivaient de toutes parts, ainsi que le rappelle Stéphane Layani, président de la Semmaris, société d’économie mixte gestionnaire du marché, évoquant les rails encore visibles dans certaines parties du Min.
Pour être à la hauteur de son ambition ferroviaire, le marché de Rungis doit moderniser toute sa gare pour pouvoir accueillir le train complet, avec deux fois plus de wagons. Il va donc lancer un appel à projets pour y parvenir. L’objectif : réduire l’empreinte carbone du marché de 30% d’ici à 2030.
Très concrètement, ce terminal de transport, qui devrait être construit “à l’horizon 2024”, doit “porter à 20% la part du ferroviaire dans les approvisionnements du Marché de Rungis et d’éviter près de 60 000 camions par an sur les routes”, annonce la Semmaris.
Surtout, l’avenir du train des primeurs est toujours incertain : il ne devrait pas rouler au-delà de fin 2024 car les wagons réfrigérés seront alors complètement à bout de souffle. Pour pallier au problème, le gouvernement envisage de faire circuler à partir de 2025 une autoroute ferroviaire de Barcelone à Anvers qui s’arrêterait à Perpignan et Rungis
Les syndicats de cheminots, de leur côté, ont rappelé qu’ils restent mobilisés sur le sujet. Pour Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT présent à Perpignan pour célébrer la relance, « le fret a de l’avenir, c’est l’avenir pour la planète aussi (…) c’est la démonstration qu’il y a une ligne d’ouverture aujourd’hui mais l’objectif c’est qu’il y en ait mille en France donc c’est une bataille qui va continuer. »