En Afrique, le lac Tchad cristallise les angoisses liées au réchauffement climatique. Pour cause, 40 millions de personnes dépendent de ce grand lac d’eau douce, bordé notamment par le Tchad, le Niger, le Cameroun et le Nigeria. Inquiets de sa potentielle disparition, les chefs d’Etat du bassin voudraient lancer un projet controversé pour le remplir.
Le Lac Tchad, diminué de 90% en 40 ans
La situation du Lac Tchad a notamment été médiatisée par le documentaire « Une vérité qui dérange » (2006) de l’ancien vice-président américain Al Gore. Le film a diffusé les images de la NASA montrant que le Lac a perdu 90% de sa superficie en quarante ans.
Profitant d’une période trouble, le groupe djihadiste Boko Haram, dont la branche est affiliée à l’Etat islamique (EI) s’est implanté sur le lac Tchad. La violence du groupe a fait sombré la région dans une crise humanitaire grave. Depuis 2009, le conflit a tué plus de 20 000 personnes, fait fuir 2,2 millions d’habitants et détruit l’activité agropastorale. Selon les Nations Unies (ONU), onze millions de personnes ont aujourd’hui besoin d’assistance.

Source : Whatsupwiththat.com / Illustrations : UNEP
La solution : remplir le Lac ?
Face à cette situation, les chefs d’Etat du bassin du lac Tchad (Nigeria, Niger, Tchad, Cameroun) souhaitent réaliser un vieux projet : transférer les eaux du fleuve Oubangui vers le lac via un canal. Alors que s’ouvre la conférence internationale sur le Bassin du Lac Tchad de trois jours à Abuja, Nigeria, ils espèrent pouvoir le lancer officiellement.
Les dirigeants sont pris de crainte face à la perspective de l’assèchement du lac Tchad, accéléré par le changement climatique. Cette peur prend racine dans le début des années 70, période de grandes sécheresses et de famines. C’est à cette époque que les eaux se sont rétractées, et que le grand lac Tchad s’est coupé en deux : une cuvette nord peu alimentée en eau, et une cuvette sud approvisionnée par le fleuve Chari et la rivière Logone.
Pourtant, le projet de ce méga-ouvrage qui canaliserait de vastes quantités d’eau divise. En ligne de mire, le coût qui pourrait atteindre des milliards de dollars alors que la région est frappée par la pauvreté, mais aussi le manque de données précises sur les fluctuations du lac. Les premiers réseaux d’observation hydro-climatologiques avaient été installés à l’époque coloniale et ont fini par tomber en ruine, faute d’entretien.
Certains experts estiment que le lac pourrait disparaître d’ici vingt ans. Pour Géraud Magrin, géographe français, la disparition du lac Tchad est un « mythe hydropolitique » utilisé par les chefs d’Etat pour justifier leur projet pharaonique. Pour ce scientifique, et certains de ses confrères, le lac n’est pas en train de disparaître, il est en perpétuelle évolution.
La disparition du lac Tchad : un mythe hydropolitique de Géraud MAGRIN / Chaîne YT : Festival Géopolitique
« Le secteur du lac Tchad fait partie des grandes zones d’incertitude, avec des contradictions importantes entre les modèles qui ne permettent pas de dire si dans vingt ans ou dans cinquante ans il y aura plus d’eau dans le lac Tchad ou moins d’eau dans le lac Tchad. En revanche, ce dont on est à peu près sûr, c’est que la population va augmenter de façon très importante. Il y aura alors très probablement une augmentation de la consommation d’eau sur l’ensemble du bassin, pour les villes, pour l’industrie, pour l’agriculture… Donc réfléchir sur l’avenir du lac Tchad, c’est aussi prendre en compte l’évolution de la consommation de l’eau dans l’ensemble du bassin et pas seulement sur les rives du lac. » Géraud Magrin, propos recueillis par RFI
L’UNESCO, en partenariat avec la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT), a ainsi initié le projet BIOPALT (Biosphère et Patrimoine du Lac Tchad) qui va être étudié lors de la conférence internationale. « Le projet BIOPALT vise à renforcer les capacités des États membres de la Commission du bassin du lac Tchad – Cameroun, Niger, Nigéria, République centrafricaine et Tchad – à sauvegarder et à gérer durablement les ressources hydrologiques, biologiques et culturelles du bassin du Lac Tchad à travers leurs frontières, afin de soutenir la réduction de la pauvreté et de promouvoir la paix. » Parmi les pistes du projet : préserver les oasis, lutter contre l’assèchement des points d’eau grâce à la restauration de certaines mares, créer des activités génératrices de revenus comme la production de spiruline.
Le débat est lancé pour ces trois jours de conférence internationale sur l’avenir du Bassin du Tchad.
Crédits photo de couverture : Kristin Palitza / DPA

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