3 ans, presque 3 ans que ce village éphémère a pris ses quartiers dans l’ancien hôpital Saint-Vincent de Paul. 3 ans pour donner à la mémoire de ce lieu de soin une nouvelle âme de solidarité, de coopération, de mélange et d’innovation. Un éco-quartier, un vrai, comme vous ne l’avez jamais vu. J’y ai passé 24h et autant vous dire qu’une société durable et résiliente y est bel et bien éprouvée. Halte aux paroles, place aux actes. Plus que 3 mois pour vivre l’expérience. Courez-y PARDI !

Il faut y passer du temps, observer, se rendre compte qu’ici rien n’est pareil. La mixité sociale a eu ses heures de gloire dans les discours politiques mais quand elle passe l’épreuve du terrain, elle ne donne souvent rien de très concluant. Les communautés ne se retrouvent pas, se méfient les unes des autres et ne dopent pas leur désir profond de vivre ensemble. Faire en sorte que tout le monde s’y retrouve, ce n’est pas accepter que nous ayons tous des désirs et des destins communs au seul bon vouloir de notre motivation. C’est donner la possibilité dans un même espace que chacun s’y déploie avec son quotidien, ses casseroles, ses envies tout en favorisant la réalisation de projets collectifs (les plus fous !). Résultat : on permet au lien de se créer, à la coopération de s’épanouir, et à tous on donne l’envie d’avancer conjointement, sur un même chemin.

Aux Grands Voisins, le pari de Yes We Camp et de Plateau Urbain, les deux collectifs initiateurs et organisateurs du projet, était clair : la multi-culturalité, que des horizons (et des aurores) différents s’y retrouvent qu’on soit badaud, réfugié, touriste, éclaireur d’idées, joueur de ping-pong (une table de ping-pong à l’entrée accueille tout jeune sportif en herbe – lors de ma visite, un duo a joué 3h durant !), pianiste (un piano en libre-service anime la Laverie, la cantine centrale du parc), architecte, artisan ou encore artiste. Véritable bouillon de cultures, cette ville dans la ville rassemble à la fois un centre d’hébergement d’urgence géré par l’association Aurore, une pépinière d’entreprises et d’associations, un camping et un lieu de production artistique. Le tout est un parc public animé où tout parisien peut se balader (et voici la charade !). En somme, un lieu ouvert sur la vie, la ville et au-delà.

Pour cela, il ne suffit pas uniquement de mettre chacun dans un espace. L’enjeu est de prévoir des lieux et des occasions de partage. Par exemple, les comptoirs (des héros) proposent chaque jour aux réfugiés accueillis au centre d’hébergement de cuisiner un plat et un dessert dans un des 3 comptoirs prévus. 5 fois par mois, ils peuvent ainsi chacun offrir de leur temps et de leurs talents et collecter quelques fonds qui leur permettent de tenir bon et gagner en confiance. Pour tout client (travailleurs du site ou « simples » passants), c’est un voyage culinaire qui mène à la découverte de ces identités bousculées, de ces contrés lointaines et de cette envie de se réunir dans un lieu commun : bien manger !

Autre espace, le camping. Installé par Yes We Camp (qui porte ainsi bien son nom), il accueille bien évidemment des touristes mais a surtout été, à ses débuts, un laboratoire de partage de connaissances entre les architectes du collectif. Au-delà des espaces classiques d’un camping, différentes constructions ont été prototypées par les designers, architectes et constructeurs, le cœur des métiers de cette communauté.

Yes We Camp a démarré son projet à Marseille, en 2013, lorsque la ville était capitale européenne de la culture. Leur objectif : trouver de (bons) prétexte pour expérimenter l’habitat durable. Aux Grands voisins, on trouve des cabanes, chacune l’œuvre d’un des membres du collectif, pour faire parler les mains de ces créateurs résilients. Pour le plaisir des yeux, du design, du progrès et de la coopération, les touristes profitent alors du seul camping de Paris intramuros. La dernière nuit du camping, c’est samedi. Bonne nuit !

Tant de choses seraient à noter de cette épopée solidaire, un article ne suffirait pas. Nous n’avons plus qu’à continuer à battre le pavé de cet hôpital de l’âme jusqu’à sa fermeture en décembre prochain et dire bravo à ces ingénieux collectifs pour avoir utilisé avec générosité et audace ces espaces temporairement vacants. L’éphémère peut nous apprendre à être efficace et inventif pour jour après jour renforcer le lien social. Bientôt le quartier deviendra un nouvel ensemble résidentiel. Espérons qu’il garde le vestige de cette ambiance foisonnante et solidaire.

Crédits photos : Les grands voisins / Yes we camp

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