Derrière les hashtags, des faits qui dérangent
Ces dernières semaines, l’affaire Weinstein a déclenché une avalanche de témoignages sur les réseaux sociaux avec les hashtags #metoo et #balancetonporc. Loin d’être réservé aux « mœurs scandaleuses » d’Hollywood, le harcèlement sexuel est bel et bien un mal encore trop présent dans notre société. En France, sur la place du travail qu’on pourrait pourtant penser préservée, les chiffres sont alarmants : 1 femme sur 5 est confrontée à une situation de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle, et 20% des femmes et des hommes déclarent connaître au moins une personne ayant été victime de harcèlement sexuel dans le cadre de son travail.
Et, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, la situation n’est pas rassurante concernant les agressions sexuelles en France : au moins une femme de moins de 35 ans sur vingt est victime d’une agression sexuelle chaque année. Chaque heure se passent 64 agressions sexuelles, et 9 viols ou tentatives de viols.
Alors, comment faire pour éviter le plus possible que ces situations arrivent ?
L’importance d’un consentement clair
Consentement : Action de donner son accord à une action, à un projet. Synonymes : acquiescement, approbation, assentiment (Définition du dictionnaire Larousse)
Derrière le harcèlement ou les agressions sexuelles se trouve l’importance de la notion de consentement : base de toute relation, de tout échange, quand deux parties se mettent d’accord. Deux journalistes de Rue89, Emilie Brouze et Alice Maruani, ont ainsi réalisé un grand appel à témoignages sur la « zone grise du consentement ». Elles ont volontairement utilisé ce terme pour déterminer quand un temps de doute est utilisé comme excuse pour justifier un viol ou une agression sexuelle.
Pourtant, le consentement devrait être simple : quand ce n’est pas oui, c’est non.

Source : Tumblr projetcrocodiles
Face aux réactions des internautes sur les témoignages de ces victimes, on constate que la notion de consentement, dans le cadre d’un rapport charnel, reste floue pour beaucoup de monde.
« Pour certain·e·s, quelqu’un qui ne crie pas, ne se débat pas et ne va pas immédiatement porter plainte en cessant tout contact avec son agresseur n’est pas une vraie victime. C’est faux. Chacun·e réagit différemment, et toutes les réactions sont valides et valables. »
Cette manière de trouver des circonstances atténuantes voire d’encourager le viol, et de diffuser l’idéologie d’un rapport homme-femme type « prédateur-proie », constitue ce qu’on appelle la « culture du viol ». En 2015, à travers un petit film d’animation, la police britannique expliquait avec finesse le principe du consentement en remplaçant le mot « sexe » par le mot « thé ».
Source : Le Monde
Cette vidéo montre que le consentement peut être retiré à tout moment. « On peut vouloir boire du thé mais changer d’avis ; on peut même proposer à l’autre de partager une tasse et pendant que l’eau bout, ne plus en vouloir. On peut accepter la tasse mais refuser le gâteau proposé avec. Cela va de soi : quelqu’un d’endormi ou d’inconscient n’a pas envie de thé. Consentir, c’est faire un choix libre et éclairé. Céder, ce n’est pas consentir. »
Le tumblr « Projet Crocodiles » avait lui aussi créé une bande-dessinée très réussie sur la notion de consentement: http://projetcrocodiles.tumblr.com/post/108245112423/le-passage-sur-le-consentement-est-en-partie

Source : Tumblr Projetcrocodiles
Cela paraît basique, mais chacun devrait être à l’écoute de l’autre, déceler si la personne en face se crispe, faire preuve de bienveillance.
Au moindre doute sur les envies de l’autre, c’est simple : il faut poser la question.
Identifier le harcèlement sexuel
Le harcèlement sexuel est défini par la loi comme « tout comportement à caractère sexuel ou fondé sur l’appartenance sexuelle, ressenti comme importun par la personne visée et portant atteinte à sa dignité. »
Toutefois, certaines personnes peuvent avoir du mal à distinguer du harcèlement sexuel caractérisé d’une simple tentative de séduction mal appréciée et non découragée explicitement, d’une dégradation orageuse de relations intimes auparavant consenties, d’une interprétation paranoïaque, d’une manipulation malveillante…
« Les Décodeurs » du Monde ont ainsi réalisé un quizz permettant de tester nos aptitudes à distinguer une situation professionnelle cordiale d’un harcèlement. Connaître la loi, bien se renseigner sur le sujet, et savoir identifier un cas de harcèlement sexuel est donc une bonne base pour prévenir les comportements à risques et faire évoluer les mentalités. Pour le Professeur Charles Peretti, psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine, il s’agit donc de ne pas s’inquiéter que de soi, mais aussi de ses collègues/compatriotes, d’apprendre à se remettre en question, d’être capable de prendre du recul sur soi pour savoir si nos propres agissements peuvent embarrasser des collègues ou des proches. Ce qui est une « blague grivoise » pour certains peut profondément marquer d’autres personnes.

Source : Tumblr Projetcrocodiles
Eviter les comportements inappropriés, cela commence dès la petite enfance. Il faut s’assurer que nos enfants soient éduqués avec ouverture d’esprit et, encore une fois, bienveillance sur les sujets de genre. En Juin 2017, le New York Times a publié un article intitulé « How to raise a feminist son ». Si le titre de l’article a déclenché une vive polémique, son contenu est pourtant très intéressant sur le rôle de l’éducation pour faire la peau aux stéréotypes et l’enseignement du respect des barrières personnelles. L’un des conseils ?
« Apprenez-lui que non veut dire non. Imposez aux enfants de demander la permission à leurs camarades avant de chahuter physiquement avec eux. Et, en tant qu’adultes, arrêtez de les chatouiller ou de jouer si l’enfant dit non. »
Lors des révélations de l’affaire Weinstein, un des aspects les plus choquants a sûrement été le nombre de personnes au courant et n’ayant rien dit, rien fait, pendant toutes ces années, pour aider les victimes de ce pervers. C’est tout simplement de la non-assistance à personne en danger. Cela revient à tenir la porte de la chambre fermée pour s’assurer que personne ne puisse voir ce qu’il se passe à l’intérieur.
Si un(e) de vos proches ou de vos collègues vous fait part d’une situation de harcèlement, il faut prendre le temps de l’écouter sans juger et sans en rire. Le psychiatre Charles Peretti l’explique bien :
« Après coup, il est extrêmement facile de dire “à ta place, j’aurais fait ça” ou “tu aurais dû”. Mais ça ne fait qu’enfoncer la victime un peu plus, en la considérant comme quelqu’un incapable d’avoir eu la bonne réaction, alors qu’elle a simplement eu la réaction que son état psychologique lui a permis d’avoir.»
Il faut donc apprendre à rester à l’écoute, sans forcer quelqu’un à parler ou le brusquer pour déclencher la parole. Là encore, on parle de bienveillance envers son entourage, savoir être disponible quand l’autre en a besoin, et pas parce que nous avons décidé de régler le problème pour lui.
« Derrière la clameur de la victime, se trouve une souffrance qui crie moins vengeance que récit. » Paul Ricoeur
Ce n’est pas de votre faute
Pour celles et ceux victimes de harcèlement ou d’agression sexuelle, le plus important est de retenir que ce n’est pas de votre faute ! Dans la rue, au travail, en soirée, avec un(e) proche ou un(e) inconnu(e), ce n’est jamais de votre faute. Aucune circonstance ne peut justifier une agression ou du harcèlement.
Dans l’espace public ou privé, il est parfois possible de mettre fin au harcèlement en expliquant clairement à l’agresseur pourquoi la situation est anormale.

Source : Tumblr Projetcrocodiles
Malheureusement, savoir dire non ne suffit souvent pas face aux agresseurs sexuels. Derrière les nombreux témoignages des victimes apparaît souvent un sentiment de culpabilité. La personne ayant subi une agression a l’impression qu’elle aurait mieux dû se défendre, et qu’elle n’est donc pas en légitimité de se plaindre puisqu’elle pense avoir « laissé faire » l’agresseur. L’actrice Lucie Evans, une des victimes d’Harvey Weinstein, l’explique ainsi :
« J’ai en quelque sorte abandonné. C’est la partie la plus horrible de ça, et c’est pour ça qu’il a été capable de faire ça aussi longtemps à de si nombreuses femmes ; on abandonne et on a l’impression que c’est de notre faute. »
Vous êtes le mieux placé pour décider si ce qui vous est arrivé était anormal, vous a mis mal à l’aise, pétrifié. Ecoutez votre instinct et ne minimisez jamais une situation vous paraissant inhabituelle ou dangereuse. Si quelque chose vous arrive, il est primordial d’éviter l’isolement. Même si vous n’avez pas envie d’en parler à vos proches, vous n’êtes pas obligé de vivre tout ça seul(e), vous pouvez être accompagné(e) par un professionnel, être écouté(e), conseillé(e), soutenu(e). La fédération France Victimes a mis en place un numéro national d’aide aux victimes ou témoins pour les conseiller et les accompagner.

Il n’y a pas de bonne ou mauvaise façon de réagir pendant et après une agression. Il s’agit de faire du mieux que vous pouvez, sans vous juger, et surtout, de ne pas hésitez à demander de l’aide.
Pour aller plus loin, voici des liens qui peuvent vous aider :
– Guide contre le harcèlement de rue: http://fr.calameo.com/read/0051866658f2aa46c0720
– Petit manuel d’autodéfense pour les femmes : http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=60
– Application smartphone « Aidez-moi » avec tous les numéros d’urgence et une occurrence prévue spécialement pour les proches des victimes : http://www.france-victimes.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=678
Et pour ceux qui le souhaitent, le hastag #metoo descend dans la rue avec des rassemblements organisés dans toute la France dimanche 29 octobre à 15h #wetoogether
« L’objectif de ce rassemblement, citoyen et apartisan, est de rendre visible et concrète l’ampleur du phénomène. »

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