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Air France empoche 7 milliards de la France et propose un plan de départ volontaire à ses salariés

Benjamin Smith, le PDG, affirme lui-même que les engagements pris par Air France ne diffèrent pas vraiment du plan de transformation lancé en novembre dernier, mais que ce dernier va maintenant être accéléré, notamment à travers la proposition d’un plan de départs volontaires.

La compagnie aérienne Air France-KLM n’en finit plus de faire parler d’elle depuis le début de la pandémie. Le secteur aérien est l’un des plus touchés par le coronavirus qui cloue les avions au sol. Après avoir demandé une aide publique, Air France-KLM a obtenu une aide de 7 milliards d’euros de la France, et une autre de 2 à 4 milliards d’euros va venir des Pays-Bas. Visiblement pas assez, l’entreprise propose en même temps un plan de départs volontaires.

Des contreparties écologiques ou des vœux renouvelés ?

250 ONG s’étaient mobilisées face aux demandes des compagnies du secteur aérien pour obtenir des renflouements massifs et inconditionnels. Pour les ONG, il est évident que les travailleur.euse.s touché.e.s par la crise actuelle ont besoin de soutien, mais il ne s’agit pas de laisser l’industrie aéronautique continuer à privatiser ses bénéfices et à combler ses pertes avec l’argent public.

En France, de vives protestations ont ainsi accusé l’exécutif de vouloir accorder un « chèque en blanc » de 20 milliards d’euros aux grandes entreprises considérées comme « stratégiques ». C’est pourquoi, à l’annonce des 7 milliards d’euros garantis par les contribuables et dédiés à Air France, le Ministre de l’Economie Bruno le Maire a affirmé que le groupe devra « à nouveau être compétitif et surtout devenir la compagnie aérienne la plus respectueuse de l’environnement de la planète ».

Parmi les « engagements écologiques précis » prévus : réduction de 50 % de ses émissions de CO2 à l’horizon 2030 en général mais d’ici 2024 pour les vols domestiques, une flotte renouvelée pour émettre 25% de CO2 en moins, et un plan de vols domestiques redéfini, en particulier si alternative ferroviaire de moins de 2h30.

« Problème : les fameuses éco-conditionnalités reprises par Elisabeth Borne sont des engagements qui étaient déjà pris par Air France. Ainsi, l’objectif de -50% d’émissions d’ici 2030 au passager/km avait déjà été proclamé par la compagnie aérienne en 2019. Air France réalise cet objectif par la compensation carbone et le renouvellement des avions. La seule chose qui change, c’est les annonces sur le report de certaines lignes sur le ferroviaire. » détaille Agathe Bounfour, Responsable Transports chez Réseau Action Climat

De l’Asie à l’Europe, les aéroports du monde entier sont à l’arrêt avec le coronavirus – Crédit : Lei Jiang

Air France souhaite donc s’équiper avec des avions moins émetteurs, et changer son kérosène par des biocarburants. Seulement, comme le rappelle l’association Canopée : l’usage croissant de biocarburants à base d’huile de palme et de soja, notamment dans le secteur de l’aviation, conduirait à la destruction de 7 millions d’hectares de forêts tropicales à l’horizon 2030. Le serpent se mord la queue.

En matière de transports à l’heure actuelle, la seule façon efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre est donc de réduire le nombre de trajets. Une mesure qui pourrait être atteinte grâce à la redéfinition du plan de vols ?

« Sur les conditions écologiques, on était surpris que le gouvernement envisage même la question de la limitation des lignes en cas d’alternative ferroviaire, c’est plutôt un bon signe si on le prend comme un premier pas. En revanche, dès lors qu’il s’agit d’engagements volontaires d’Air France-KLM, ça ne change rien en terme de traffic si la raison pour laquelle ils font ça, c’est la concurrence trop importante des vols low-cost sur les vols internes. Il faudrait donc appliquer cette mesure à l’ensemble des compagnies aériennes. » explique Théo Rougier, porte-parole de la campagne Notre Choix

Effectivement, dans une interview donnée aux Echos, Benjamin Smith, le PDG d’Air France, explique que le « réseau domestique a encore généré 200 millions d’euros de pertes l’an dernier ». De plus, Air France va rouvrir plusieurs lignes internes dont Bordeaux – Paris, pourtant accessible à seulement 2h20 en TGV. Il semblerait donc que la contrepartie demandée par l’Etat français retenue par le « grand groupe stratégique » soit principalement : être à nouveau compétitif.

Un plan de départs volontaires

De fait, dans la longue interview aux Echos, le PDG Benjamin Smith réaffirme lui-même que les engagements pris par Air France ne diffèrent pas vraiment du plan de transformation lancé en novembre dernier, mais que ce dernier va maintenant être accéléré, notamment à travers la proposition d’un plan de départs volontaires.

« Nous ferons en sorte que l’impact social soit aussi réduit que possible face à la transformation d’Air France et à la baisse durable de l’activité. Certains personnels d’Air France sont probablement prêts à partir volontairement, si on leur donne la possibilité. La première étape consisterait donc à proposer des plans de départs volontaires. L’étape suivante serait d’offrir à ceux qui resteront dans le groupe des plans de formation et des possibilités de mutation en rapport avec nos besoins. Tout cela se fera de toute façon en très étroite concertation avec les partenaires sociaux. » explique ainsi Benjamin Smith, le PDG d’Air France

Malheureusement, si le gouvernement a français a « clairement souligné que cet effort financier est fait avant tout pour soutenir les salariés d’Air France », il n’a pas fait de demande spécifique à la compagnie aérienne sur le maintien de l’emploi et la reconversion des salariés qui vont « volontairement partir ».

« Notre position est partagée par de nombreux acteurs : les aides doivent être ciblées vers la ré-orientation de l’emploi. Avec ce manque de demande spécifique, de nombreux points sont à éclaircir : est-ce que le gouvernement ne peut pas lier la fermeture de certaines lignes avec le plan de départs volontaires ? est-ce qu’il y a des mesures prévues pour les reconversions des salariés ? Comment va-t-il contrôler tout ça s’il compte seulement sur la bonne volonté de la compagnie aérienne sans contrainte législative ? » questionne Agathe Bounfour, Responsable Transports chez Réseau Action Climat

De son côté, Air France est assuré de continuer à opérer pendant 12 à 18 mois grâce au soutien financier de l’Etat français : 4 milliards de prêts bancaires garantis à 90% par l’Etat et 3 milliards de prêt direct de l’Etat. Cette reprise économique s’est déjà traduite d’un succès en bourse avec un bond de 6%... Le motif de compétitivité semble donc être bien reparti même si la compagnie aérienne ne prévoit pas de « retour à la normale avant au moins deux ans » en fonction de la réouverture des frontières, et de la confiance des usagers pour reprendre l’avion.

Côté gouvernement français, Elisabeth Borne et Bruno Le Maire doivent donner une audition ce jeudi 30 avril à 14h30. Les ONG engagées dans la régulation du secteur aérien comptent bien avoir des précisions. Pour l’instant, les 7 milliards d’euros accordés à Air France ne s’accompagnent que de déclarations d’intention, clairement pas assez face à la crise écologique, sociale et économique en cours.

crédit photo couverture : Dylan Agbagni (CC0)

Laurie Debove

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