Après un an de combat, c’est une victoire majeure pour les locaux, ONGs et scientifiques opposés au projet d’exploration gazier et pétrolier de Shell sur la Côte Sauvage. Un tribunal sud-africain a annulé l’autorisation de ce projet qui allait provoquer des détonations sismiques sous-marines, mettant un grand danger toute la vie marine unique de la Côte Sauvage. Les juges ont invoqué le manque de consultation de la population, le respect du principe de précaution scientifique et la protection d’un bien commun vital : l’Océan.
Depuis un an, la mobilisation allait toujours plus fort : manifestations sur les plages et dans les sites de certaines entreprises actionnaires du projet d’exploration pétrolier, boycott dans les stations Shells, pétition ayant récolté plus de 450 000 signatures…
Les médias du monde entier s’étaient fait l’écho du combat opposant les communautés locales de la Côte Sauvage, scientifiques et environnementalistes au géant Shell dont un projet d’exploration pétrolier prévoyait d’émettre des « ondes de choc extrêmement fortes », comparables à des détonations sismiques, à travers 3 km d’eau et 40 km sous la croûte terrestre dans le fond marin.

Après avoir rallié une grande partie de la population à leur cause, c’est dans les tribunaux que la coalition « Oceans Not Oil » a trouvé gain de cause. Jeudi 1er septembre, trois juges ont donné raison à leur deux plaintes en annulant purement et simplement le permis d’exploration du pétrolier qui aurait causé 8640 détonations par jour, menaçant gravement la vie marine unique de la Côte Sauvage.
Dans un avis de 39 pages, les trois juges ont justifié leur décision par de nombreuses raisons : le manque de consultation démocratique des communautés locales, le manque de respect de leurs pratiques ancestrales à protéger l’environnement et plus particulièrement l’Océan et l’impact de telles méthodes d’exploration sur la faune marine selon les dernières études scientifiques parues.
Le bruit sismique, pouvant se propager sur des milliers de kilomètres, peut modifier les comportements des cétacés qui se déplacent par écholocalisation, et affecter ainsi l’accouplement, la recherche de nourriture et leurs communications ; mais aussi tuer le zooplancton, un élément clé de la chaîne alimentaire océanique.

Cet arrêt reconnaît également le rôle clé de l’océan pour les moyens de subsistance et le droit à la sécurité alimentaire, les liens spirituels et culturels intégrés des Sud-Africains avec la mer ; mais aussi que les impacts du changement climatique et les considérations relatives au développement futur du pétrole et du gaz n’ont pas été pris en compte, que les chefs et les rois n’ont pas le droit légal de parler au nom de leurs communautés et enfin que l’ensemble de la communauté océanique, y compris l’environnement marin et les animaux, doit être pris en compte dans le cadre du système de gestion côtière intégrée.
Cormac Cullinan, un avocat représentant Greenpeace dans le litige, a déclaré que l’affaire marque une rupture avec le passé où les entreprises pouvaient simplement ignorer les impacts sociaux et écologiques de leurs projets. Cette décision pourrait constituer un précédent juridique important pour d’autres cas similaires.
Partout dans le monde, l’opposition au développement de nouveaux projets d’exploitation d’énergies fossiles a entraîné une explosion des litiges juridiques : le « Sabin Center for Climate Change Law » de la Columbia Law School a enregistré plus de 2 500 cas dans le monde.
En mai de l’année dernière, Shell avait déjà perdu face à 17 000 citoyens et 7 ONGs lorsque la Cour de district de la Haye lui a ordonné de réduire ses émissions de carbone d’au moins 45 % d’ici 2030 par rapport au niveau d’émissions de l’entreprise en 2019. Et cela afin de respecter les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, à savoir le droit à la vie et le droit au respect de la vie privée et familiale, qui seraient compromis par les futurs bouleversements climatiques.
Cette nouvelle victoire juridique dans un autre pays est un signal positif des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes, mais surtout à protéger l’environnement dont ils dépendent.
« En tant que peuple de la Côte Sauvage, nous vivons de la terre et de l’océan. Le gouvernement nous dit que le pétrole et le gaz apporteront des opportunités d’emploi, mais nous savons très bien que cela détruira nos moyens de subsistance. L’océan est notre meilleur défenseur contre le changement climatique, nous protégeant de ses pires impacts. En aidant l’océan, nous nous aidons nous-mêmes. L’action océanique est une action climatique », a conclu Siyabonga Ndovela, un habitant de la Côte Sauvage.
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