La suppression – et même le simple aménagement – du verrou de Bercy vient de passer à la trappe à l’Assemblée. La majorité des députés LREM refuse d’huiler les rouages d’un système fiscale permettant notamment de couvrir l’évasion fiscale.
Qu’est ce que le verrou de Bercy ?
Bercy abrite le ministère de l’Economie et des Finances et a fini par lui donner son nom. Lorsque l’on parle du verrou de Bercy, on parle de la « bulle de protection » permettant à l’administration fiscale d’avoir un monopole des poursuites pénales en matière fiscale et de bloquer les poursuites pour fraude fiscale sans l’accord du ministère des Finances.
Ce pouvoir arbitraire pose de vraies questions d’éthique, de favoritisme et permet des dissimulations de dossiers frauduleux. Cela permet par exemple à certains grands groupes de négocier leur dû à l’Etat français ou encore (s’il n’avait pas dû démissionner) au ministre Cahuzac de décider s’il fallait engager des poursuites ou non contre le contribuable Cahuzac. Dans une démocratie – qui en plus prétend réduire la dette – il est grand temps de modifier profondément, même de supprimer ce poids lourd.
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Un pour tous, tous contre le verrou
C’est ce que les six groupes (sur sept) de l’Assemblée ont tenté de faire ; pour une fois la gauche, Les Républicains et le Modem s’étaient alliés pour tenter de réformer partiellement ce verrou rouillé. Si l’amendement a été rejeté, il ne l’a été qu’à 20 voix d’écart et a connu une première brèche au sein de la majorité LREM.
Quatre groupes de gauche (communistes, socialistes, France Insoumise et Constructifs) avaient tenté de sensibiliser l’opinion publique, dossiers à l’appui, lors d’une conférence de presse peu avant les débats. L’objectif ? « Faire sauter ce privilège d’un autre temps », explique Fabien Roussel (PCF) ; pour une fois, Les Républicains suivent le même mouvement en déposant des amendements visant à supprimer ce processus et les députés Modem ont proposé au minimum un aménagement.
Le cœur du problème est tout simplement un maintien ou non d’une justice à deux niveaux. Philipe Vigier (UDI – Les Constructifs) critique un « bouclier judiciaire [qui] protège certains quand les autres sont toujours autant exposés » et Fabien Roussel, indigné, explique :
« Cet anachronisme protège des évadés fiscaux : il ne peut y avoir deux justices selon que vous soyez puissant ou misérable, que vous présidiez Google ou soyez simple contribuable ».
Où est l’égalité devant les lois ?

Les députés en marche font la danse de Saint-Guy
Même le Sénat avait proposé une levée partielle de ce verrou, surtout pour les poursuites pour fraudes ; en effet, qu’une seule entité (qui n’est pas juridique à proprement parler) juge arbitrairement de la nécessité de présentation devant les tribunaux pénaux semble délirant.
Pourtant, la majorité LREM campe sur ses positions et sert un plat à moitié froid en proposant de « se laisser le temps de la réflexion » pour « un examen de fond du dispositif existant ». Pourtant, les travaux sont là, les éléments sont disponibles et les analyses ont déjà été rendues – il semble que certains dossiers (tel que la réduction des APL par exemple) ne bénéficient pas en revanche d’un temps supplémentaire de réflexion.

Nicole Belloubet, ministre de la justice du gouvernement en place temporise en appelant à « ne pas avoir une vision trop fantasmée du verrou de Bercy » car il existe déjà « une collaboration très active et des échanges fluides » entre justice et administration fiscale : évitons la concurrence ! Ah, pardon, nous pension que la concurrence était l’essence même de la qualité, autant pour nous. Oui, en effet, l’avis conforme de la CIF (Commission des Infractions Fiscales) est réclamé systématiquement lorsqu’il est question de fraude fiscale : mais jusqu’ici, la CIF se range systématiquement derrière les recommandations gouvernementales. Pas farouche.
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Combien de temps encore seront protégés les voleurs ?
Etant donné que la suppression totale semble un peu brusque pour cette institution d’un autre temps, c’est un compromis qui a été proposé par le Sénat en juillet puis par les députés avec une simple levée partielle du monopole : la justice pourrait se pencher sur d’éventuelles fraudes sans attendre l’autorisation du ministère des Finances seulement si elle s’intéresse déjà à un même parti sur des infractions connexes (abus de confiance ou de biens sociaux par exemple).
La majorité qui prône une flexibilité à toute épreuve et un changement pro-actif boude cette modification et rejette ces amendements : les groupes France Insoumise, PS et PCF, les Constructifs, le Modem et 30 députés les Républicains ont voté pour, rejoints par 12 petits canards noirs de la majorité LREM (dont 10 se sont abstenus).
Cependant, c’est la première fois que ce verrou est tant mis à mal depuis l’affaire Cahuzac, l’évolution positive ne peut faire qu’avancer les choses. De plus, une rigidité totale sur ce sujet serait une vraie tâche sur le début du quinquennat Macron (Alexis Corbière, LFI). Parallèlement, la réduction des APL vient d’être votée sous le menace d’une hausse d’impôts, car il est sans doute plus simple de couper l’argent de poche des enfants que d’empêcher papa de se barrer avec la caisse.

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