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À Concarneau, des milliers de personnes apprennent chaque année à réparer leur vélo

« L’objectif est que les gens soient autonomes, on veut mettre en avant leur capacité à faire. Beaucoup, au début, ne croient pas qu’ils vont réussir. En fait, il faut juste prendre le temps ». 

Le CRADE (Centre de Recherche sur l’Avenir des Déplacements Écologiques) de Concarneau est bien plus qu’un atelier de réparation de vélos. Depuis sa création il y a une dizaine d’années, le CRADE est devenu un promoteur majeur de la mobilité à vélo dans la région de Concarneau, ainsi qu’un haut lieu de la low-tech. Au sein de cet espace où débrouille et convivialité règnent, chaque personne doit réparer elle-même son vélo. Et c’est en mettant les mains dans le cambouis que l’on réalise ce que c’est de reprendre la main sur les objets.

Réparer son vélo à Concarneau

En 2010, une dizaine de personnes se réunissent et créent, au sein du garage d’un ami, un lieu de réparation de vélo. Le CRADE est né. À Concarneau et dans ses alentours, l’initiative se fait vite connaître et quelques mois plus tard, ils obtiennent les clés d’un local sur le port industriel de Concarneau.

« C’est devenu officiellement une recyclerie de vélos », se souvient Loïc Kerouanton, l’un des piliers de l’association. « Des gens pouvaient venir donner des vélos, d’autres pouvaient les récupérer, les réparer. Le tout moyennant un prix symbolique pour faire fonctionner la structure ». 

Sauf que les choses ne se passent pas si facilement.

« La municipalité en a pris ombrage », poursuit Loïc Kerouanton. « Elle a considéré que c’était un squat, on a eu 3 procès…et on a perdu nos locaux ».

Suite à cela, le CRADE continue à vivre sur les marchés et au sein d’un centre social qui l’héberge pendant plusieurs années.

« L’association a vécu différents moments assez compliqués, avec beaucoup de gens qui sont partis de la structure. En 2017, un des cofondateurs est décédé, et des personnes ont décidé de rendre hommage à cet ami. L’idée a été de relancer la structure, de refaire comme au début ». 

L’extérieur du CRADE

L’effervescence du lieu

L’association connaît à ce moment-là un nouvel élan, avec des accueils au public plus fréquents. C’est un succès. Début 2020, un local est inauguré dans le centre-ville. En quelques années, le nombre d’adhérents est multiplié par 11, passant de 80 à 900.

Chaque année, environ 5000 personnes bénéficient des services du CRADE, tandis que 800 à 1000 vélos y sont déposés. 

Pourtant, ce n’est que depuis un an que Loïc et sa collègue, qui gère une entreprise de location de vélos, peuvent se payer au sein de la structure. Maintenir des prix accessibles à tout le monde étant resté un principe absolu pour le CRADE.

Réparation de vélo à Concarneau

Qu’est-ce qui frappe le plus en découvrant le lieu ? L’effervescence qui y règne ? Le nombre gigantesque de vélos et de pièces détachées ? La beauté de cet objet que l’on n’avait sans doute jamais soupçonnée ? La diversité de personnes occupées à réparer ?

À l’entrée, un espace café-bibliothèque, avec sur la table des tasses de thé encore fumantes. Du sol au plafond, des pneus, des jantes, des paniers, des sonnettes, des remorques, des selles, des pinces, des chaînes… Et au mur, une injonction : « RALENTIR ».

L’intérieur du CRADE

L’accompagnement bénévole

Loïc Kerouanton, chapeau, tablier et regard concentré, virevolte d’un poste de réparation à l’autre.  Ce dernier partage une longue histoire avec le vélo.

« Très jeune j’en faisais beaucoup. J’ai fait un premier voyage à vélo dans le Sud de l’Europe, et je suis revenu en Bretagne pour travailler avant de repartir en voyage. Je suis resté 3-4 ans à Concarneau, c’était juste au moment où l’association était en train de se monter. Au début je suis allé là-bas pour me former, pour être autonome à vélo dans mes voyages. Assez rapidement, je suis devenu bénévole ».

Au terme de plusieurs années de voyages à vélo autour du monde, il s’installe en Bretagne. Aujourd’hui, en plus d’assurer toutes les permanences d’aide à la réparation, il remet en état des vélos pour la structure et gère la partie administrative. Un investissement qui occupe 40 à 50 heures de sa semaine.

Malgré le nombre impressionnant de personnes qui y passent, le CRADE repose réellement sur un noyau dur de 5 à 10 bénévoles. Ceux-ci accompagnent les cyclistes venus se remettre en selle, en prenant soin surtout de ne pas faire à leur place.

L’accompagnement des bénévoles aguerris

Faire soi-même

« On veut montrer la possibilité de faire soi-même », souligne Loïc Kerouanton. « On vient avec son vélo, deux heures de réparation, on repart avec son vélo. Concernant l’entretien, ils comprennent d’où est venu le problème, et on leur montre que si c’est bien entretenu c’est plus facile à réparer. Puis on leur dit : Maintenant que tu sais le faire, et que ça coûte pas cher, tu es invité à revenir »

Les outils sont à disposition dans l’atelier, attendant d’être utilisés librement. Un état d’esprit qui a pour effet de renverser le rapport à la consommation.

« On n’est pas un service de vente ou de réparation payante. Moi je suis content quand les gens repartent avec leur vélo révisé, surtout si c’est bien fait. Je n’ai aucun intérêt à ce qu’ils reviennent. J’ai déjà vu des structures où le but était que les gens reviennent, parce qu’à chaque fois qu’ils reviennent, ils paient. Là c’est l’inverse ». 

Des outils à disposition

Un endroit vivant

L’envie des bénévoles du CRADE semble avant tout de créer un lieu vivant, que les gens puissent s’approprier.

« Certaines personnes viennent aussi sans vélo, juste pour découvrir le local, faire des rencontres. On a beaucoup de personnes de passage, on fait aussi accueil Warm Shower, un réseau d’hébergement gratuit pour les cyclotouristes », note Loïc Kerouanton.

Des ateliers avec des jeunes, en partenariat avec plusieurs structures d’action sociale, sont régulièrement organisés. Une école de Quimper envoie également des élèves finir au CRADE leur formation en mécanique vélo.

« On aide les ateliers locaux à se développer, à Rosporden, Melgven, Névez. On serait très contents de pouvoir répartir ce flux immense de vélos qu’on reçoit », confie Loïc Kerouanton.

La seule chaîne qui rend libre

« L’objectif est que les gens soient autonomes, on veut mettre en avant leur capacité à faire. Beaucoup, au début, ne croient pas qu’ils vont réussir. En fait, il faut juste prendre le temps ».

Plusieurs heures à tester, bidouiller, apprendre, comprendre. Quelquefois demander conseil à Loïc Kerouanton ou un autre bénévole, qui comme par miracle sait exactement où nous en sommes alors qu’il gère la réparation de 10 vélos en même temps.

Et à la fin, lorsqu’on réalise que ce vieux Peugeot de 1950 pourra à nouveau rouler, ce profond sentiment de satisfaction que l’on n’avait pas anticipé. Alors on lève enfin la tête du guidon pour lire, écrit à la main sur une banderole au mur : « La seule chaîne qui rend libre est celle d’un vélo ».

Marine Wolf

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