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À cause de la pollution des industriels, la rivière Yamuna en Inde est en état de « mort écologique »

Après avoir fidèlement alimenté en eau la ville de Delhi pendant 3000 ans, la rivière Yamuna est aujourd’hui en état de « mort écologique », tombée sous les coups de la pollution domestique et industrielle dans la région. Aujourd’hui, seuls les pieux hindous se risquent dans des eaux désertées même par les organismes vivants les plus coriaces. Pourtant, […]
13 juillet 2017 - Antoine Puig
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- Thème : Intelligence et communication, protection des forêts, déforestation, santé…
- Format : 300 pages
- Impression : France

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Après avoir fidèlement alimenté en eau la ville de Delhi pendant 3000 ans, la rivière Yamuna est aujourd’hui en état de « mort écologique », tombée sous les coups de la pollution domestique et industrielle dans la région. Aujourd’hui, seuls les pieux hindous se risquent dans des eaux désertées même par les organismes vivants les plus coriaces. Pourtant, la réponse des pouvoirs publics est encore partielle et maladroite.

Signalement hors du commun

L’appel a dû surprendre : en mars dernier, un militant écologiste indien, Brij Khandelwal, a appelé la police du district d’Agra pour signaler un meurtre. La victime ? La rivière Yamuna, dont une bonne partie des 1 370 kilomètres serpente à travers le district d’Agra, à l’est de Delhi. Selon lui, la rivière est bel et bien morte « d’un point de vue écologique » ; dans son signalement, il cite plusieurs responsables politiques locaux : « la rivière est morte, quelqu’un doit en endosser la responsabilité ».

Délirant ? Pas tant que ça, lorsque l’on sait que la rivière avait été classée quelques jours auparavant comme une « entité vivante » par la Haute Cour de l’Etat de Uttarakhand, l’Etat qui englobe le district d’Agra. Cette classification, unique, que la rivière partage avec le Gange (dont elle est un des affluents), en fait une entité juridique équivalente à une personne physique – logique, donc, d’en dénoncer le meurtre aux autorités.

Mort écologique

Il faut bien reconnaître que la rivière Yamuna, autrefois réputée pour son eau de grande qualité (au XVIème siècle, on la décrivait « meilleure que du nectar »), est aujourd’hui dans un piteux état. Claire sur les 400 premiers kilomètres de son parcours (qui prend naissance dans la chaîne de l’Himalaya), l’eau s’assombrit, se couvre de déchets et d’une mousse blanche peu engageante au contact des activités humaines qui la bordent. Selon le Guardian, la rivière est polluée par plus de 20 canalisations d’évacuation d’eaux usées simplement sur la portion qui traverse Delhi ; il faut ajouter à cela les nombreux produits chimiques rejetés dans le fleuve par les industries locales. A Wazirabad, un quartier de l’agglomération de la capitale indienne, le fleuve est même entièrement arrêté par un barrage – de l’autre côté, 1 800 litres d’eau polluée rejoignent chaque jour le lit de la rivière asséchée.

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Sur place, on regrette la rivière d’autrefois : « nous avons des archives qui montrent que, jusqu’aux années 1960, l’eau était de qualité bien supérieure ; il y avait une bien plus grande biodiversité, on y pêchait encore », témoigne Himanshu Thakkar, membre d’une association de défense des droits. Aujourd’hui, le niveau de pollution est tel (jusqu’à 4 fois le taux maximal autorisé de fluorure) que toute vie a déserté l’eau de la rivière, parfois entièrement dépourvue d’oxygène ; seules les bactéries les plus résistantes y subsistent encore.

« Nous avons des archives qui montrent que, jusqu’aux années 1960, l’eau était de qualité bien supérieure ; il y avait une bien plus grande biodiversité, on y pêchait encore »

Conséquences sanitaires

Les derniers êtres vivants qui s’y risquent encore sont les habitants de la région, et même ceux des contrées avoisinantes. En effet, les eaux de la Yamuna sont sacrées pour les Hindous, au même titre que celles du Gange. Faisant fi de l’eau visqueuse et des déchets, les dévots se baignent donc avec extase dans la rivière, espérant la rédemption : « oui, la Yamuna est polluée, mais elle a le pouvoir de nous libérer », énonce pieusement un prêtre.

L’eau est également consommée par environ 60 millions d’Indiens, qui n’ont pas d’autre source d’eau, à part la couteuse eau filtrée en bouteille. En conséquence, les pathologies pleuvent : difficultés respiratoires, douleurs de poitrine, fatigue chronique.

Inefficacité des pouvoirs publics

Pourtant, l’agglomération de Delhi ne regarde pas à la dépense pour nettoyer la rivière : depuis 1985, l’équivalent de 270 millions d’euros a été dépensé pour changer la situation, selon la Cour suprême d’Inde. L’attention du public et du gouvernement ne manque pas, mais le problème, selon Thakkar, est structurel : plus de 20 organes gouvernementaux cherchent à résoudre la question, mais n’arrivent pas à se mettre d’accord. Les initiatives, quand elles voient le jour, dépérissent faute de suivi et de coordination.

Résignés, les habitants pensent qu’il faudra encore que l’état de la rivière empire avant que les autorités n’aboutissent à une réponse efficace. Pankaj Vir Gupta, professeur d’architecture à l’université de Virginie, tire un parallèle avec la Tamise, qui est restée sale jusqu’à ce que son odeur incommode les députés britanniques : « si l’odeur parvient aux portes du Parlement, nous verrons peut-être quelque chose se faire », soupire-t-il.

Crédit Photo : Dominique Faget

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13 juillet 2017 - Antoine Puig
"Le plus souvent, les gens renoncent à leur pouvoir car ils pensent qu'il n'en ont pas"

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