Dès le 1^er octobre, les APL ou les Aides Personnelles au Logement se verront raccourcies de 5 euros. Selon Claire O’Petit, députée En Marche, « Si à 18 ans, on commence à pleurer pour 5 euros, on ne risque pas d’aller loin dans la vie ».

Dans le programme de réduction des dépenses publiques, l’une des premières têtes qui tombent est celle des APL ! Alors, elle ne tombe pas encore mais est raccourcie de 5 euros. Aujourd’hui, ce sont 6,5 millions de jeunes français qui en bénéficient, elles sont calculées selon les revenus annuels, sont distribuées à tous et peuvent parfois se cumuler avec certaines bourses. Raboter 5 euros de ces aides équivaut à économiser environ 32,5 millions d’euros par mois ou 390 millions d’euros par an côté gouvernement : cette mesure pour le moins impopulaire était dans le viseur depuis un bout de temps déjà. En 2015 par exemple, la Cour des Comptes avait remis un rapport très négatif au Sénat sur le sujet en soulignant le caractère coûteux et inefficace des APL. Notons également que ces 5 euros ne sont qu’un début de grignotage « lent » mais efficace des aides logements pour les jeunes.

On ampute au lieu de soigner

Une fois de plus, le gouvernement joue à soigner une France des assistés. Ces méchants jeunes qui font tout un foin pour 5 euros ! Roh, mais 5 euros, ce n’est rien ! On ne va pas en faire tout un fromage ! Ah on avait dit baisse de la dépense publique, mais les mots ne suffisent pas, il faut passer à l’attaque et puis haut les cœurs avec les jeunes. Proposer une alternative aux APL jugées inefficaces par la Cour des Comptes ? Mais non, pourquoi ? Quelle perte de temps quand on peut amputer au lieu de soigner !

« C’est ça où on augmente les impôts »

Méchants français ! Méchants ! Ou tu finis ton dessert, ou tu vas au lit ! Sérieusement ? C’est comme ça que l’on parle aux citoyens ? Est-ce que Madame O’Petit nous prendrait pour des gens stupides ? « Il faut que tout le monde participe », ah mais oui Madame, vous voulez qu’on participe ? Commencez par arrêter de nous prendre pour des idiots, commencez par aller chercher les entreprises qui s’évadent fiscalement, commencez par couper les régimes de faveurs et les dépenses injustifiées menées par votre gouvernement.

5 euros ? Vous savez ce que représentent 5 euros pour un étudiant ? 6 baguettes, 25% d’une mutuelle, un livre d’occasion pour la fac, 5 kilos de pâtes, 10 steaks hachés chez Aldi, 3 paquets de céréales, 3 caisses de 6 bouteilles d’eau, 5 boîtes de sauce tomate, 5 boîtes de mouchoirs, 10 torchons de cuisine chez Hema, 15 cahiers A5, 2 gobelets en verre, 5 trousses, un hand spinner, la BD des Schtroumpfs à la Fnac, 4 pots de gel pour les cheveux, 2 poubelles… On peut faire des supers recettes de lasagnes et inviter les potes pour 5 euros, s’acheter une bouteille de piquette pour les apéros, même pas un paquet de clopes ! On peut aller boire une bière en terrasse ou offrir un verre à un ami. On peut rentrer dans certaines boîtes à 5 euros, acheter des films ou s’abonner à un site porno. On peut se racheter des BIC ou des sachets de thé, on peut acheter des cartes postales ou une coque pour notre téléphone !

Mais en fait, ce qu’on en fait des 5 euros, cela ne vous regarde même pas. Et oui, oui on va en faire un fromage parce que ce n’est pas en coupant des aides à des millions de jeunes (dont la plupart ont voté pour vous) que vous allez faire avancer les choses ! Pensez donc plus loin avec vos petites lunettes et vos petits plans à 5 ans, pensez transition écologique, pensez manger mieux, pensez travailler plus efficacement, pensez culture, pensez santé ! Pensez éducation, pensez bien-être, pensez solidarité ! Pensez aussi carré, rentabilité et croissance pertinente ! Pensez plus grand, plus créatif, plus juste ! Mais au final, quoi que vous pensiez, je vous en conjure Madame : arrêtez de parler aux français comme des gens qui ne comprennent pas, comme des gens qui n’ont envie de rien, des gens qui vivent leur petite vie sans se soucier des autres. Vous avez été élue alors, je vous en prie : soyez porteuse de notre parole, digne de notre confiance et constructrice de notre avenir.

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PS : « Un étudiant qui touche les APL touche aussi une bourse… normalement. » : c’est totalement faux donc rdv sur la page servicespublic.gouv pour Madame O’Petit qui n’est pas à jour sur les prestations sociales.

Pour aller plus loin

Pour ceux qui ont la dent dure et l’envie de se pencher sur les méandres économiques de l’implication des APL, voici quelques caractéristiques et critiques de cette aide :

En 2016, les APL ont coûté presque 17,7 milliards d’euros (ça fait cher la jeunesse, non ?) soit 43,2% des dépenses publiques consacrées au logement (41 milliards d’euros). Dans une politique (par les jeunes, pour les jeunes, non ?) visant à faire baisser ces dépenses, c’est un peu plus simple de grappiller de ce côté-ci ! Si le rapport de la Cour des Comptes souligne une inflation du coût des APL, il devrait également prendre en compte la croissance de l’économie ainsi que la comparaison à un programme britannique, pourtant parfois d’humeur frileuse, qui y consacre 1,5% du PIB contre moins de 1% en France.

Ah, la belle France des assistés a du souci à se faire ! Elle se ferait rattraper par ses voisins européens ! (Ou peut-être qu’ils ont compris que la jeunesse, c’est l’avenir et qu’une jeunesse endettée jusqu’au cou, ça fait des petites bulles financières CQFD). Un autre argument avancé par la Cour des Comptes est relatif à l’inefficacité des APL : les situations de logement sont toujours difficiles, les aides ont un effet inflationniste sur les prix, certains bailleurs en profitent pour chiper les aides ou augmenter leur loyer selon les APL touchées. En effet, le mal-logement touche 12 millions de personnes en France : la faute aux APL ? Par contre, concernant la qualité supérieure des logements français contre le reste de l’Europe : rien à voir avec les APL. Mais qu’on leur jette la pierre afin de détourner le regard des autres causes avérées de la crise du logement en France comme les problèmes de construction ou d’investissement !

De plus, concernant l’effet inflationniste et le côté « aide aux bailleurs », les études mettant en relief la hausse des prix de logement déconnectent totalement du prix du marché, une fois les aides retirées de l’équation, les loyers continuent d’augmenter. Il est plutôt facile de connecter deux choses similaires pour dénoncer un effet négatif ou positif, un peu moins lorsqu’il faut creuser les vraies causes. Par ailleurs, une expérience au Royaume-Uni a été tentée : une simulation de retrait des APL afin de voir si les loyers baisseraient, ce qui s’est soldé par un échec.

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