L’ONG foodwatch se lance dans une grande opération pour faire sortir les pesticides de nos céréales. Pour cela, elle entend sensibiliser les distributeurs pour qu’ils aident les agriculteurs à produire sans intrants, alors que le pourcentage de produits présentant des résidus de pesticides est toujours très important.
90% des pains et produits de boulangerie à base de blé contiennent des résidus de pesticides. Bien que la quantité de fruits et légumes bio soit en nette expansion, les produits à base de céréales restent à la marge.
En Union Européenne, 50% des terres arables, soit 52 millions d’hectares, sont destinées à la culture des céréales. L’extrême majorité d’entre elles sont exploitées à l’aide de pesticides.
“Le modèle actuel d’agriculture intensive à haut niveau d’intrants, fondé sur les pesticides chimiques, est susceptible de menacer la sécurité alimentaire à moyen terme en raison d’une perte de biodiversité, d’une probable augmentation des parasites, de la dégradation des sols et de la perte de biodiversité” est-il écrit dans un document de travail de la Commission européenne datant de cette année.
Selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), 37% des céréales, de la farine et du pain européen présentent des résidus de 65 pesticides différents, 18 d’entre eux dépassent les limites maximales de résidus (LMR).
“Chaque hectare de céréales reçoit 4 à 6 traitements de pesticides pendant la saison de croissance des plantes” est-il écrit dans le rapport de foodwatch intitulé “Le côté obscur des céréales”.
“On ne peut pas laisser les agriculteurs seuls face au changement de modèle agricole.“ insiste Jörg Rohwedder, le président de l’ONG, “ les distributeurs ont un rôle à jouer.“
L’objectif de Foodwatch est d’interpeller ces derniers pour qu’ils accompagnent les agriculteurs vers des “la réduction de pesticides” selon Camille Dorioz, ingénieur agronome responsable campagne Foodwatch France.
“Les supermarchés peuvent clairement décider comment les denrées sont produites mais ils ne le font pas” analyse Annemarie Botzki, cheffe de campagne pour Foodwatch.
Depuis plusieurs années, les distributeurs “déploient des procédures” afin de proposer des “produits fabriqués avec moins de pesticides”.
“Toutefois, leurs efforts se limitent souvent aux fruits et légumes”, précise le rapport.
Pourtant, en France, 50% des traitements avec des pesticides sont destinés aux cultures céréalières. En Allemagne, les champs de blé et d’orge concentrent à eux seuls 45% de l’utilisation de pesticides.
“Absence de stratégie des distributeurs”
Foodwatch a mené une enquête auprès des distributeurs français, allemand et hollandais sur leur politique de diminution des pesticides dans leurs produits proposés à la vente. En France, l’organisation a interrogé 6 distributeurs : Leclerc, Intermarché, Super U, Carrefour Lidl et Monoprix/Casino.
Tous ont une volonté “d’augmenter la quantité de bio”, selon Camille Dorioz, en “contractualisant” certains agriculteurs aux pratiques durables ou en “interdisant certains pesticides dans le processus de production”.
“Il semble que les distributeurs soient conscients de leur rôle et de leur influence sur la réduction des pesticides dans la fabrication de leurs produits” précise le rapport. Pourtant sur les céréales ? Pas grand chose.
Intermarché propose une baguette garantie “sans pesticides”, mais ce n’est “qu’une baguette sur tous les produits à base de céréales” explique Camille Dorioz.
Même chose avec Carrefour qui fabrique des pâtes et des baguettes en lien avec des producteurs ayant des objectifs de réduction de pesticides.
“Ce n’est pas révolutionnaire mais ce sont des pistes” insiste l’activiste.
En Allemagne, “aucun des distributeurs n’a évalué l’ampleur des pesticides dans ses produits céréaliers” peut-on lire dans le rapport. Interrogé, le supermarché Tegut admet ne pas avoir « de vision complète des pesticides utilisés dans la fabrication de notre gamme de produits ».
Les distributeurs hollandais sont dans le même cas malgré quelques avancées. La totalité des pâtes complètes de marque distributeur d’Albert Heijn est bio depuis 2022. Une multitude de supermarchés proposent également des gammes de produits biologiques pour le petit déjeuner.
Produire des céréales sans pesticides, c’est pourtant possible
Le distributeur suisse Migros est proche “d’une culture du blé totalement exempte de pesticides”. L’entreprise a réussi à “éliminer progressivement les régulateurs de croissance, les fongicides et les insecticides de la culture des céréales, même si un recours limité aux herbicides reste autorisé.”
La boulangerie allemande Maurer cultive 900 000 mètres carrés de terres sans pesticides, sans OGM ni régulateurs de croissance. Son blé est 100% biologique.
Mais tout cela ne pourra se faire qu’avec des avancées concrètes de la part de l’Union Européenne, qui doit “imposer des régulations pour réduire l’utilisation des pesticides” selon Jörg Rohwedder, alors que les négociations bloquent sur le Green Deal.
Sources : “Pesticides : Dark Side Of Grain Report”, foodwatch, 10/10/2023