Cet article pourrait commencer ainsi : le 17 septembre, à la Fashion Week de Londres, le défilé Burberry et celui de Gareth Pugh ont été perturbés par des activistes anti-fourrure. Ce serait faire beaucoup de bruit pour rien puisque le défilé n’a eu qu’une quinzaine de minutes de retard. On peut plutôt commencer de cette manière : le 17 septembre 2017, de nombreuses marques utilisent encore de la fourrure véritable, ce marché rapporte chaque année 40 milliards de dollars, il est la cause de la mort de 56 millions d’animaux par an selon 30 millions d’Amis, et divise le monde de la mode entre ceux qui le refusent et ceux qui le cautionnent.
Des scandales à répétition
Vous avez sûrement entendu parler des « monster fox », ces renards gris gavés pour augmenter la surface de leur peau et leur faire produire plus de fourrure. Une enquête menée par une association finlandaise a projeté ces horreurs sur le devant de la scène, et par là a exposé aussi les marques auxquelles ce genre d’établissement fournit la fourrure de ces renards qui pèsent 5 fois leur poids ordinaire : Louis Vuitton, Michael Kors, Gucci…
On peut aussi citer une enquête de deux ans dans des élevages de lapins en Catalogne (70 fermes et 4 abattoirs), enquête menée par les associations L214, Last Chance for Animals et Animal Equality. Si vos tripes sont bien accrochées, regardez la vidéo qu’ils ont réalisée là-bas. Les conditions de vie de ces animaux élevés en captivité sont tout simplement atroces. Selon Francisco Cuberes, le propriétaire de Curticub, l’entreprise qui distribue la fourrure produite dans ces élevages, il compte parmi ses clients Giorgio Armani, Yves Saint Laurent, Christian Dior, et Burberry.
Selon l’association 30 millions d’Amis, sur 180 animaux tués, la fourrure de 42 d’entre eux seulement est utilisée, le reste étant jeté.

Crédits photo : CITIZENSIDE / Ian Davidson / Citizenside (AFP)
Le marché hautement lucratif de la fourrure
Le marché de la fourrure est en croissance depuis une dizaine d’année, et se développe notamment dans le vêtement masculin (on peut rêver des manteaux de Jon Snow, mais rappelons pour la forme que l’on est en 2017, que nous ne sommes pas au nord du Mur et qu’il y a d’autres moyens de se tenir chaud que de porter un cadavre sur le dos), et sur le marché chinois, qui en est très demandeur. En 2013, la Chine représente 80% des débouchés en termes de vente de fourrures brutes, mais l’Europe est le plus gros producteur, avec 6000 fermes qui se répartissent entre le Danemark, la Pologne, les Pays-Bas et la Finlande. Entre 2011 et 2013, selon la Fédération internationale du commerce de la fourrure (IFTF), les ventes ont doublé, passant de 15,6 milliards à 35,8 milliards de dollars.
La mode de la fourrure gagne aussi le prêt-à-porter masculin avec des marques comme Fendi et selon le Fur Information Council of America, ce débouché représente environ 5% des ventes. « L’industrie de la fourrure n’a aucune éthique, aucun système de réglementation et ne rend de comptes à personne », estime la directrice de PETA (People for the Ethical Treatment of the Animals). Et on est vraiment tentés de la croire.
Les protestations se font lentement entendre
En 2006, Ralph Lauren a arrêté l’utilisation de vraies fourrures, puis Tommy Hilfiger en 2007. Les groupes H&M et Inditex, American Apparel, Topshop et Zalando ont adhéré au programme de l’association Fur Free Alliance, mettant également un terme à leur utilisation de fourrure.
Après les événements de samedi à la Fashion Week de Londres, une pétition est disponible en ligne afin de protester contre le port de la fourrure et de faire pression sur les marques qui l’autorisent encore. Elle a pour le moment récolté presque 225 000 soutiens. Cette pétition a été lancée par Ed Winters, le cofondateur de Surge, une association qui a également réalisé le documentaire Land of Hope and Glory, à propos du caractère inhumain des élevages au Royaume Uni.
Mais que peut-on faire tant que de puissants groupes comme l’International Fur Federation promeuvent haut et fort le port et l’utilisation de la fourrure dans le monde de la mode ? La refuser nous-même tout d’abord, signer les pétitions disponibles ensuite, manifester. Et tout ce tohu-bohu autour de la fourrure occulte le problème tout aussi important du cuir, très prisé également.
Crédits photo couverture : EVGENYA NOVOZHENINA / SPUTNIK

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