Alors que l’Argentine avait donné une véritable leçon au monde entier en 2002 – en sortant d’une crise aussi importante que celle que connaît actuellement la Grèce sans l’aide du FMI – voilà que les politiques d’austérité menées par le président de droite Mauricio Macri, élu en décembre 2015, font replonger le pays dans la récession et les troubles sociaux.
De l’inflation à la crise
Au début des années 90, l’Argentine connaît une forte inflation. Pour endiguer ce phénomène, le gouvernement décide de fixer le taux de sa monnaie, le peso, sur le dollar. Cette mesure, efficace pour freiner le phénomène d’inflation, a pourtant eu des répercussions sans précédent sur l’économie du pays. En effet, l’Argentine ne disposait pas d’un système bancaire très développé et était donc largement dépendante des marchés financiers. De plus le fait que l’Argentine ait calé le cours de sa monnaie sur le dollar a entrainé une augmentation massive des importations (puisque leur taux a été réduit grâce à la nouvelle parité). A la fin des années 1990, le réal brésilien (la monnaie officielle) subit une dévaluation soudaine, en même temps que le taux du dollar ne cesse d’augmenter. Ces fluctuations des monnaies vont directement se répercuter sur l’Argentine qui va rentrer dans une phase de sévère déflation.
L’échec du FMI
Le Fonds monétaire international (FMI) tente alors de « sauver » l’Argentine en apportant des fonds et en fixant des politiques budgétaires à adopter. Entre 1998 et 2001, l’Argentine va se voir dicter sept plans d’austérité par le FMI, le but étant de couper dans les dépenses de l’Etat (aides sociales, salaires de la fonction publique, …) pour racheter les banques qui menacent de s’effondrer. Mais aucun de ces plans ne marche ; en 2002 alors que la crise est à son summum, l’Etat a contracté une dette de 140 milliards de dollars, le taux de pauvreté a atteint 57% et le taux de chômage 23 %. La colère gronde au sein du peuple argentin, et les solutions proposées par le FMI ont fait plus de mal que de bien.
Señor Roberto Lavagna
Le héros de l’histoire c’est Roberto Lavagna, ministre de l’Economie qui prend ses fonctions au pire moment de l’histoire économique de l’Argentine. Alors qu’il prend ses fonctions en avril 2002, il se rend à Washington le mois suivant pour rencontrer les dirigeants du FMI. L’Argentine avait déjà reçu en tout 51 milliards de dollars d’aides de la part du FMI, et ce dernier souhaitait offrir une nouvelle aide de 17 milliards (sous couvert de la bonne application des politiques d’austérité voulues par le FMI). Mais Roberto Lavagna dédaigne toute nouvelle aide du FMI : merci bien, mais l’Argentine se débrouillera toute seule désormais. Imaginez comme cela devait être impensable pour le FMI, un pays en crise qui souhaite retrouver son autonomie en termes de politique budgétaire ? Ridicule !
« Nous avons sauvé les gens plutôt que les banques »
Après de nombreuses négociations qu’on imagine enjouées, Roberto Lavagna parvient finalement à ses fins et négocie une restructuration de la dette argentine (c’est-à-dire que la dette est renégociée et qu’on accorde des délais supplémentaires pour son remboursement). L’acte fort de ce ministre argentin aura donc été d’avoir le courage de dire non au FMI, d’avoir refusé de sauver les banques avant de sauver les gens. Et les résultats ont suivi, dès 2005 la dette a déjà baissé de moitié (passant de 137% à 71%), les troubles publiques se sont progressivement estompés et l’Argentine connaît une croissance de 9% dès 2004. Ce qui a sauvé l’Argentine, c’est tout simplement l’adoption de toutes les mesures qui prenaient le contrepied de celles dictées par le FMI : multiplication des aides sociales, relance des dépenses publiques, dévaluation du peso… Même si la rémission ne fût pas totale, il y eu du moins une embellie, un espoir et une confiance retrouvée en l’économie du pays.
« Nous avons sauvé les gens plutôt que les banques »

Retour à la case départ
Depuis 2015 pourtant, l’Argentine semble être repartie à la case départ. L’ancienne présidente Cristina Kirchner, qui est aujourd’hui mise en examen pour corruption, a laissé à son successeur, Mauricio Macri, un pays en pleine récession et dont la monnaie connaît une nouvelle inflation (40% en 2016). Et pour répondre à cette crise, le nouveau président a décidé de renouer avec les politiques libérales : en 2016, l’Argentine a réemprunté pour la première fois auprès des marchés de capitaux, et met en place des plans de réduction des dépenses publiques ainsi que de non-intervention de l’Etat dans l’économie.
Ces mesures qui devaient mener à une nouvelle relance économique au premier trimestre de 2017 ont finalement creusé à nouveau les inégalités : un tiers des quelques 42 millions d’Argentins vivent actuellement sous le seuil de pauvreté. Le gouvernement essuie alors depuis le début de l’année de nombreuses grèves, notamment des syndicats d’enseignants, et a même dû faire face à une grève générale qui a intégralement bloqué la capitale jeudi 6 avril. Mauricio Macri, premier président de droite élu en Argentine, appelait pendant sa campagne à une « révolution de joie », il semble à l’inverse qu’il doive aujourd’hui subir les coups de la « révolution de colère » qu’il a engendré (et ses prédécesseurs), en recommençant à ôter le pain de la bouche du peuple pour le donner aux banques…

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