Lundi avait lieu l’audience correctionnelle de Sébastien Arsac et Tony Duhamel, deux membres de l’association L214 qui s’étaient introduits dans l’abattoir de Houdan (Yvelines) pour y installer des caméras. A l’issue de celle-ci, 15 000 euros d’amende ont été requis contre les lanceurs d’alerte…
Les lois de la justice font-elles la justice des lois ?
Il y a de ces associations qui font le choix de passer outre les lois au nom d’une cause plus grande dont la portée vise à repousser les limites des législations existantes. C’est le cas de L214 qui lutte depuis de nombreuses années pour rendre visibles les dessous de notre alimentation carnée en diffusant des vidéos chocs témoignant de la souffrance animale dans les abattoirs, mais aussi en proposant des alternatives pour adopter une alimentation plus éthique.
C’est dans ce cadre qu’à la fin de l’année 2016, Sébastien Arsac, cofondateur de l’association, et Tony Duhamel s’étaient introduits par effraction dans l’abattoir de Houdan pour y installer des caméras. Quatre GoPros avaient été placées dans une nacelle qui plonge les cochons dans des chambres où ceux-ci sont asphyxiés au CO2. Si cette méthode est bien légale, l’objectif des deux activistes était de dévoiler les souffrances terribles infligées aux cochons par ce procédé. Ils avaient été arrêtés par la gendarmerie dans la nuit du 12 au 13 décembre alors qu’ils venaient récupérer leurs caméras.
Guy Harang, le directeur de l’abattoir, avait porté plainte pour « violation de domicile » – passible de 15 000 euros d’amende et d’un an de prison – et « tentative d’atteinte à l’intimité de la vie privée par fixation, enregistrement ou transmission de l’image » – passible de 45 000 euros d’amende et d’un an de prison. Après l’audience correctionnelle qui a eu lieu lundi 4 septembre au tribunal de Versailles, le procureur de la République a finalement requis une amende de 15 000 euros d’amende dont 10 000 euros avec sursis.
« Oui, c’était moi »
Loin de nier les faits, les deux prévenus se sont immédiatement rendus responsables de leurs actes devant le tribunal. Mais reconnaître leur responsabilité ne veut pas dire nier la légitimité de leur action, car selon eux, leur effraction n’est pas grand-chose au regard de la souffrance subie par ces animaux au sein de ce dispositif pourtant bien légal. Tony Duhamel explique que « Ça [lui] paraissait juste, légitime, moral par rapport aux images », ce à quoi Sébastien Arsac ajoute :
« La machine est mal constituée. L’ascenseur s’arrête à un demi-palier plutôt que descendre directement au fond de la fosse de CO2. C’est tout sauf un étourdissement. On voit le réflexe de suffocation et l’agonie. »

Pour se défendre de ces accusations, l’avocat de Guy Harang a alors souligné que « les différentes inspections ont conclu à la conformité des conditions d’abattage ». Pour autant, comme l’a précisé Sébastien Arsac, Guy Harang lui-même s’était dit « choqué » lorsqu’il avait visionné les images de l’association relayées par Envoyé Spécial. Une défense refusée par le procureur qui rappelle l’activiste à l’ordre : « Ce n’est pas le procès de l’abattoir. »
Atteinte à la vie privée, vraiment ?
Le chef d’accusation portait sur la « violation du domicile » et la « tentative d’atteinte à l’intimité de la vie privée ». Or, la défense avait déposé une question prioritaire de constitutionnalité, faisant valoir que l’infraction commise par les activistes ne constituait en rien une atteinte « à la vie privée » dans la mesure où elle ne concernait qu’une personne morale – l’abattoir – et non physique – le directeur en l’occurrence. En revanche, d’après l’attaque :
« Des salariés ont été menacés de mort, et l’abattoir, le dernier d’Ile-de-France, qui fait un travail de proximité, a perdu des clients […] La crainte d’être épiés par une caméra cachée, jetés en pâture au moindre manquement, crée une atmosphère anxiogène pour les salariés. »
Même si l’on sait désormais que les personnes travaillant dans les abattoirs peuvent avoir des comportements violents à l’égard des animaux du fait même de l’environnement ultra-violent dans lequel ils sont plongés, rien ne peut excuser les horreurs perpétrées dans les abattoirs et cautionnés par la loi. Peut-être est-ce alors là le procès d’une loi aveugle et stagnante contre une loi éclairée et éclairante qui veut faire évoluer les mentalités…

Le tribunal de Versailles rendra son verdict le 9 octobre et se prononcera sur cette question prioritaire de constitutionnalité qui déterminera si les activistes seront relaxés, ou condamnés à 15 000 euros d’amende dont 10 000 avec sursis. De plus le procès inverse (L214 attaquant l’abattoir pour souffrance animale) aura également lieu dans les mois à suivre.
Crédits photos : L214
Quoi qu’il en soit, nous soutenons l’association L214. Nous estimons que son combat est non seulement légitime, mais nécessaire pour le bien-être des animaux, pour l’évolution de la société, et pour la valeur de la justice.

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